12 décembre 2017 Info +

Suivi national « Plantation de l'année » Bilan des campagnes 2015 et 2016

La plantation est une phase difficile de la vie d’un peuplement forestier. Les plants quittent la pépinière (milieu très favorable à leur croissance) pour la parcelle forestière, milieu beaucoup plus hostile. Ces jeunes plants peuvent subir des stress divers. L’objectif du présent suivi est d’évaluer l’importance relative de ces stress potentiels sur la survie des plants, lors de leur première année de vie en forêt.

EN BREF

  • 1 706 plantations observées sur 2 années
  • année 2015 : caractérisée par une sécheresse persistante, elle présente le plus fort taux d'échec des plantations de la décennie 2007-2016
  • année 2016 : la réussite est meilleure mais elle est inférieure à la moyenne 2007-2016.
  • les agents biotiques sont responsables de 13 % des mortalités, à parité entre insectes (hylobe sur conifères) et autres animaux (cervidés, sanglier...)
  • la mortalité est abiotique ou indéterminée dans 87 % des cas.
  • au delà des contraintes climatiques, la qualité des pratiques culturales (travaux, qualité des plants et plantation, entretien...) contribue largement à la réussite des plantations.

Production de plants forestiers et plantations observées en 2015 et 2016

1 706 plantations ont été notées (soit 341 200 plants au total). Les plantations suivies concernent essentiellement (pour 85 % des observations) : le pin maritime, douglas, chêne sessile, épicéa commun, pin taeda, sylvestre, épicéa de Sitka, mélèze d’Europe et hybride, pin laricio de Corse, peupliers, hêtre et robinier.

Evaluation de la réussite globale

Deux critères ont été retenus pour évaluer la réussite globale des plantations à la fin de la première saison de végétation : le taux de plants morts sur l'ensemble des plantations et le taux de plantations qui ont atteint le seuil de 80 % de plants vivants.

  • La campagne 2015, marquée par la chaleur et la sécheresse, a été l'année la plus difficile en terme de reprise des plantations forestières sur la décennie 2007-2016, que ce soit au niveau de la proportion de plantations réussies (73 % soit 10 % de moins que la moyenne) ou de la proportion de plants morts (16 % soit 6 % de plus que la moyenne)
  • La saison 2016, grâce à un printemps très arrosé mais avec un mois d'août très sec, est proche de la moyenne en terme de réussite des plantations forestières observées.

Ces chiffres bruts cachent des disparités annuelles, spécifiques et régionales, analysées dans les paragraphes suivants :

Crédit ci-après
Crédit ci-après

  • En 2015, le quart Nord-est et le Massif-central, régions qui présentaient le plus fort stress hydrique des sols en fin d'été présentent les taux de mortalité les plus élevés.
  • En 2016, le niveau de plantations fortement atteintes (+ de 50 % de mortalité) est plus faible, celles-ci sont réparties sur une grande partie nord du territoire ; le sud-ouest (plantations de pin maritime), comme en 2015, présente les meilleurs taux de réussite.

Origine des dégâts et des mortalités observés à l'automne

40 % des plants environ présentent un problème sanitaire en fin de saison de végétation. La principale cause de la mortalité est abiotique ou indéterminée (qui regroupe les mortalités d'origine abiotique connue, celles liées à la qualité de plantation, et celles de cause non déterminée) dans plus de 85 % des cas en 2015 et 2016.

Observations des dégâts dus aux insectes

Si les insectes sont présents sur 20 % des plants observés en 2015 et 2016, ils sont impliqués dans 6 % des cas de mortalité en 2015 (765 plants morts) et 4 % en 2016 (358 plants morts).

Sept espèces ont entraîné la mortalité de plants ou ont été observées sur des plants morts : l'hylobe (1 002 plants soit 90 % des mortalités d'origine entomologique), le hanneton forestier (73 plants), la tordeuse des pousses du pin (24 plants), les scolytes du collet du genre Hylastes (11 plants), le puceron laineux du hêtre (9 plants), les charançons phyllophages (3 plants) et la grande saperde du peuplier (1 plant). Ce sont le douglas (16 %), l'épicéa commun (13%) et le mélèze d'Europe (10%) qui sont les plus atteints par des mortalités dues à l'hylobe.

Observations des dégâts dus aux pathogènes

En 2015, 24 % de plants sont atteints par un pathogène et 28 % en 2016. Le taux de mortalité de plants observés à l'automne est très faible (0,2 % en 2015 et 1,5% en 2016).

