Camion benne chargé de la récolte de haricots beurre
Xavier Remongin/agriculture.gouv.fr

20 juillet 2023 Info +

Géographie logistique du système agro-alimentaire français - Analyse n°192

Les notes d’Analyse présentent en quatre pages l’essentiel des réflexions sur un sujet d’actualité relevant des champs d’intervention du ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire. Selon les numéros, elles privilégient une approche prospective, stratégique ou évaluative.

Les paramètres géographiques (lieux, distances, territoires, espaces) sont fondamentaux pour comprendre les productions agricoles et les consommations alimentaires. C’est la raison pour laquelle le Centre d’études et de prospective du ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire a conduit une analyse géographique des secteurs agricole et alimentaire français, déclinée en trois documents de travail relatifs aux dimensions économiques, environnementales et logistiques. Cette note revient sur les principales conclusions du volet logistique. Elle s’intéresse aux parcours effectués par les produits agricoles et alimentaires, depuis la production jusqu’à la consommation, et aux évolutions techniques et sociétales en la matière.

Introduction

Le système agro-alimentaire est en constante évolution, notamment pour répondre aux attentes des consommateurs et aux nouveaux défis environnementaux. La dimension géographique joue un rôle déterminant dans ces transformations : l’agriculture repose en effet sur un facteur de production localisé – la terre –, tout en s’inscrivant, ainsi que l’alimentation, dans des territoires et des flux bien plus étendus.

Pour mieux comprendre ces phénomènes, le Centre d’études et de prospective (CEP) du ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire a engagé une prospective, en trois volets – économie, environnement, logistique –, afin d’explorer les mutations territoriales du système agro-alimentaire français. Cette note revient sur les principaux enseignements tirés du volet logistique. Il s’agissait d’étudier la circulation des produits agricoles et alimentaires, ses tendances structurelles ou émergentes, en tenant compte des régulations économiques et des demandes sociétales.

La logistique désigne « l’organisation de la distribution des marchandises »1, dans une perspective d’optimisation des flux, de maîtrise des coûts et d’ajustement à diverses contraintes, notamment réglementaires. Avec l’intensification des échanges commerciaux et la diversification des modes de consommation, elle est devenue une préoccupation centrale pour les acteurs du système agro-alimentaire.

Pour en cerner les enjeux, une revue de littérature a d’abord été réalisée, puis plusieurs experts, aux profils complémentaires, ont été réunis à deux reprises lors d’ateliers d’une demi-journée : Thierry Allègre (directeur Support opérations chez Martin Brower France, président du Club Déméter « Logistique Responsable »), Maud Anjuère (directrice Chaîne alimentaire durable chez Coop de France), Laure Bonnaud (chargée de recherche à INRAE), Laetitia Dablanc (directrice de recherche à l’université Gustave Eiffel), David Guerrero (chargé de recherche à l’IFSTTAR), Aurélien Rouquet (professeur de Logistique et Supply Chain management à NEOMA Business School). À l’issue de ces réunions d’échanges, un document de travail a été publié, dont cette note présente les principaux enseignements.

La première partie est consacrée aux évolutions des itinéraires parcourus par les produits. La suivante aborde la logistique sous l’angle du marketing. Enfin sont présentés les nouveaux enjeux liés au déploiement d’une gouvernance multiacteurs et multiscalaire.

1) Logistique agricole et alimentaire : allongement des itinéraires, concentration des bassins de production et consommation

La logistique agricole et alimentaire met en œuvre une succession d’étapes pour relier le lieu de production au consommateur final. Les itinéraires parcourus reposent sur un ensemble d’outils matériels et de dispositifs, permettant à la fois d’allonger les distances et d’assurer l’approvisionnement de bassins de consommation qui se densifient.

Les produits agricoles parcourent des distances toujours plus longues

Historiquement conditionnés par le caractère saisonnier, périssable et local des produits agricoles, les itinéraires parcourus par les denrées alimentaires se sont constamment allongés dans le dernier demi-siècle. Des innovations agronomiques, industrielles et technologiques ont rendu possibles les échanges sur de longues distances. Les circuits de distribution se sont standardisés, en s’appuyant en particulier sur le triptyque camion-route-entrepôt et en accompagnant l’essor des bassins périurbains de consommation. La figure 1 met ainsi en évidence l’organisation des flux de viande de porc à l’échelle planétaire.

Une carte présente les flux de viandes et de produits du porc dans le monde, en 2021. Par exemple, pour les flux à destination de Asie de l’Est, 4 003 milliers de tonnes proviennent de l’Union européenne, 2 637 de la zone États-Unis - Mexique - Canada, et 1 123 d’Amérique latine.

