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agriculture.gouv.fr

10 mai 2015 Info +

Les innovations technologiques, leviers de réduction du gaspillage dans le secteur agroalimentaire : enjeux pour les consommateurs et les entreprises

Cet article porte sur les innovations technologiques pouvant être mises en œuvre par les industries agroalimentaires pour agir sur le gaspillage dans la distribution, la restauration et la consommation finale par les ménages. Dans le cadre d’une étude commanditée par le ministère de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt, et par le ministère de l’Économie, de l’Industrie et du Numérique, vingt-six innovations dans le domaine des emballages et des technologies de conservation des aliments ont été évaluées. Une analyse de la perception de ces innovations par les consommateurs et des conditions de leur adoption par les différents acteurs de la chaîne alimentaire a permis de mesurer leur attractivité, en prenant en compte les possibilités d’évolution des technologies à dix ans. Accompagner le développement de ces innovations pourrait contribuer à réduire le gaspillage alimentaire.

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Hélène Bourgade, Olivier Chartier, Elodie Cluzel, Nicolas Hémon, Patrice Dole et François Zuber [1] [2]

Le texte ci-après ne représente pas nécessairement les positions officielles du ministère de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt. Il n’engage que ses auteurs.

Introduction

Dans un contexte de raréfaction des matières premières et de croissance démographique, la nécessité de lutter contre le gaspillage alimentaire fait aujourd’hui consensus. Atteignant plus de 30 %de la production d’aliments destinés à la consommation humaine à l’échelle de la planète (Gustavsson et al., 2011), le gaspillage devient un enjeu crucial au niveau mondial. Au niveau communautaire, le Parlement européen a ainsi adopté en 2012 une résolution demandant des mesures urgentes pour le réduire de moitié d’ici 2025. Au niveau national, un pacte national de lutte a été lancé le 14 juin 2013.

Les actions et études concernant le gaspillage dans les pays du Nord se sont développées à la fin des années 1990 et se sont multipliées depuis 2008. La plupart des initiatives lancées au cours des dernières années concerne des actions d’information et de sensibilisation des acteurs de la chaîne alimentaire. Les changements de pratiques aux différents maillons (production, distribution, restauration) ainsi que l’éducation des consommateurs et la modification des habitudes alimentaires constituent le principal levier. L’instauration d’une journée nationale de lutte contre le gaspillage, le lancement d’une campagne de communication à destination du grand public, la mise en place de formations dans les écoles hôtelières et les lycées agricoles ou l’initiative « Zéro Gâchis », qui propose aux consommateurs de consulter ce qui va être prochainement jeté dans les magasins des environs, sont des illustrations d’actions de sensibilisation.

Les innovations technologiques peuvent également contribuer à réduire le gaspillage alimentaire. La publication Food waste within global food systems identifie les innovations les plus intéressantes à partir d’une analyse des ses causes (Bond et al., 2013) [3]. Les priorités de recherche identifiées pour l’industrie agro-alimentaire incluent une meilleure valorisation des produits, à travers une meilleure qualité (sanitaire et organoleptique) et à travers de nouvelles solutions de stockage et de conservation, notamment par la reformulation ou par la mise en œuvre d’emballages innovants.

Le présent article étudie les conditions de mise en œuvre d’innovations technologiques susceptibles de contribuer à la fois à la réduction du gaspillage alimentaire et à l’amélioration de la compétitivité de l’industrie agro-alimentaire française. Il s’appuie sur les méthodes, résultats et conclusions de l’étude Les innovations technologiques, leviers de réduction du gaspillage dans le secteur agroalimentaire. Enjeux pour les consommateurs et pour les entreprises (Bourgade et al., 2014), financée par le ministère de l’Agriculture de l’Agroalimentaire et de la Forêt, dans le cadre de la section « Économie et sociologie » de l’Observatoire de l’alimentation, ainsi que le ministère de l’Économie, du Redressement productif et du Numérique dans le cadre du Pôle Interministériel de Prospective et d’Anticipation des Mutations Economiques (PIPAME) [4].

Il est construit autour de l’évaluation des innovations technologiques afin d’aboutir à un classement et à des recommandations à court, moyen et long termes. Les données nécessaires à l’évaluation ont été renseignées au fur et à mesure de l’avancement de différents volets : acceptation par le consommateur, réglementation, maturité de la technologie, maturité du marché français, bénéfices en matière de gaspillage, coût économique et impact environnemental. Nous présenterons dans un premier temps les objectifs, le périmètre et les méthodes utilisées, de façon à dégager, dans une second temps, les principaux résultats et recommandations d’action.

1. Objectifs, périmètre et méthode

1.1. Objectifs

L’objectif de l’étude commanditée est de proposer un cadre d’action publique pour soutenir la mise en œuvre d’innovations technologiques susceptibles à la fois de diminuer le gaspillage alimentaire et de conférer un avantage compétitif aux entreprises agroalimentaires françaises. Cet objectif général se décline en quatre objectifs spécifiques :

1) Recenser les innovations technologiques les plus prometteuses en termes de réduction du gaspillage alimentaire. Cette analyse qualitative prend notamment en compte le degré de maturité de chaque innovation technologique, le cadre réglementaire de sa mise en œuvre par l’industrie agroalimentaire ainsi que la présence d’acteurs nationaux susceptibles de contribuer à la R&D et à la mise sur le marché des innovations.
2) Évaluer la perception et l’acceptation des consommateurs. L’étude de la perception des innovations contribuant à réduire le gaspillage alimentaire par les consommateurs doit permettre d’établir une typologie des innovations technologiques au regard de leur acceptabilité par les consommateurs.
3) Étudier les conditions nécessaires à la mise en œuvre des innovations par l’industrie agroalimentaire en déterminant l’impact des technologies sur la compétitivité des industries agroalimentaires. L’objectif est de dresser un bilan des avantages et des inconvénients de leur mise en œuvre par les entreprises.
4) Évaluer l’attractivité des innovations en prenant en compte les évolutions possibles à 10 ans. L’objectif est d’évaluer l’attractivité des technologies au regard de leur faisabilité de mise en œuvre (peut-on facilement mettre en œuvre la technologie ?) et de leur impact macro-économique (a-t-on intérêt à mettre en place la technologie ?) en prenant en compte leurs perspectives d’évolution à 10 ans.

