25 juin 2021 Publication

Retour d’expérience sur l’application du régime des calamités agricoles aux sécheresses sur prairies de 2019 et 2020

  • Béatrice Frécenon et Hervé Lejeune

Le CGAAER a été chargé d’établir un retour d’expérience sur les conditions de reconnaissance et d’indemnisation des sécheresses sur prairies en 2019 et 2020, dans un contexte de transition climatique aggravé par des difficultés économiques de l’élevage bovin français.

Pascal Xicluna / agriculture.gouv.fr

Rapport de mission d’expertise n° 21030

Avril 2021

Mots-clés : calamités agricoles, CNGRA, sécheresse, prairies, assurance récolte

Enjeux

La contestation des avis du CNGRA (Comité national de gestion des risques en agriculture) du 18 février 2021 relatifs aux sécheresses sur prairies en 2020, a servi de révélateur à une difficulté d’indemnisation des aléas climatiques.

L’élevage, particulièrement dans ses régions traditionnelles, traverse une crise structurelle, économique, mais aussi sociétale : discours sur la nécessité de la baisse de consommation de viande, enjeu du bien-être animal, concurrence ressentie comme déloyale avec les viandes importées.

Les difficultés générées par le changement climatique (sécheresses plus fréquentes) s’ajoutent à ce contexte tendu, et les modalités d’indemnisation de ces aléas sont un enjeu majeur pour des agriculteurs aux revenus peu élevés, alors même que « l’assurance prairie » n’a jamais été aussi faible (1 % des surfaces sont assurées).

Par ailleurs, la multiplicité des sources conduisant à la reconnaissance du zonage, ajoutée à la règle mal comprise de la moyenne olympique (écarts mesurés sur 5 années), pourtant incontournable, ajoutent à l’incompréhension grandissante entre le terrain et l’administration, elle-même soumise aux contraintes européennes.

Le CGAAER a été chargé d’établir un retour d’expérience (retex) sur les conditions de reconnaissance et d’indemnisation des sécheresses sur prairies en 2019 et 2020.

Méthodologie

La mission a d’abord, dans le court délai imparti de deux mois, auditionné l’ensemble des membres du CNGRA (administration centrale de différents ministères, représentants du monde agricole, assureurs).

Puis elle s’est rendue dans trois départements où des difficultés ont été rencontrées dans le traitement des dossiers pour les sécheresses sur prairies de 2020 : l’Allier (prise en compte partielle du dossier présenté par le département), la Haute-Vienne et le Cantal (rejet des dossiers de reconnaissance présentés par ces deux départements en plus de celui du Lot). La mission y a rencontré les services déconcentrés pour examiner les réalités de l’élaboration des dossiers, des enquêtes terrain menant à la reconnaissance des zonages aux calculs des indemnisations individuelles, ainsi que les représentants départementaux de la profession agricole.

Résumé

Si des décisions plus structurelles concernant la gestion du risque, notamment climatique pour l’agriculture, sont à venir, certaines mesures peuvent être prises à court et moyen terme pour améliorer sans attendre la gestion des sécheresses sur prairies.

Compte-tenu des contraintes temporelles et réglementaires, il est proposé d’introduire des changements sur deux exercices, 2021 et 2022.

Le retex a permis de faire émerger deux postulats :

  • La moyenne olympique concentre beaucoup de critiques, mais il est illusoire de la remettre en cause. Modifier cette règle, issue d’une « boîte de négociation au sein de l’OMC », ne peut se faire qu’au niveau communautaire, ce qui en rend la faisabilité lointaine et aléatoire. Par ailleurs, cette règle est au fond vertueuse, car elle indique que le caractère exceptionnel d’un aléa climatique tend à devenir un changement climatique structurel. Elle incite à modifier les pratiques agricoles comme la solidarité nationale sur la couverture du risque. Garder la moyenne olympique ne signifie pas pour autant abandonner les éleveurs à leurs pertes. Il faut faire autrement.
  • La procédure « calamités » actuelle est trop opaque, trop contestable et trop lourde. Les services déconcentrés, comme l’administration centrale, font un travail considérable mais ils n’utilisent pas les mêmes faisceaux d’indices, ce qui génère incompréhension et contestation.

De ces postulats, la mission a tiré les préconisations suivantes :

  • Éviter au maximum les conséquences des sécheresses, en promouvant efficacement des dispositifs de stockage de l’eau et l’amélioration du choix variétal pour les prairies.
  • Arriver à faciliter la reconnaissance du zonage pour continuer à pouvoir indemniser des zones réellement touchées par la sécheresse, à éviter les décapitalisations et à aider des éleveurs qui ne peuvent plus acheter la nourriture nécessaire à leur troupeau. Il semble que l’indice de pousse de l’herbe, aujourd’hui utilisé par les assureurs sans contestation, est un bon indice. Ce premier zonage devrait pouvoir être d’abord établi sur cette base à l’échelon national, puis communiqué à l’échelon départemental pour ajustement sur le terrain.

Mieux indemniser et de façon plus transparente. Le calcul du déficit fourrager est trop complexe et ne garantit pas une évaluation réelle des stocks et des besoins. De même, le calcul actuel du pourcentage de perte par rapport à l’excédent brut de l’exploitation pénalise de fait les exploitations qui font de la diversification. La mission préconise donc de ne plus indemniser les pertes de fonds mais d’indemniser la perte de pousse de prairies, de modifier le calcul en abaissant le seuil d’éligibilité et en augmentant le taux d’indemnisation.

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