La logistique alimentaire utilise des circuits et des relais communs à l’ensemble des marchandises, et elle se déploie à l’échelle internationale, mais elle ne répond pas nécessairement à une division du travail aussi poussée que dans d’autres secteurs économiques, comme l’automobile ou l’électronique. Une part importante des produits agricoles est distribuée aux consommateurs en étant non ou très peu transformés, tandis que les recettes plus élaborées reposent sur un petit nombre d’étapes, souvent réalisées dans la même usine de transformation. De ce fait, les circuits logistiques comptent relativement peu de sites et d’opérations de manutention. Leur optimisation repose davantage sur l’allongement des distances que sur la complexification des itinéraires.

Des flux tournés vers les bassins de consommation

L’organisation territoriale de la logistique alimentaire accompagne l’évolution des modes de vie, en particulier les choix résidentiels. L’attrait pour l’habitat individuel se traduit par un étalement urbain partiellement conditionné par l’implantation des centres commerciaux et des commerces, et par les infrastructures de transport (route, fer, air, mer). Ce schéma entraîne, à plus large échelle, une organisation du territoire en bassins de production, à partir desquels les produits agricoles et alimentaires sont acheminés vers des zones de forte consommation. La structuration croissante des flux et leur densification concourent à l’approvisionnement continu des points de distribution et facilitent ainsi l’accès des consommateurs aux denrées.

La concentration des enseignes de la grande distribution a abouti à une omniprésence des groupes agroalimentaires mondialisés et des réseaux de franchisés, qui se sont organisés autour de « parcs logistiques » (zones d’entreposage et de transit) et de centres commerciaux aux surfaces de plus en plus grandes. La mutualisation des approvisionnements s’est développée, permettant le fonctionnement en flux tendu d’entrepôts dont l’aire de distribution est devenue régionale. Tout indique que cette structuration organisationnelle et territoriale se poursuivra dans les prochaines années.

Parallèlement à cette gestion à grande échelle des approvisionnements, des stratégies locales de réancrage des circuits de distribution dans une nouvelle proximité géographique se développent aussi : à côté des rayons et produits classiques, la mise en avant de producteurs locaux est importante d’un point de vue marketing. Intégrant des arguments d’ordre environnemental (réduire les kilomètres alimentaires) ou social (mieux rémunérer les producteurs), ce retour vers le local nécessite que les producteurs réalisent de nouvelles tâches, pouvant concurrencer le temps dédié à la production. La valorisation de la proximité se traduit par des modes d’organisation spécifiques : magasins de producteurs, intégration de rayons locaux dans la distribution classique, etc. Le développement de partenariats public-privé accompagne ces offres alternatives, notamment dans le cadre de Projets alimentaires territoriaux (PAT), qui fédèrent différents acteurs d’un territoire autour de l’alimentation, en intégrant les dimensions sociales, économiques, environnementales et sanitaires (387 PAT reconnus en janvier 2023 par le MASA).

2) La logistique dans une approche marketing

Si les flux de produits alimentaires s’inscrivent pleinement dans la mondialisation, avec l’allongement des distances et la rationalisation des circuits, leurs itinéraires logistiques comprennent en général moins d’étapes et sont moins complexes que dans d’autres secteurs. Les difficultés rencontrées par les opérateurs sont avant tout liées aux fragilités des matières premières et de denrées. Parallèlement, de nouvelles demandes sociétales s’expriment : limitation de l’impact environnemental du transport, prise en compte du bien-être animal, réduction des pertes et gaspillage alimentaires. Elles sont à l’origine de changements notables dans la distribution des produits agroalimentaires.

Manipuler et distribuer des produits périssables

La première contrainte, pour la logistique alimentaire, tient au caractère périssable des produits : fragilité physique des fruits et légumes mûrs, sensibilité microbiologique des denrées d’origine animale, etc. Lors de la collecte, du transport, de la transformation éventuelle, du stockage et de la distribution, les paramètres de température et d’hygrométrie doivent être maîtrisés. Pour y parvenir, les opérateurs cherchent le meilleur « itinéraire logistique », c’est-à-dire la combinaison des flux de produits intégrant l’ensemble des opérations nécessaires à leur mise à disposition des consommateurs2. La comparaison de différents itinéraires permet d’identifier celui qui présente les meilleures performances au regard des caractéristiques intrinsèques des produits et de leurs circuits de commercialisation.