1.2. Périmètre

L’analyse porte sur les innovations technologiques ayant un impact sur la consommation finale des produits alimentaires. Elle couvre principalement les innovations technologiques susceptibles de réduire cette part du gaspillage évitable. Une attention particulière est portée aux innovations dans le domaine des emballages alimentaires et des technologies de conservation des produits. La reformulation a été exclue du périmètre car l’aborder aurait nécessité une analyse fine produit par produit, ce qui était hors de portée.

La consommation finale des ménages représente en effet la source la plus importante de gaspillage : de 42 à 67 %du gaspillage total, en France, au Royaume-Uni et au sein de l’Union européenne (Ministère de l’Écologie, 2012).

Cette observation est confirmée par les sources allemandes (Kranert et al., 2012). D’après Bond et al. (2013), le principal levier technologique pour réduire le gaspillage au niveau de la consommation finale est l’amélioration des produits alimentaires à travers de nouvelles solutions de stockage, de conservation, la reformulation ou la mise en œuvre d’emballages innovants.

Les innovations agissant sur les pertes au niveau de la production primaire par l’agriculture et de la transformation par les entreprises agroalimentaires ne rentrent pas dans le périmètre de l’analyse. Les innovations dans le domaine des équipements électro-ménagers domestiques ne sont pas non plus couvertes.

1.3. Méthodologie

La méthodologie repose sur une approche en cinq volets :

Volet 1 - Méthode pour l’identification des technologies

Le volet 1 a pour objectif de réaliser un état des lieux des innovations technologiques susceptibles de contribuer à la réduction du gaspillage alimentaire. Ces innovations ont été identifiées grâce à une recherche documentaire (presse professionnelle, publications scientifiques, veille Internet) qui s’est appuyée sur les connaissances, les outils et le réseau du Centre Technique de la Conservation des Produits Agricoles (CTCPA) et sur des échanges avec d’autres réseaux d’experts (Centres Techniques des filières IAA, scientifiques de l’INRA et universitaires, etc.).

Chaque innovation a été décrite selon une trame commune (« fiches technologiques »). Ces informations ont ensuite été synthétisées et analysées avec notamment une description du cadre réglementaire et des principaux acteurs nationaux.

Volet 2 - Méthode pour l’évaluation de la perception des innovations par les consommateurs

La perception des consommateurs a été évaluée pour l’ensemble de ces technologies à travers l’analyse de dix « études de cas » représentatives des différentes technologies. Pour réaliser une sélection des technologies discutées, les innovations a priori proches ont été rassemblées en 14 groupes. Puis, les groupes de technologies faisant consensus et dont l’acceptabilité ne pose a priori aucun problème ont été retirés de la liste des discussions.

Dix courts scénarios décrivant brièvement chaque technologie appliquée à un aliment adéquat régulièrement consommé ont été mis au point et présentés lors de trois groupes de discussion (9, 7 et 8 participants). Suite à la lecture de chaque scénario, les participants ont exprimé leurs avis sur ces technologies. Afin de favoriser la spontanéité des participants tout en s’assurant que la discussion ne s’éloigne pas du sujet de départ et que tous les points essentiels soient abordés, un protocole semi-structuré a été mis au point. Les panels de consommateurs ont été sélectionnés afin de tenir compte de déterminants tels que sexe, âge et lieu de vie (ville vs. campagne). La connaissance scientifique des participants n’a pas été un critère de sélection. Huit entretiens avec des associations de consommateurs et des centres techniques régionaux de la consommation ont également été réalisés afin de compléter l’analyse.

Le nombre de groupes de discussion réalisés peut être considéré comme une limitation. En outre, ce type de méthodologie considère un consommateur « autonome » (hors situation réelle d’achat), homogène (les dissensions, les groupes sociaux, etc. ne sont pas pris en compte), réductions utiles mais qu’il convient de garder à l’esprit.

Volet 3 - Méthode pour l’évaluation de l’adoption des innovations par l’industrie agroalimentaire

Des entretiens avec des entreprises (équipementiers, distributeurs, acteurs de la restauration collective et transformateurs de produits alimentaires) ont été réalisés pour étudier les conditions de mise en œuvre des innovations par l’industrie agroalimentaire. Un guide d’entretien a été élaboré pour chaque type d’acteur et validé par le comité de suivi. Ces guides définissaient les orientations et les questions de l’entretien qui portaient sur le gaspillage, les technologies, leur coût de mise en œuvre [5], et les freins et leviers à la vente ou à leur adoption de ces dernières.

Au total, 38 entretiens ont été réalisés. Six entretiens ont été réalisés avec des représentants de centres techniques agroalimentaire afin d’identifier les principaux défis par filière. Dans le cas des équipementiers, une recherche des acteurs en France, Europe et à l’international a permis d’identifier 18 entreprises avec lesquelles les technologies ont été discutées lors d’entretiens bilatéraux. Pour les producteurs, distributeurs et acteurs de la restauration hors foyer, un panel de 14 acteurs a été interrogé individuellement.

