04 décembre 2024 Publication

Révision des procédures de contrôle et des échelles des peines dans l'objectif de construire un cadre de confiance avec le monde agricole

  • Olivier Denais et Anne Dufour (CGAAER)
  • Eric Delzant et Eve Perennec-Segarra (IGA)
  • Bruno Cinotti et Marie-Claire Dissler (IGEDD)
  • Jocelyne Chabassier et Bruno Karl (IGJ)

Une mission conduite conjointement par le CGAAER, l'IGA, l'IGEDD et l'IGJ dresse un état des lieux des contrôles effectués dans les exploitations agricoles. Elle formule des propositions pour renforcer la régulation de ces contrôles et ouvre des pistes pour faire évoluer les suites qui leur sont données, notamment dans le domaine de l'environnement.

La Lettre du conseil général de l'alimentation de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) n°190 décembre 2024

Rapport de mission interministérielle de conseil n°24028

Mai 2024

Enjeux

La crise agricole a vu émerger la remise en cause d’un cadre normatif et de procédures administratives, perçus comme trop complexes et peu compatibles avec l'activité des agriculteurs. Les exploitants ont également exprimé une demande de considération et de reconnaissance, estimant les contrôles trop nombreux et les sanctions, notamment en matière environnementale, disproportionnées au regard de la gravité des erreurs ou infractions commises et de l’objectif de souveraineté alimentaire.
Pour rétablir la confiance avec le monde agricole, le Premier ministre a chargé les inspections générales de réaliser un état des lieux des contrôles et de leurs suites administratives et pénales, d’évaluer l’organisation du dispositif de contrôle et la proportionnalité de l’échelle des sanctions et de formuler des propositions.

Méthodologie

La mission a auditionné les représentants de la profession agricole, les administrations et des représentants de leurs personnels chargés des contrôles, tant au plan local que national, ainsi que les juridictions et les institutions européennes. Elle a rencontré environ 470 personnes en trois mois. Elle a réalisé une douzaine de déplacements. Elle a également adressé des questionnaires aux préfets, aux DDT(M) et aux juridictions, en vue de recueillir des données statistiques et des informations sur l’organisation des contrôles et les sanctions prononcées.

Résumé

Le mécontentement manifesté par la profession agricole prend sa source autant dans les modalités de déroulement des contrôles que dans leur nombre.

Il est possible de tendre vers l'objectif d'un "contrôle unique" par exploitation et par an en faisant évoluer l'actuelle coordination départementale en une véritable régulation réalisée sous l’autorité du préfet de département. Dans le respect des exigences sanitaires, environnementales et européennes, cette coordination devra porter sur le périmètre des contrôles programmables, inclure l’ensemble des administrations chargées des contrôles ainsi que leurs opérateurs, et être dotée d’un outil informatique spécifique.

La mission préconise aussi de renforcer l’administration territoriale de l’État dans une logique de subsidiarité. La fixation des règles doit se faire au plus près du terrain, le cas échéant dans le cadre d’une plus grande mobilisation du pouvoir dérogatoire des préfets. La nouvelle programmation de la politique agricole commune (PAC) offre l’opportunité de définir un dispositif national de contrôle moins centralisé, dont la mission invite à se saisir.

La mission propose d’allonger les délais de préavis des contrôles, et d’instituer le principe de contrôles à blanc lors de la mise en œuvre de toute nouvelle réglementation.

Les services déconcentrés doivent être mieux outillés pour répondre aux interrogations et aux incertitudes de la profession agricole concernant les normes et les contrôles. Il doit également être tenu compte du mal-être des agents des services de contrôle afin de redonner du sens à leurs missions.

La mission recommande d'élargir le droit à l'erreur tant dans le droit communautaire, qui exclut la phase de contrôle, que dans le droit national, qui ne couvre pas actuellement le champ des infractions environnementales.

Le rôle des chambres d'agriculture dans la diffusion et l’explication de la réglementation et des contrôles doit être accru pour mieux correspondre à leur mission de service public. Elles devraient renforcer les échanges entre la profession agricole et les agents de contrôle et contribuer à l’acculturation mutuelle du monde judiciaire et du monde agricole.

La mission plaide pour que les parquets définissent, dans chaque ressort, une politique pénale distinguant ce qui relève des sanctions administratives de ce qui relève du judiciaire.

Elle note la nécessité de simplifier le déroulement des procédures judiciaires mises en œuvre par les inspecteurs de l’environnement, perçues comme excessivement lourdes et pointilleuses.

Elle constate enfin qu’il serait utile de conduire, notamment dans le cadre de la transposition de la directive européenne 2024/1203 relative à la protection de l’environnement par le droit pénal, une réflexion globale sur la hiérarchie des peines, au vu du nombre élevé d’incriminations pénales rarement utilisées, à la fois dans un souci de clarification et d’efficacité, et dans l’objectif de favoriser la remise en état et la pédagogie. La reconnaissance de la bonne foi devrait être un élément important de cette évolution. Ces travaux requièrent toutefois la réalisation d’une étude d’impact que la mission n’a pu conduire dans le cadre qui lui a été imparti.

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