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Pascal Xicluna / agriculture.gouv.fr

22 novembre 2019 Info +

« La Côte d’Ivoire est aujourd’hui l’un des marchés les plus attractifs d’Afrique »

Zone géographique particulièrement dynamique sur le plan économique, l'Afrique de l'Ouest représente de nombreux enjeux pour la France, notamment dans les secteurs de l'agriculture et de l'alimentation. Rencontre avec Jean-Pierre Chomienne, conseiller pour les affaires agricoles et alimentaires en Afrique de l'Ouest.

Quels sont les enjeux de cette région du monde pour les secteurs agricole et alimentaire ?

Avec 1,2 milliard d'habitants et un doublement de sa population prévu en 2050, le continent africain doit faire face à un accroissement régulier de la demande alimentaire tout en prenant en compte les enjeux du développement durable. L'Afrique reste une zone prioritaire pour l’Aide publique au développement (APD), notamment pour accompagner les transitions des systèmes agricoles et alimentaires. En effet, la population rurale qui constitue encore une partie importante de la démographie de ces pays est souvent en situation économique précaire, et l’insécurité alimentaire y est encore fréquente. Certains pays d’Afrique de l’Ouest, où l’influence française est historiquement importante, se montrent particulièrement dynamiques sur le plan économique (croissance du PIB estimé par le FMI de l’ordre de 7,5% en 2019 pour la Côte d’Ivoire et de l’ordre de 6% dans la plupart des pays du Sahel pourtant touchés par une insécurité chronique).
Conscient des enjeux multiples de cette zone géographique et de son dynamisme, le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation a nommé au début de l’été 2019 deux conseillers pour les affaires agricoles : Sonia Darracq, à Lagos (Nigeria), et moi-même à Abidjan (Côte d’Ivoire).

Quelles sont vos missions et comment les exercez-vous ?

Le conseiller pour les affaires agricoles (CAA) au sein de l’ambassade assure une mission de veille et de d’influence dans les secteurs de l’agriculture, de l’alimentation et du développement des territoires ruraux. Il est, vis-à-vis de l’ensemble des pays de sa zone et pour les organisations internationales qui y ont leurs sièges, le poste avancé du ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation. À ce titre, il porte les messages de la France en matière de politique agricole, de sécurité alimentaire et nutritionnelle, de développement rural et d’alimentation. Il accompagne nos opérateurs institutionnels et, surtout, économiques dans la conduite de leurs projets.
Pour conduire ses missions, le CAA doit développer une expertise et une connaissance fine des enjeux et acteurs de la zone géographique dont il a la responsabilité. Combinaison de connaissances technico-économiques et de compréhension politique des pays, cette expertise se construit à partir des réseaux qu’il mobilise. Il est un tisseur de lien entre les acteurs français et ceux des pays de sa zone, il décloisonne les approches et veille à y défendre les intérêts français. Il est particulièrement attentif à la défense des intérêts des entreprises françaises du secteur agroalimentaire et de la bioéconomie implantées ou exportant dans ces pays. Les entreprises françaises ont une expertise reconnue et portent des valeurs fortes répondant aux attentes sociétales de nos consommateurs.
L’expertise du conseiller lui permet d'être en relation avec les autres opérateurs de notre diplomatie, de mobiliser en réseaux de nombreux outils de l’État français, mais aussi de l’Union européenne et des grandes institutions internationales.
Enfin, au regard des enjeux commerciaux importants de cette zone, il pourra, selon les pays et les produits, contribuer à la défense de positions acquises ou à l’ouverture de nouveaux marchés, et veiller à éviter toute concurrence déloyale.

Pouvez-vous caractériser la présence française en Afrique de l'Ouest ?

Constatons d’abord que tous les acteurs institutionnels français sont particulièrement actifs dans cette zone géographique. Ils mobilisent de l’expertise publique et parapublique agricole avec Adecia, France vétérinaire international (FVI), Adepta, Business France et Bpifrance pour renforcer notre influence en matière de politiques agricoles et accompagner nos entreprises. Par ailleurs, il existe un puissant dispositif de coopération scientifique avec les experts sectoriels du Cirad, de l’IRD, mais également un dispositif de coopération technique et financière de l’Agence française de développement (AFD) et de nombreuses ONG françaises. Pour l’AFD, la Côte d’Ivoire est le premier pays en termes d’engagement (entre 1,2 et 1,3 million d’euros... par jour !) ce chiffre montre bien le poids de la coopération bilatérale française dans la zone.
Qu’il s’agisse d’irrigation, d’ingénierie, de génétique, d’équipement agricole ou de production agricole et industrielle, de nombreuses entreprises françaises ont des contacts réguliers voire des implantations dans l’ouest-africain, en particulier le Sénégal ou la Côte d’Ivoire.
Enfin sur le plan politique, la parole de la France sur les grands sujets tels que la défense d’un modèle d’agriculture familiale, l’agroécologie, le changement climatique ou l’approche multilatérale du commerce mondial est appréciée en Afrique de l'Ouest.

Le Salon de l’agriculture et des ressources animales (SARA), qui a eu lieu en Côte d’Ivoire fin novembre, est un rendez-vous important. Où en sont nos relations avec ce pays dans le secteur agricole ?

La Côte d’Ivoire est d’abord un pays dont les liens historiques avec la France se traduisent notamment par des modes de vie et de consommation présentant de grandes similarités et par des flux commerciaux bien établis.
Dès son indépendance en 1960, la Côte d’Ivoire a fait le choix de construire son économie sur l’insertion de son agriculture dans les marchés mondiaux. Elle reste aujourd’hui un pays exportateur de matières premières agricoles : en effet, les produits agricoles et de première transformation représentent plus de 70% des exportations, dont 54% pour le seul cacao. Ce leader mondial dans des secteurs comme le cacao ou la noix de cajou cherche à accroître la part de valeur ajoutée nationale en augmentant la part de produits exportés après avoir subi une ou plusieurs transformations. Les entreprises françaises doivent donc être encouragées à s’impliquer dans ce pays, où la monnaie les protège du risque de change, à partager leur expérience et à contribuer ainsi à son développement et à la création d’emplois locaux. Les fournisseurs d’équipement et de savoir-faire ont également intérêt à s’investir avec conviction dans ce pays doté d’un encadrement technique et managérial d’excellent niveau.
La Côte d’Ivoire connaît depuis 2012 un des taux de croissance les plus dynamiques de l’Afrique subsaharienne et même du monde (+7,4% en 2018). Cette croissance s’accompagne de la montée en puissance d’une classe moyenne et urbaine. Ces consommateurs, habitués à une alimentation riche et diversifiée fruit de traditions culinaires construites sur une gamme très large de produits, sont très ouverts aux nouvelles saveurs et aux innovations alimentaires. Les infrastructures portuaires et aéroportuaires de la Côte d’Ivoire en font l’une des entrées à privilégier pour les marchés des pays d'Afrique de l'Ouest.
La Côte d’Ivoire apparaît donc aujourd’hui comme l’un des marchés les plus attractifs d’Afrique.