Volet 4 - Méthode pour l’évaluation de l’attractivité des innovations à 10 ans

Une méthode d’évaluation a été développée intégralement dans le cadre de cette étude afin de mesurer l’attractivité des innovations. La méthode s’appuie sur le principe MECE : à chaque étape de la segmentation d’un problème, l’ensemble des éléments doit représenter toutes les facettes du problème sans exception (« Collectively Exhaustive » - CE), tout en gardant les éléments parfaitement indépendants les uns des autres (« Mutually Exclusive » - ME). Le modèle d’évaluation retenu repose sur une approche qualitative basée sur une construction d’indices plutôt qu’un calcul quantitatif : les données quantitatives étant rares, il a été choisi de faire reposer les comparaisons sur des indices qualitatifs croisant les informations disponibles. L’attractivité des technologies a été estimée selon deux axes :

  • Faisabilité de mise en œuvre (Peut-on mettre en place cette technologie ?)
    Cet axe renseigne sur la facilité de mise en œuvre des technologies en prenant en compte quatre indices principaux : l’acceptation de la technologie par le consommateur, la réglementation, la maturité de la technologie et la maturité du marché français. Cette partie repose majoritairement sur des faits observés et des résultats obtenus dans les volets précédents.
  • Impacts macro-économiques (A-t-on intérêt à la mettre en place ?)
    Ce deuxième axe renseigne sur l’intérêt à mettre en place la technologie. Il repose sur une analyse des bénéfices de la technologie en matière de contribution à la réduction du gaspillage et des coûts. Les bénéfices en matière de gaspillage sont estimés au niveau de la distribution, de la restauration hors foyer et de la consommation des ménages. Le coût de mise en œuvre prend en compte le coût économique ainsi que l’impact environnemental de la technologie. Cette partie repose majoritairement sur des estimations réalisées par les auteurs.

Les indices ont été élaborés à partir de données bibliographiques et d’avis d’experts pour deux horizons temporels : attractivité actuelle et attractivité à 10 ans. Les informations nécessaires à l’élaboration des indices à dix ans ont été collectées lors d’un atelier de prospective regroupant des représentants des pouvoirs publics, de la communauté scientifique et de l’industrie.

Volet 5 - Méthode pour l’élaboration des recommandations

La dernière étape a consisté à établir des recommandations pour la mise en œuvre d’un cadre d’action publique visant à soutenir les innovations technologiques susceptibles de contribuer à la réduction du gaspillage alimentaire. Ces recommandations ont été élaborées en deux étapes principales : la première étape a consisté à formuler des recommandations par groupes de technologies à partir d’une analyse des freins et des leviers pouvant influencer la mise sur le marché des innovations. La deuxième étape a consisté à synthétiser les résultats des travaux par groupes de technologies en formulant des recommandations couvrant l’ensemble des technologies couvertes par l’étude.

2. Résultats volet 1 : inventaire des nouvelles technologies

2.1. Sur les innovations technologiques retenues

On peut distinguer trois approches pour la réduction du gaspillage au niveau de la transformation (Lipinski et al., 2013) : 1) l’amélioration des procédés de fabrication (réingénierie des procédés), 2) l’amélioration de la gestion des chaînes d’approvisionnement et 3) l’amélioration des process pour garder les produits plus frais plus longtemps. Quested et al., (2011) reconnaissent l’importance des emballages dans la réduction du gaspillage le long de la chaîne alimentaire et indiquent que l’impact environnemental d’une augmentation du poids du paquet, pour ajouter par exemple la fonctionnalité de refermer un paquet, est plus que compensée par le potentiel de réduction des déchets alimentaires apporté par la nouvelle fonctionnalité.

Par ailleurs, un Groupe de Travail de la Commission Européenne [6] mentionne la nécessité de soutenir la recherche sur les conditionnements optimisés (innovation pour améliorer la durée de conservation des fruits et légumes frais et transformés). Le Conseil National de l’Emballage a étudié les choix de conception de l’emballage pouvant intervenir dans la réduction des pertes et du gaspillage alimentaire (Conseil National de l’Emballage, 2011). Une résolution du Parlement européen 2011/2175 du 19 janvier 2012 portant sur le gaspillage alimentaire souligne l’importance des technologies d’emballage dans la prévention du gaspillage alimentaire (diversification de la taille des conditionnements, fourniture de conseils pour le consommateur, création d’emballages permettant la prolongation de la conservation des marchandises et le maintien de leur fraîcheur) (Parlement Européen, 2012).

Enfin, l’initiative “Every crumb counts” de l’association FoodDrinkEurope en 2013 [7] encourage les industries du secteur alimentaire et de l’emballage à développer des innovations permettant de garantir et de préserver la qualité des aliments, notamment par la recherche de solutions d’emballage et de procédés qui permettent de prolonger la durée de conservation des produits. L’utilisation d’emballages adaptés (portionnables, refermables) ainsi que les innovations qui aident à garder l’emballage intact tout au long de la chaîne d’approvisionnement sont également encouragées.

2.2. Présentation des innovations technologiques retenues

L’étude s’est concentrée sur les leviers suivants.