Ce sont 5 maladies foliaires (88 % des signalements) qui ont bénéficié des conditions d'humidité favorables du printemps 2016. L'oïdium du chêne représente les deux tiers des signalements, devant les rouilles foliaires des peupliers, l'anthracnose des chênes, la brunissure des peupliers et la cylindrosporiose du merisier.

Observations des dégâts dus aux animaux

Les animaux ont un impact équivalent aux insectes en terme de mortalité dans les plantations de l'année : 6 % de plants morts en 2015 (738 plants) et 8 % en 2016 (838 plants).

Ce sont essentiellement des mammifères : les cervidés, le sanglier et les rongeurs qui sont à l'origine des dégâts. 50 à 60 % des dégâts sont dus aux grands cervidés (cerf, chevreuil...) suite aux frottis ou à l'abroutissement des plants. Le sanglier, par ses dégâts de déchaussement des plants (15 % à 30 % des dégâts selon l'année) et les rongeurs (campagnols, mulots…), par leurs dégâts souterrains ou aériens (15 % à 35 % des dégâts selon l'année) complètent le diagnostic. Les lapins ou lièvres et autres animaux (bétail, gastéropodes) sont à l'origine de la mortalité d'une trentaine de plants sur ces 2 années.

Observations des dégâts d'origine abiotique ou indéterminée

Plus de 85 % des mortalités de plants observés à l'automne sont d'origine abiotique ou indéterminée en 2015 et en 2016.

Les causes identifiées représentent 56 % des problèmes d'origine abiotique. Ce sont des dégâts dus à la sécheresse, au gel tardif, à la chaleur, à la phytotoxicité d'un produit phytopharmaceutique… Dans un peu moins de la moitié des cas (44%), la cause n'est pas clairement identifiée : la mortalité est souvent due à l'action combinée d'une sécheresse printanière et/ou estivale et/ou de l'engorgement du sol pouvant entraîner une asphyxie racinaire des plants et/ou d'une qualité médiocre des plants et/ou de plantation ou d'entretien...

On voit nettement l'impact de la sécheresse de l'année 2015 (50 % des mortalités abiotiques) par rapport à 2016 (36 %) et l'effet du printemps pluvieux en 2016 (taux de dégâts dû à l'engorgement de 7%) par rapport à 2015 (1 % seulement). Le taux de problème lié à la plantation (qualité des plants et de la plantation, défaut de travaux préparatoires ou d'entretien…) varie de 5 % (2015) à 11 % (2016).

1 – Les plantations résineuses

La mortalité abiotique des plantations résineuses des 2 dernières campagnes, notamment l'année 2015, est la plus élevée des 10 dernières années.

Le douglas et de mélèze d'Europe présentent des caractéristiques proches : plus d'un quart des plantations en 2015 et un sixième en 2016 n'ont pas atteint les 80 % de taux de réussite. Les plantations de pin maritime, bien maîtrisées (travail du sol, fertilisation, plants en godets...), présentent un des meilleurs taux de réussite. Le taux d'échec du pin laricio de Corse, déjà élevé lors des campagnes précédentes, a franchi un palier en 2015 et surtout en 2016 : 27 % de plantations concernées par des fortes mortalités abiotiques, réparties sur l'ensemble du territoire. L'épicéa commun, essence « plastique » en terme de reboisement, trait confirmé par les faibles taux d'échec des campagnes précédentes, a nettement souffert des conditions climatiques défavorables de l'année 2015 : 27 % de plantations n'ont pas atteint le seuil de réussite et de l'été 2016 : 16 % de plantations n'ont pas atteint le seuil de 80 % de réussite.

2 – Les plantations feuillues

La mortalité abiotique des plantations feuillues de l'année 2015 est la plus élevée des 10 dernières années, elle est également forte en 2016, hormis pour le hêtre et le châtaignier. En 2015, elle est plus élevée de 15 % en moyenne par rapport aux conifères.

Les plantations de chêne sessile, de hêtre et de chêne rouge d'Amérique ont payé un lourd tribut à la sécheresse de 2015 (taux respectif de plantation avec une forte mortalité abiotique : 39 %, 53 % et 36 %). En 2016, le chêne sessile (26%) et le chêne rouge d'Amérique (29%) présentent des valeurs élevées. Comme en 2013, la moitié des plantations de chêne sessile concernées en 2016 se situent dans la Grande Région Ecologique (GRECO) Centre-Nord ; celles de chêne rouge d'Amérique sont toutes situées dans cette même grande région écologique.

3 - Les peupleraies

20 cultivars ont été observés sur 2 ans : les 4 principaux sont : Koster, I45-51, Trichobel et Vesten.