Quel que soit l’itinéraire choisi, certaines opérations sont décisives. Ainsi, le conditionnement est une étape clé, puisqu’il protège les denrées (transport, stockage), facilite les opérations de manutention, mais aussi apporte des informations au consommateur via l’étiquetage. Le conditionnement est au cœur de multiples innovations, ces dernières années, qui témoignent de l’évolution de la consommation alimentaire. Un nombre croissant d’enseignes proposent ainsi des « paquets aliments-services », accessibles notamment grâce au e-commerce. Les préoccupations en matière d’impact environnemental des emballages ont, de leur côté, accéléré le remplacement des anciens emballages par des matériaux recyclables, ou la mise en place de circuits de « logistique inverse », c’est-à-dire de retour des produits des points de vente vers le fabricant, en vue de leur réutilisation, recyclage, élimination, etc. L’optimisation du conditionnement continuera, dans les prochaines années, de mobiliser les chercheurs et les entreprises.

Entre standardisation et différentiation : la logistique comme levier de stratégie commerciale

La recherche d’itinéraires logistiques optimaux, notamment du point de vue économique, a contribué à opérer une sélection des produits les plus adaptés. Cette standardisation a reposé en particulier sur la sélection variétale. Les efforts ont porté, en premier lieu, sur l’amélioration des caractéristiques de durabilité des produits : pour les fruits et légumes, les variétés les plus résistantes aux chocs et à la durée de vie prolongée ont été favorisées. La reproductibilité des lots et la résistance des produits aux conditions de transport ou de stockage ont permis de diminuer les prix de vente, favorisant l’accès de la population à une alimentation plus diversifiée et moins coûteuse. Dans le même temps, la consommation de produits transformés (conserves, surgelés) a augmenté du fait de leur praticité, de leur bon rapport qualité/prix et de leurs saveurs conservées (en ­particulier des fruits climactériques3 commercialisés frais et récoltés avant leur pleine maturité). Des offres alternatives de produits frais, toujours standardisés via des cahiers des charges, mais de qualité supérieure (fruits « mûrs à point », « pêche du jour »), se sont également développées. Ces produits répondent à la fois aux exigences d’une logistique massifiée, en flux tendus, et à l’élévation des niveaux de qualité attendus par les consommateurs (variétés sélectionnées sur des critères de calendrier et de régularité de production).

En réaction à ces tendances à la standardisation des produits, sont apparues des démarches plaçant la diversification au cœur de leur stratégie commerciale. Certaines filières cherchent ainsi à multiplier les gammes et à se positionner sur différents segments de marché, afin de répondre à une demande plurielle intégrant des exigences de qualités nutritionnelle, sanitaire, sociale et environnementale. La logistique doit alors s’adapter aux spécificités du produit, de ses usages et de sa commercialisation, en allant jusqu’à créer des filières séparées pour certains labels (« sans OGM », « sans pesticides », « commerce équitable »).

Ce mouvement reste néanmoins limité en comparaison des tendances de compression des coûts et d’intensification logistique, qui structurent en profondeur le système agricole et alimentaire.

Nouvelles attentes sociétales et logistique agroalimentaire

De plus en plus d’acteurs se préoccupent des impacts du système alimentaire sur l’environnement. Leurs attentes, dorénavant mieux prises en compte, ont des conséquences sur l’organisation logistique, notamment en matière de respect du bien-être animal (encadré 1) et d’émissions de gaz à effet de serre.

Encadré 1 - Bien-être et transport des animaux vivants

Les préoccupations des consommateurs et des associations de protection animale s’accroissent. Elles questionnent les conditions de vie des animaux sur les exploitations et pendant leur transport, notamment lors de trajets longs, en période de canicule ou à destination de pays ayant des normes moins exigeantes.

La France exporte chaque année 130 millions d’animaux (dont 98 % de volailles, poussins d’un jour ou volailles pour l’abattage)4, majoritairement à destination de l’Union européenne. Historiquement, le choix de transporter les animaux de boucherie vivants s’expliquait par la nécessité d’assurer la salubrité de la viande, les carcasses se dégradant rapidement après l’abattage. L’organisation géographique actuelle du transport d’animaux vivants, qui découle surtout d’opportunités commerciales, est progressivement remise en cause du fait de la sensibilité croissante à la « question animale ».

Une enquête commandée par le Parlement européen a ainsi mis en évidence les difficultés rencontrées pour faire appliquer la réglementation relative au transport des animaux vivants, conséquence notamment du manque de personnel qualifié5. La Commission européenne a prévu, quant à elle, dans le cadre de sa stratégie De la ferme à l’assiette, d’améliorer la législation en matière de bien-être animal, notamment en matière de transport. L’augmentation des coûts, résultant de réglementations plus exigeantes et d’éventuels boycotts, pourrait conduire à questionner la pertinence économique du transport d’animaux vivants dans les années à venir6.