Levier 1 : améliorer la flexibilité des systèmes de production par le suivi des produits alimentaires le long de la chaîne d’approvisionnemen t

L’amélioration de la flexibilité des systèmes de production et des chaînes logistiques constitue un levier de réduction du gaspillage alimentaire (Bond et al., 2013). Les innovations dans le domaine des capteurs et des emballages peuvent faciliter l’amélioration des chaînes d’approvisionnement en permettant un meilleur suivi des produits alimentaires le long de la chaîne. L’utilisation d’emballages intelligents – avec des capteurs capables d’acquérir, de stocker et de communiquer automatiquement des informations sur les produits – pourra faciliter la mise en œuvre de nouvelles solutions logistiques. La technologie RFID joue à ce titre un rôle important. Les emballages instrumentés qui détectent rapidement des défauts de conservation permettent également une plus grande réactivité le long de la chaîne d’approvisionnement. Les emballages instrumentés par détection de traceurs (oxygène, CO2, éthylène) ou de micro-organismes permettent ainsi une caractérisation immédiate de produits et la mise en place d’actions correctives. Quatre technologies ont été retenues pour cet axe : 1) emballages avec intégrateurs temps/température, 2) traçabilité RFID, 3) emballages instrumentés par détection de traceurs (oxygène, CO2, éthylène) et 4) emballages instrumentés par détection de micro-organismes.

Levier 2 : prolonger la fraîcheur des produits alimentaires hautement périssables

Une part importante du gaspillage concerne les produits hautement périssables : une enquête réalisée en France en 2012 estime que 77 %des aliments gaspillés par les ménages sont des produits frais (FNE, 2012). Au Royaume-Uni, les études menées par le WRAP démontrent que les fruits et légumes ainsi que les produits de boulangerie représentent environ 50 %du gaspillage évitable des ménages en termes de quantité (Ventour, 2008). Prolonger la fraîcheur des produits frais et ultra-frais, et des produits prêts à consommer (plats cuisinés, sandwichs, salades) est ainsi identifié comme un levier pertinent de réduction du gaspillage alimentaire. Une première possibilité est d’utiliser la biopréservation (aussi appelée bioconservation) en maîtrisant la croissance des flores pathogènes ou l’altération des aliments grâce à l’utilisation de micro-organismes inoffensifs venant en compétition avec les micro-organismes indésirables. Une seconde possibilité consiste à utiliser des emballages adaptés aux produits respirants comme les fruits et légumes. Quatre technologies ont été retenues pour cet axe : 1) biopréservation, 2) biopréservation par les phages (virus naturels des bactéries), 3) emballages respirants par technologie de perforation, 4) emballages à perméabilité sélective.

Levier 3 : augmenter la DLC et la DLUO des produits alimentaires par l’amélioration des propriétés barrières des emballages

La revue bibliographique (Bond et al., 2013, Quested et al., 2011, Lipinski et al., 2013) a permis d’identifier l’augmentation de la durée de conservation des produits alimentaires périssables, en particulier des produits réfrigérés soumis à une Date Limite de Conservation (DLC), comme un levier de réduction du gaspillage alimentaire. Les produits les plus gaspillés par les consommateurs sont ceux qui se conservent le moins. Une enquête réalisée par la TNS Sofres en 2012 indique que la DLC est la deuxième cause de rejet après l’aspect du produit (TNS Sofres, 2012). Les innovations technologiques dans le domaine des emballages peuvent contribuer significativement à améliorer la durée de conservation des aliments. L’une des stratégies d’amélioration repose sur le développement d’emballages barrières à l’oxygène. Cinq technologies ont été retenues pour cet axe : 1) nouveaux polymères d’emballages avec hautes propriétés barrières, 2) coatings minéraux technologies plasma, 3) coatings organiques nanochargés, 4) matériaux d’emballage nanochargés dans la masse, 5) emballages bio-sourcés.

Levier 4 : augmenter la DLC des produits alimentaires périssables par la mise en œuvre d’emballages actifs

Les emballages actifs modifient les conditions du produit emballé (par piégeage ou par dégagement de substances) afin de ralentir le développement microbien, et/ou de préserver les propriétés organoleptiques des aliments et ainsi d’augmenter leur durée de conservation. Ils constituent donc un moyen d’augmenter la DLC des produits alimentaires périssables et pourraient ainsi contribuer à diminuer le gaspillage. Trois technologies ont été retenues pour cet axe : 1) emballages piégeurs (oxygène et composants de maturation), 2) emballages émetteurs de CO2 ou d’éthanol, 3) emballages à libération contrôlée de substances à effet anti-microbien.

Levier 5 : augmenter la durée de conservation des produits alimentaires par des procédés de stablisation et de conservation plus respectueux de la qualité des aliments

Plusieurs innovations dans le domaine des procédés agroalimentaires permettent d’augmenter la durée de conservation des produits tout en améliorant leurs qualités organoleptiques ou nutritionnelles. La mise en œuvre de procédés de préservation permet de prolonger la durée de vie des produits et d’améliorer leur qualité nutritionnelle, contribuant ainsi à diminuer la quantité de déchets (Bond et al., 2013). Les technologies permettant de mieux décontaminer les produits alimentaires périssables permettent d’une part d’allonger la DLC des produits emballés avant leur ouverture, rendant ainsi possible une meilleure gestion des flux et des stocks au niveau de la distribution. D’autre part, elles permettent souvent une amélioration de la qualité microbiologique après l’ouverture des emballages, rendant ainsi possible une augmentation de la durée de conservation dans les réfrigérateurs des consommateurs. Huit technologies déjà mises en œuvre industriellement, ou plus récentes et en cours d’industrialisation, ou encore au stade de la R&D, ont été retenues pour cet axe : 1) hautes pressions, 2) chauffage micro-ondes, 3) conditionnement aseptique, 4) chauffage ohmique, 5) lumière pulsée, 6) ionisation, 7) décontamination chimique de surface, 8) décontamination des emballages par traitement plasma.