  • En 2016, hormis une plantation de I45-51 (Charente-Maritime) sur un sol hydromorphe où 15 % des plants sont morts d'asphyxie racinaire au printemps suite à l'engorgement du sol, les 4 clones présentent d'excellents résultats au niveau de leur reprise, traduisant une certaine maîtrise des plantations (travail du sol, technique de plantation, entretien…).
  • En 2015, malgré les soins culturaux apportés aux peupleraies, quelques plantations ont subi des mortalités abiotiques élevées, sans lien direct avec la sécheresse.

Travaux effectués et type de plants dans les plantations observées

Les travaux de reboisement participent, avec la qualité des plants et de la plantation, à une bonne reprise et une croissance correcte des plants mis en terre.

  1. Travaux avant plantation : 90 % des plantations, en moyenne, font l'objet de travaux préparatoires à la plantation (action sur les rémanents, les souches, le sol ou la végétation). Le douglas et le pin maritime sont les plus « mécanisés » (95 % des plantations) ; le peuplier, le moins (83 % des plantations).
  2. Travaux après plantation : hormis les peupliers, 50 % à 80 % des plantations ne font l'objet d'aucun travaux d'entretien la première année. Ainsi, si 95 % des plantations de pin maritime bénéficient de travaux préparatoires, seules 20 % font l'objet de travaux d'entretien la première année ; les travaux préparatoires suffisent à obtenir un très bon taux de reprise.

    Le dégagement des plants, manuel ou mécanique, est la principale action dans la plupart des cas. La protection contre le gibier concerne plutôt les plantations feuillues. L'utilisation des herbicides est plus élevée chez les peupliers. Les insecticides sont appliqués chez les résineux (lutte contre l'hylobe) et dans les peupleraies (contre les insectes défoliateurs).

  3. Type de plant : les types de plants sont très spécifiques selon les essences utilisées. Le pin maritime se plante exclusivement en godets et les peupliers en plançons. Les plants en racines nues sont majoritaires chez les feuillus et le douglas. Les autres résineux se répartissent à 60 % racines nues / 40 % godets, certaines essences étant cultivées en godets comme le pin taeda, le cèdre de l'Atlas et les pins Laricio.

Synthèse

Le suivi « plantations de l'année » apporte, à partir de l'observation de plus de 1 700 plantations pour les années 2015 et 2016, des éléments concernant les principaux facteurs de réussite ou d'échec des plantations de l'année.

  1. La réussite globale des plantations forestières en 2015 a été la plus mauvaise des dix dernières années suite à la sécheresse persistante depuis le printemps. Celle de 2016 est meilleure mais, malgré un printemps très arrosé, elle se situe en dessous de la moyenne 2007-2016. Le taux de plantations réussies (plus de 80 % de plants vivants) en fin de saison de végétation est de 73 % en 2015 et 82 % en 2016 ; la moyenne 2007-2016 de 84 %.
  2. Les agents biotiques sont impliqués dans 13 % des cas de mortalité, à parité entre les insectes et les autres animaux. Parmi les insectes, l'hylobe, qui pose un problème récurrent dans les plantations de conifères, représente 90 % des cas de mortalité. Les cervidés sont responsables de plus de la moitié des mortalités dues aux animaux autres que les insectes. L'oïdium a marqué le paysage pathologique de l'année 2016, il a été présent sur 30 % des chênes sessiles ou pédonculés plantés mais la mortalité due à ce pathogène foliaire est anecdotique.
  3. La mortalité principale des plants est d'origine abiotique ou indéterminée dans 87 % des cas. En 2015, c'est la sécheresse qui est impliquée dans 50 % de cas. L'engorgement a été un facteur important de mortalité en 2016. La « mauvaise » qualité de la plantation (travaux, plants, plantation, entretien…) représente 5 % (2015) à 11 % (2016) des cas de mortalité. Comme lors des bilans précédents, la cause abiotique est souvent complexe ou indéterminée.
  4. Les facteurs climatiques, stationnels ou anthropiques déterminent donc les conditions de reprise des plants lors de l'année d'installation. La préparation du site, la qualité des plants, leur mise en place, en plus des aléas climatiques locaux expliquent en grande partie les mortalités constatées. Ainsi, les plantations de pin maritime et de peupliers, les plus abouties au niveau technique, présentent les meilleurs taux de réussite. Il est rappelé que ce suivi concerne uniquement la première année de végétation et que les années suivantes, les plants restent encore soumis à des aléas climatiques, anthropiques et/ou biotiques.