En effet, le transport des marchandises agricoles et alimentaires représente environ 20 % du total des émissions de gaz à effet de serre du système alimentaire français7. La part du transport routier y est largement prépondérante, représentant plus de 90 % de la logistique alimentaire, du fait notamment des livraisons du dernier kilomètre, non accessibles à d’autres véhicules. La transition écologique du secteur du transport de marchandises porte donc avant tout sur la décarbonation du transport routier : pour ce faire, un mix-énergétique plus durable devra se substituer à l’utilisation exclusive de carburants issus du pétrole (figure 2).

Un graphique présente l’évolution du mix-énergétique en transport routier selon le terme considéré (aujourd’hui, à 2025, à 2030 ou à 2040) et selon la distance (transport urbain, régional ou à longue distance).

Source : webinaire EVE, Quel mix-énergétique pour le transport routier aujourd’hui et demain ? 2021 © Eco CO2,
Lien :
https://www.youtube.com/watch?v=lxDpJTURhmA&t=1965s

La transition écologique des transports peut également consister en un report modal, du routier vers le ferroviaire et le fluvial, ce qui nécessite des infrastructures, des réseaux de bonne qualité et la création de nœuds d’intermodalité. Néanmoins, ces solutions ne sont pas applicables à l’ensemble des trajets parcourus. Par ailleurs, des améliorations technologiques seront nécessaires pour accompagner la modernisation du transport fluvial ou ferroviaire, et pour faciliter la coordination des opérations grâce à des outils numériques.

3) Vers une organisation logistique intégrée des flux agricoles et alimentaires

La circulation des produits agricoles et alimentaires se fait à plusieurs échelles : locale, régionale, nationale, continentale et internationale, en réponse aux besoins des acteurs privés et des bassins de consommation. Les évolutions technologiques, à commencer par l’informatique et les datas, permettront demain d’augmenter la rationalité et l’efficacité de la logistique agricole et alimentaire.

L’articulation des différentes échelles logistiques

La mondialisation des échanges de produits agricoles et alimentaires a rendu accessibles des denrées exotiques aux consommateurs européens, dans des quantités croissantes, et à bas prix. Pensons par exemple, depuis les années 1970, à la banalisation de la consommation de pamplemousse, kiwi, puis avocat, mangue, quinoa, etc. Cette évolution de la seconde moitié du XXe siècle se heurte aujourd’hui aux préoccupations environnementales et au coût énergétique du transport, avec un retour en force des circuits de proximité. Cette nouvelle tendance, qui semble bien installée, devrait se confirmer dans les prochaines années. La logistique devra alors concilier mondialisation et longues distances avec la mise en relation directe, localement, des producteurs et consommateurs.

Cette articulation des échelles de distribution longue et courte sera un défi majeur. Elle connectera le consommateur au dernier acteur de la distribution et nécessitera de nouveaux équipements et infrastructures parfois difficiles à insérer dans le tissu urbain existant (installation de dark stores dans les quartiers résidentiels, etc.).

Politiques publiques et régulation de la logistique

L’efficacité d’un système logistique dépend de l’articulation de ses différentes échelles et de la cohérence d’ensemble de ses diverses composantes : continuité des voies d’approvisionnement et intermodalités (route, fer, air, mer), distribution géographique des équipements de stockage (silos, entrepôts, etc.), cohérence réglementaire. La gestion des infrastructures et la protection de l’environnement se pensent aujourd’hui principalement à l’échelle européenne, alors que la distribution au plus près des consommateurs relève plutôt de l’échelon régional ou local. L’articulation des différents niveaux de gouvernance peut engendrer des difficultés pratiques, limitant la performance des chaînes logistiques, la rapidité et la continuité des approvisionnements.

Cette question est au cœur des enjeux de compétitivité mondiale. Dans un contexte d’intensification de la concurrence internationale, marqué par la montée des « pays émergents » et de leurs productions agroalimentaires, la logistique permet aux pays exportateurs de se démarquer lorsqu’ils disposent de réseaux logistiques efficaces et d’une forte capacité à distribuer les produits rapidement et à moindre coût8.