Levier 6 : encourager l’utilisation d’emballages portionables et de petites portions en rendant les technologies compatibles avec les exigences environnementale et de santé

Il y a un consensus dans la littérature pour encourager l’utilisation de portions adaptées aux usages des consommateurs (Conseil National de l’Emballage, 2011, Lipinski et al., 2013 ; Quested et al., 2011). Les emballages portionnables, refermables et assurant la juste dose du produit sont ainsi identifiés comme des leviers de réduction du gaspillage alimentaire. Ces approches pourraient mener à une multiplication des emballages, avec le développement des petites portions et des modes de consommation nomade. Cette approche se justifie d’un point de vue environnemental global, car l’addition d’emballages ou de nouvelles fonctionnalités est en général plus que compensée par le potentiel de réduction des déchets alimentaires apporté par le nouvel emballage. L’augmentation du volume des emballages usagés générés devra cependant s’accompagner d’une amélioration des performances de la filière de recyclage. Deux technologies ont été retenues pour cet axe : 1) technologies monocouches recyclables et 2) emballages minimisant en toutes conditions les phénomènes de migration.

2.3. Le degré de maturité des innovations

14 innovations technologiques couvertes par l’étude sont en phase de démonstration ou sont déjà en phase de déploiement industriel (indice TRL entre 7 et 9) : des travaux de recherche sont encore nécessaires pour accompagner les industriels dans la mise en œuvre des technologies dans des conditions opérationnelles (activité de démonstration en condition pilote ou industrielle). Les procédés de conservation des aliments rentrent notamment dans cette catégorie, avec des besoins de recherche pour l’accompagnement des industriels dans l’optimisation des procédés et leur adaptation à une plus large gamme de produits.

12 innovations technologiques retenues nécessitent encore d’importants efforts de recherche et développement (TRL entre 1 et 6), notamment pour certaines innovations dans les secteurs des emballages, de la RFID et de la biopréservation. La recherche pourra bénéficier d’avancées issues d’autres secteurs comme le domaine médical ou les biotechnologies pour les emballages instrumentés, la microélectronique pour les RFID ou l’agronomie (biofertilisation) et l’alimentation-santé (technologie d’encapsulation) pour la biopréservation. Un effort particulier est nécessaire sur les questions de recyclage des matériaux utilisés dans les emballages alimentaires.

2.4. Le contexte concurrentiel

La France dispose de plus de 30 acteurs académiques (universités, centres techniques) et plus de 20 acteurs industriels dans le domaine des emballages et des techniques de conservation des aliments, ce qui lui confère une bonne position à la fois en termes de savoir-faire et de commercialisation. Certaines innovations bénéficient d’un contexte favorable avec la présence d’acteurs d’envergure internationale comme le secteur des RFID avec le CEA-LETI ou les technologies de biopréservation avec un réseau d’organismes de recherche et plusieurs acteurs industriels dont quelques start-up. Nous avons identifié un nombre significatif d’acteurs de la recherche sur les procédés agro-alimentaires et les matériaux d’emballage. Les pôles de compétitivité ainsi que plusieurs Réseaux Mixtes Technologiques (RMT) et Unités Mixtes de recherche (UMR), ainsi que le réseau des CTI et ITAI de l’ACTIA, jouent un rôle actif dans le développement de ces innovations.

2.5. Le contexte réglementaire

Enfin, l’analyse du contexte réglementaire révèle qu’il existe un cadre législatif pour la plupart des innovations couvertes par l’étude. Les principaux textes législatifs spécifiques sont les règlements européens 450/2009 concernant les emballages actifs et intelligents, 10/2011 concernant les matériaux de contact alimentaire, 258/97 concernant les nouveaux aliments (Novel Food) et 853/2004 concernant la décontamination des aliments. Il n’existe pas de législation européenne relative à la biopréservation. L’ionisation fait l’objet d’une réglementation à part.

Les écarts d’interprétation et de mise en œuvre de certaines réglementations seraient de nature à entraîner des distorsions entre États membres de l’Union européenne, et constituent un frein à l’innovation. Une révision de la réglementation européenne Novel Food, la publication d’une liste de substances autorisées à entrer dans la composition des emballages actifs ainsi que l’adoption d’une réglementation sur la biopréservation pourraient permettre de lever les freins réglementaires à la mise en œuvre des technologies retenues dans cette étude.

3. Résultats volet 2 : perception des consommateurs

L’objectif du deuxième volet est d’étudier l’acceptabilité des innovations par les consommateurs ainsi que les raisons expliquant leurs choix. Cette analyse a été réalisée grâce à une étude bibliographique, à la mise en œuvre de trois groupes de discussion avec des panels de consommateurs (organisés à Bourg-en-Bresse, Rennes et Strasbourg) et à une consultation avec des associations de consommateurs et des centres techniques régionaux de la consommation.

De manière générale,une technologie est facilement acceptée si elle permet 1) une réduction ou suppression des additifs conservateurs, ou 2) un remplacement de technologies jugées « high tech » par des technologies simples, compréhensibles et perçues comme étant « naturelles ». À l’inverse, les perceptions négatives sont davantage liées aux aspects suivants : 1) introduction de technologies complexes, 2) modifications dans le produit suite au traitement, 3) introduction de matériaux entraînant la migration de particules ou composés chimiques vers l’aliment et 4) addition d’emballages supplémentaires, les emballages étant considérés comme contribuant davantage à l’augmentation de déchets qu’à la réduction du gaspillage alimentaire.

Les travaux réalisés ont permis de classer les technologies en fonction de leur acceptation par les consommateurs selon trois groupes : 1) les « technologies acceptées » sont celles ayant reçu plus de 10 avis positifs et moins de 5 avis négatifs pendant les groupes de discussion ; 2) les « technologies acceptées sous conditions », celles ayant entre 6 et 9 avis positifs et négatifs ; enfin, 3) les « technologies dites « rejetées » sont celles ayant reçu plus de 10 avis négatifs et moins de 5 avis positifs. Le tableau 2 récapitule ce classement.

Les consommateurs disent souhaiter des contrôles plus réguliers ou une règlementation plus stricte pour éviter les fraudes. Ainsi, les technologies a priori les mieux acceptées sont celles dont les bénéfices pour les consommateurs, et non pour les industriels, sont spontanément admis. Il s’agit là d’un critère majeur dans l’acceptation des technologies par les consommateurs.

Les consommateurs enquêtés perçoivent le bénéfice de certaines technologies, notamment celles relatives au suivi de la qualité des aliments à domicile. En revanche, ils ne reconnaissent pas spontanément la valeur ajoutée des technologies qui permettent simplement d’allonger la durée de conservation des produits et ne sont pas prêts à payer davantage.

Les consommateurs des différents panels plébiscitent, bien qu’ils aient un coût, les emballages portionnables comme refermables tout en mentionnant que l’achat de produits en vrac sans suremballage ou à l’unité apparait comme une solution au gaspillage. Des évolutions dans l’acceptation par les consommateurs des nouvelles technologies sont possibles et même souhaitables à condition qu’elles soient dans un intérêt partagé avec producteurs et distributeurs.

Ces résultats mettent en évidence que le consommateur n’est pas catégoriquement opposé à la mise en place de nouvelles technologies contribuant à la réduction du gaspillage alimentaire et souhaite être informé sur les innovations réalisées par les industries agroalimentaires. Les industriels doivent faciliter l’accès à ces informations pour sensibiliser le consommateur et les générations futures au gaspillage alimentaire.

4. Résultats volet 3 : analyse des conditions d’adoption des innovations par les différents acteurs de la chaine alimentaire

Le volet 3 a permis d’étudier les conditions à l’adoption des innovations technologiques par les différents acteurs de l’industrie agroalimentaire et de collecter des données économiques concernant les innovations technologiques.

4.1. Les données économiques fournies par les équipementiers

L’estimation du coût total des technologies lors des entretiens a permis de les classer en trois catégories : coût total très important, coût total important et coût total faible.

L’industrie agroalimentaire est un secteur à faibles marges, qui doit équilibrer ses coûts sur de gros volumes produits. Ainsi, il est difficile pour des producteurs de mettre en place des technologies avec un coût total de mise en œuvre (et notamment un amortissement unitaire) très important dans une chaîne de production existante.

Dans tous les cas, les technologies sélectionnées dans cette étude entraîneront une augmentation du coût de mise en œuvre qui se répercutera au niveau du prix de vente final. L’adoption des technologies par l’industrie est donc principalement conditionnée par l’acceptation du consommateur.

4.2. Les conditions d’acceptation des producteurs

La conclusion principale qui ressort de ces entretiens est que les producteurs sont demandeurs de plus de qualité organoleptique sans augmentation des coûts. En effet, les résultats démontrent que les conditions d’acceptation des technologies dépendent principalement du ratio coût/intérêt, de l’acceptation sociale, de la réglementation et dans le cas de notre étude de la vérification de l’impact sur le gaspillage. Dans le cas où les innovations permettent de positionner le produit sur un segment premium, une augmentation du prix peut être acceptable mais cela ne concerne que des marchés de niche. En outre, l’adoption de nouvelles technologies par un leader de l’IAA facilitera l’adoption par les autres acteurs.

Par ailleurs, la demande de naturalité des consommateurs ne va pas dans le sens d’une augmentation de la DLC mais requiert des conditions sanitaires beaucoup plus strictes. Cette tendance explique pourquoi les fabricants pourront être intéressés par des nouvelles technologies comme celles présentées dans cette étude qui assurent des qualités organoleptiques et sanitaires élevées sans avoir recours à l’utilisation de produits chimiques (par exemple, les hautes pressions).

Les producteurs ont avancé que l’augmentation de la DLC n’était pas recherchée pour le marché national mais que par contre cela pourrait être intéressant pour les marchés à l’export. Les technologies telles que les hautes pressions, les emballages piégeurs, la biopréservation et les emballages plus performants permettant d’augmenter significativement la DLC représentent donc des leviers pour l’augmentation des marchés à l’export.

4.3. Les attentes de la restauration hors foyer

Les acteurs de la restauration hors foyer interrogés sont des acheteurs avertis, plus réceptifs aux technologies innovantes si elles permettent de réduire le gaspillage. Les critères d’adoption des technologies portent principalement sur l’efficacité de la technologie. Une légère hausse du prix sera mieux comprise par ce secteur.

La restauration hors foyer est demandeuse des technologies qui permettent d’augmenter les DLC si elles n’augmentent pas le prix de manière significative. En outre, les ITT (intégrateurs temps/température) et la RFID sont les technologies qui paraissent les plus pertinentes pour le secteur car elles apportent plus de traçabilité et de sécurité.

4.4. Les conditions d’acceptation des distributeurs

La principale condition d’acceptabilité d’une technologie est son prix. En effet, lors des entretiens, la distribution a indiqué ne pas souhaiter, en général, augmenter ses prix de vente et n’est pas en mesure de supporter les investissements.

La praticité d’un produit est cependant un levier d’acceptation d’une technologie. Si la technologie apporte un avantage pratique au consommateur ou améliore la qualité du produit, le produit pourra être positionné dans la gamme premium vendue plus chère et facilitera l’adoption de la technologie malgré l’augmentation du prix.

5. Résultats volet 4 : évaluation des technologies

L’évaluation de l’attractivité des innovations technologiques au regard de leur impact macroéconomique et de la faisabilité de leur mise en œuvre a permis d’établir le graphique ci-dessous (figure 3), représentant en abscisse la faisabilité de mise en œuvre à 10 ans et en ordonné l’impact macro-économique à 10 ans. Les technologies ont pu être classées en 4 groupes.