Logistique et numérisation

Les outils numériques et robotiques utilisent et produisent des données, tout le long de la chaîne alimentaire, qui assurent la traçabilité des produits, et facilitent les opérations de manutention et de distribution, et la communication précise avec les consommateurs (figure 3). Cette utilisation descendante des informations est associée à une chaîne ascendante de données utilisées pour gérer les stocks (en favorisant le flux tendu), ainsi que pour alimenter plus largement les stratégies commerciales des opérateurs de l’amont (transformateurs et distributeurs qui ajustent les marques et produits fabriqués et distribués en fonction des retours clients).

Cette figure illustre un exemple de numérisation de la traçabilité d’un poulet. À l’aide d’un QR-code placé sur l’emballage, le consommateur peut avoir un ensemble d’informations : origine et labels du produit, trajets effectués de l’élevage au rayon alimentaire, carte de France indiquant le lieu de naissance du poussin, niveau de bien-être animal de l’élevage, etc.

Source : Institut du commerce, GS1 France, ECR, 2020

À l’aide d’un QR-code placé sur l’emballage, le consommateur peut avoir un ensemble d’informations, comme l’origine et les labels du produit, les trajets qu’il a effectués de l’élevage au rayon alimentaire, la carte de France matérialisant le lieu de naissance du poussin, le niveau de bien-être animal de l’élevage, etc.

L’utilisation accrue du numérique présente aussi des limites et suscite des critiques de certains acteurs. Par exemple, aux difficultés liées à la compatibilité des différents systèmes, s’ajoutent des problèmes d’accessibilité des outils numériques et de protection des données.

Conclusion

La géographie logistique du système agricole et alimentaire français s’est façonnée sous l’influence de tendances lourdes dictées par une logique économique d’optimisation des coûts (itinéraires techniques, transport, stockage/distribution) et de standardisation-massification des flux pouvant agir sur l’amont de la chaîne de production agricole. Si ces mécanismes continuent de se renforcer, sous l’influence des innovations techniques des opérateurs, un certain nombre de limites se sont fait jour depuis une vingtaine d’années. La transition numérique, mais aussi de nouvelles demandes des consommateurs en matière de bien-être animal ou de territorialisation (circuits courts), engendrent un renouvellement des enjeux de la logistique alimentaire et favorisent le développement d’approches alternatives. De manière plus décisive, les enjeux climatiques et énergétiques rendent nécessaires des changements profonds à toutes les étapes des chaînes logistiques : décarbonation de la production agricole, du stockage et du transport, réduction des déchets (emballages, gaspillage), remise en cause des échanges à très longue distance, etc.

De ce fait, la logistique alimentaire est de plus en plus un objet de politique publique au cœur des débats. Sa transition devra s’intégrer dans une réflexion transversale d’aménagement du territoire, articulant divers échelons de décision, du local à l’international, et anticipant les réseaux et les connexions entre ces différents niveaux. Elle devra également mettre à contribution aussi bien les opérateurs professionnels du système alimentaire que les consommateurs, afin de faire émerger des solutions innovantes et adaptées au contexte.

Florent Bidaud, Franck Bourdy

Centre d’études et de prospective


1 Dablanc L., Frémont A., (dirs), 2015, La Métropole logistique. Le transport des marchandises et le territoire des grandes villes, Armand Colin.

2 Pour une étude de filière recourant à cette notion, voir Joya R., Hamon J., 2022, La logistique des légumineuses en France : enjeux et perspectives, Analyse n° 180 : https://agriculture.gouv.fr/la-logistique-des-legumineuses-en-france-enjeux-et-perspectives-­analyse-ndeg-180

3 Fruit dont la maturation se fait après cueillette en autoproduisant de l’éthylène, par exemple pomme, poire, banane et kiwi.

4 Massot A. et al., 2021, Research for ANIT Committee. Patterns of livestock transport in the EU and to third countries, Parlement européen.

5 Metz T. et al., 2022, Proposition de recommandation du Parlement européen à l’intention du Conseil et de la Commission à la suite de l’enquête sur les allégations d’infraction et de mauvaise administration dans l’application du droit de l’Union en ce qui concerne la protection des animaux pendant le transport, à l’intérieur comme à l’extérieur de l’Union (2021/2736(RSP)).

6 Cazacu C., 2018, Romanian livestock industry : a comparison study on the impact of replacement of live exports of bovine and ovine with refrigerated/frozen meat. Research report by Original Media.

7 Barbier C. et al., 2019, L’empreinte énergétique et carbone de l’alimentation en France, Club ingénierie prospective, énergie et environnement, Iddri.

8 Daher P., Hémar E., 2019, Pour une chaîne logistique plus compétitive au service des entreprises et du développement durable, rapport de mission CGEDD. Conférence nationale sur la logistique, 2017, Document-cadre pour une Stratégie nationale « France Logistique 2025 ».