Groupe 1 : attractivité supérieure à 5 [8]

Ce groupe 1 se caractérise par une attractivité très intéressante à l’horizon des 10 ans. La faisabilité est strictement évaluée supérieure à 7 sur 10 et l’impact macroéconomique supérieur ou égal à 4 sur 10. Il comprend six technologies : 1) monocouche recyclables, 2) hautes pressions, 3) emballages biosourcés, 4) emballages respirants par technologies de perforation, 5) décontamination chimique de surface et 6) antimigration.

Groupe 2 : attractivité comprise entre 2 et 4

Le groupe 2 est également caractérisé par une grande faisabilité de mise en œuvre strictement supérieur à 8 sur 10. Cependant l’impact macro-économique est moins évident et doit donc être suivi dans les années à venir. Il comprend 7 technologies : 1) emballages avec intégrateurs temps/température, 2) biopréservation, 3) emballages piégeurs, 4) traçabilité et RFID, 5) chauffage micro-ondes, 6) emballages instrumentés par détection de micro-organismes et 7) emballages instrumentés par détection de traceurs.

Groupe 3 : attractivité inférieure ou égale à 2

Le groupe 3 regroupe des technologies dont l’attractivité est plus faible, caractérisée par un impact macroéconomique faible et une faisabilité de mise en œuvre de 5. Il regroupe 5 technologies : 1) conditionnement aseptique, 2) chauffage ohmique, 3) coatings minéraux technologies plasma, 4) matériaux d’emballage nanochargés dans la masse et 5) emballages émetteurs.

Groupe 4 : attractivité inférieure à 1,5

Le groupe 4 est caractérisé par une faisabilité de mise en œuvre très faible, ce qui rend les technologies peu attractives. En effet, même si un impact macroéconomique relativement positif est estimé, un complément de R&D assez notable avant la mise en œuvre de la technologie est nécessaire. Il comprend 7 technologies : 1) lumière pulsée, 2) emballages à libération contrôlée de substances à effet antimicrobien, 3) emballages respirants/autres technologies d’ajustement des flux et de la sélectivité O2/CO2, 4) nouveaux matériaux d’emballages avec hautes propriétés barrières, 5) coatings organiques nanochargés, 6) biopréservation par les phages et 7) décontamination des emballages par traitement plasma.

6. Résultats volet 5 : recommandations

Dix-sept recommandations ont été formulées, suivant cinq principaux axes de recommandation. Pour chaque recommandation, l’objectif, l’impact, les moyens permettant leur réalisation ainsi que les acteurs potentiels responsables de leur mise en œuvre sont présentés ci-dessous.

Axe 1 : amélioration de la connaissance sur le gaspillage alimentaire

Le premier axe retenu pour les recommandations concerne l’amélioration de la connaissance sur le gaspillage alimentaire. L’étude a en effet révélé que l’information disponible sur les déchets alimentaires en France est insuffisante, notamment au regard d’autres pays comme l’Allemagne ou le Royaume-Uni. Un suivi régulier du gaspillage constitue un préalable indispensable à la mise en œuvre et au suivi d’actions visant à le réduire.

Axe 2 : sensibilisation des acteurs aux enjeux du gaspillage alimentaire

Le deuxième axe de recommandations regroupe les actions visant à sensibiliser les acteurs aux enjeux du gaspillage alimentaire. Il existe en effet un large consensus sur le fait que l’un des principaux leviers de réduction du gaspillage alimentaire est d’agir sur le comportement des consommateurs. Les recommandations proposées concernent une meilleure information sur les innovations mises en œuvre par l’industrie agro-alimentaire, l’utilisation de nouvelles technologies permettant aux consommateurs d’obtenir plus d’informations sur les produits ainsi que l’intégration de la thématique du gaspillage alimentaire aux programmes d’éducation.

Axe 3 : évaluation scientifique et adaptation du cadre réglementaire

Le troisième axe de recommandations concerne la réglementation des innovations technologiques. Les contraintes liées à l’évaluation de l’innocuité des innovations peuvent constituer un frein à l’investissement et il semble nécessaire de stimuler les efforts de R&D des entreprises par un meilleur accompagnement de ces évaluations. Une révision et une simplification de la réglementation Novel Food ainsi que l’établissement d’un statut réglementaire pour les Intégrateurs Temps/Température (ITT) vis-à-vis des DLC théoriques sont également proposés.

Axe 4 : accompagnement de la recherche

L’étude a mis en évidence un très grand décalage entre les enjeux du gaspillage alimentaire et les efforts de recherche entrepris au niveau national : le gaspillage alimentaire n’est pas suffisamment identifié comme une priorité de recherche. Le quatrième axe de recommandations vise à intensifier l’effort de recherche national. Cinq recommandations sont proposées.

Axe 5 : soutien à l’adoption des innovations par les industries agroalimentaires

Le cinquième axe de recommandations vise à soutenir l’adoption des innovations par les industries agroalimentaires. L’objectif principal est d’augmenter les actions entreprises par les industries agroalimentaires pour lutter contre le gaspillage alimentaire en utilisant les dispositifs d’aides déjà en place.

Conclusion

Pour cerner la possible contribution des innovations technologiques à la réduction du gaspillage alimentaire, notre approche a privilégié une analyse approfondie d’un nombre relativement limité d’innovations technologiques (innovation de produits et de procédés), plutôt qu’une analyse plus superficielle d’un nombre plus important d’innovations. Ce choix méthodologique est lié au périmètre de l’étude qui se limite aux innovations pouvant être mises en œuvre par l’industrie agro-alimentaire et agissant sur la consommation finale des produits alimentaires. Les innovations proposées par d’autres acteurs comme par exemple par les entreprises de l’électro-ménager domestique, les innovations agissant sur les pertes au niveau de la production agricole et de l’industrie de transformation ainsi que les innovations organisationnelles n’ont pas été étudiées.

Le recensement des innovations technologiques pouvant être mis en œuvre par l’industrie agroalimentaire a d’abord permis de mettre en évidence qu’il existe très peu de travaux antérieurs sur la contribution des innovations technologiques à la réduction du gaspillage alimentaire. Au regard des enjeux économiques, environnementaux et sociaux du gaspillage alimentaire, il est surprenant que cette thématique fasse à ce jour aussi peu l’objet de travaux publiés, ce qui pourrait traduire une faible prise en compte dans la recherche au niveau national et européen. La revue bibliographique a cependant permis d’identifier que le principal levier technologique permettant de contribuer à la réduction du gaspillage des produits de consommation finale concerne l’amélioration de la durée de conservation des aliments, en particulier les produits les plus périssables comme les produits réfrigérés soumis à une Date Limite de Conservation (DLC), grâce à des innovations dans le domaine des procédés et des emballages. L’étude de l’acceptation des innovations par les consommateurs révèle cependant que ceux-ci ne reconnaissent pas spontanément l’intérêt des technologies qui permettent d’allonger la durée de conservation des produits. Ils plébiscitent plutôt les innovations offrant naturalité et praticité. Pour répondre à cette demande, les innovations apportant naturalité tout en garantissant des qualités organoleptiques et sanitaires très élevées retiendront en priorité l’intérêt des entreprises de l’industrie agroalimentaire. Les technologies qui permettent d’augmenter significativement la DLC permettront de lever les barrières à l’exportation des produits transformés.

Le rapport permet d’identifier des pistes pour augmenter l’effort de recherche en fournissant des recommandations destinées aux différents acteurs de l’innovation agroalimentaire. Pour ces acteurs, le rapport présente une revue détaillée de vingt-six innovations technologiques dans le domaine des emballages et des technologies de conservation des aliments, avec une analyse de l’acceptation des consommateurs ainsi qu’une revue des différents facteurs (techniques, économiques, environnementaux, réglementaires) susceptibles d’influencer leur mise sur le marché. Ces informations constituent une base de connaissance pouvant aider à la réflexion sur la mise en œuvre des innovations technologiques au sein des entreprises. Plusieurs recommandations s’adressent directement aux représentants des industries agro-alimentaires. L’ANIA est encouragée à mobiliser les entreprises du secteur agroalimentaire, par exemple en mettant en œuvre une déclinaison au niveau national de l’initiative “Every Crumb Counts”. Les informations de ce rapport constituent une base intéressante pour décliner les mesures et adapter la « boîte à outils » à destination des entreprises.

Pour la communauté scientifique, l’étude souligne l’urgence de prendre en compte le gaspillage alimentaire dans les priorités de recherche. Ce rapport met en effet en lumière un très grand décalage entre la volonté politique exprimée au niveau européen et national et l’effort de recherche. Les effets du gaspillage alimentaire sur l’environnement appellent également à une plus grande mobilisation de la communauté scientifique. L’ensemble des acteurs de la recherche (enseignement supérieur, organismes de recherche, CTI/ITAI, pôles de compétitivité, etc.) sont concernés. Le rapport identifie les thématiques prioritaires et propose des actions pour renforcer les activités de la communauté scientifique comme par exemple l’intégration du gaspillage dans les contrats d’objectifs et de performances des organismes de recherche sous tutelle des ministères.

Enfin, pour les pouvoirs publics, l’étude identifie plusieurs pistes d’actions permettant de stimuler et d’accompagner les efforts du secteur privé et public. La première étape est de combler le retard observé avec d’autres pays comme le Royaume-Uni en améliorant la connaissance sur le gaspillage alimentaire. L’analyse du contexte législatif ayant permis d’identifier différents verrous susceptibles de bloquer les investissements dans les innovations, des adaptations du cadre réglementaire sont proposées avec notamment une révision, vers une simplification, de la réglementation Novel Food et la mise en place d’une nouvelle réglementation portant sur les Intégrateurs Temps/Température (ITT). Plusieurs actions sont proposées pour accompagner la recherche avec notamment une plus grande prise en compte des thématiques de la recyclabilité et de l’alimentarité des nouveaux emballages. Enfin, le soutien à l’adoption des innovations les plus prometteuses est encouragé à travers des aides à l’investissement à destination des entreprises et l’accompagnement des industriels dans leurs démarches d’innovation.

Références bibliographiques

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France Nature Environnement, 2011, Résultats des caractérisations du gaspillage alimentaire dans les ordures ménagères et assimilées, France, 10 p.

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TNS Sofrès, 2012, Les Français et le gaspillage alimentaire, France, 25 p.

Ventour L., 2008, The Food we waste, Waste and Resources Action Programme (WRAP), Royaume-Uni, 237 p.


[1] Euroquality.

[2] CTCPA

[3] http://www.foodsecurity.ac.uk/asset...

[4] Le rapportpeut être téléchargé à l’adresse suivante : http://agriculture.gouv.fr/IMG/pdf/...

[5] Coût de mise en œuvre = amortissement unitaire + coût opérationnel unitaire.

[6]L : http://ec.europa.eu/food/food/susta...

[7] http://www.fooddrinkeurope.eu/indus...

[8]L’indice d’attractivité correspond à la multiplication des indices faisabilité de mise en œuvre et impact macroéconomique ramenés sur une échelle de 10.

Voir aussi