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François Blanc / agriculture.gouv.fr

29 octobre 2018 Info +

« Présenter aux autorités chinoises l’excellence du modèle français »

François Blanc est, depuis septembre 2017, conseiller agricole à Pékin. À l'occasion de la visite officielle du ministre de l'Agriculture et de l'Alimentation en Chine (du 4 au 6 novembre 2018), il explique sa fonction, les intérêts chinois dans l'expertise française et les grands enjeux pour l'agriculture chinoise dans les années à venir. Interview.

Quel est le rôle d’un conseiller agricole dans un pays comme la Chine ? Combien êtes-vous et quelles sont vos missions ?

L’équipe du pôle agricole est une des plus importantes. Elle est composée de trois agents du ministère et de deux assistants chinois. Notre rôle est de porter les intérêts français auprès des autorités chinoises pour favoriser le développement de nos exportations et des entreprises françaises installées en Chine. Nous présentons aussi aux autorités chinoises les caractéristiques et l’excellence du modèle français sur un grand nombre de sujets tels que l’agro-écologie, dans un pays où le développement rural pour stabiliser la population et la préservation d’un environnement dégradé sont de grandes préoccupations. À cet égard, le modèle français fondé sur une agriculture familiale de taille raisonnable, qui a mis l’accent sur le développement durable et sur l’agro-écologie est un modèle pertinent qui intéresse les autorités chinoises.

Qu’est-ce qui intéresse les Chinois dans l’expertise française ?

On note un intérêt croissant des autorités pour les indications géographiques (IG) ; les IG sont un formidable outil pour valoriser la production agricole. C’est un message porté par la France dans un cadre européen. Est en cours de finalisation un accord entre l’Union européenne et la Chine, dénommé « accord 100 + 100 », qui vise la reconnaissance réciproque de 100 IG chinoises et 100 IG européennes.
Pour ce qui est de la formation, la France mène plusieurs programmes de coopération technique associant des lycées agricoles et en valorisant l’expertise française. Ces programmes sont menés en appui aux entreprises françaises comme l’IFIP sur la génétique porcine, Cooperl pour le développement de l’élevage porcin, ou Roullier pour l’utilisation d’engrais améliorants. La France est capable de proposer, en somme, des solutions et un éventail de techniques adaptées à diverses conditions de production. Ces techniques ne sont pas transposées directement mais ce sont les approches qui intéressent les ingénieurs chinois. Ainsi, l’un des axes de développement dans le secteur porcin, que ce soit pour l’IFIP ou la Cooperl, est la mise en œuvre de fermes non-polluantes et résilientes, du fait d’une maîtrise des effluents d’élevage.

Quels chantiers prioritaires la Chine met-elle en avant dans la restructuration de son agriculture ?

Les autorités chinoises hésitent entre deux modèles de développement : le premier est basé sur une agriculture familiale, à destination des exploitations de taille moyenne inférieure à 1 hectare qu’il est nécessaire de moderniser, afin de stabiliser la population rurale en permettant aux familles de vivre dignement de leur activité.Le développement des IG s’inscrit typiquement dans ce cadre.
Le second modèle est radicalement différent et très productiviste : il repose sur l’« agro-business », avec de grandes fermes qui sont souvent le fruit d’investissements d’entreprises non issues du secteur agricole, mais qui cherchent à s’y développer à titre de diversification.
Pour bien mesurer les défis de technicité et de durabilité auxquels la Chine est confrontée, il faut rappeler que ce pays doit nourrir 20% de la population mondiale avec 9% des terres arables et qu’elle utilise 30% des engrais mondiaux, avec une très grande diversité de régions dans ce pays-continent.

Ce qui intéresse la Chine dans l’expérience française, c’est le fait que nous réussissons plutôt bien à concilier un modèle d’agriculture familiale présent sur l’ensemble du territoire et un niveau correct de revenus agricoles. C’est un modèle que les Chinois souhaiteraient mettre en œuvre.

La sécurité sanitaire reste un énorme chantier. Malgré des efforts conséquents depuis certains scandales (lait à la mélamine, épizootie sur le cheptel porcin), la situation reste fragile. La France dispose d’un des meilleurs dispositifs de maîtrise sanitaire au monde (classé au 2e rang mondial par l’Economic Intelligence Unit). Elle est aussi appréciée à ce titre. Un grand nombre de séminaires, de rencontres et d’échanges ont lieu sur des sujets sanitaires.
Enfin, il convient de mentionner les programmes de coopération que mènent en Chine l’Inra, le Cirad et de nombreux autres acteurs de l’enseignement et de la recherche, comme les écoles d’agronomie.

Y a-t-il de nouveaux modes de culture ou de nouveaux types de production ?

La viticulture est un bon exemple de développement. Alors que la production viticole est récente (trente ans maximum), la Chine dispose du 2e vignoble mondial en termes de surface (830 000 hectares en 2016 - 11% de la surface mondiale vs 4% en 2000). Il se développe rapidement dans plusieurs régions : le Shandong, le Xinjiang et le Ningxia, où il est nécessaire de s’adapter à des températures très basses en hiver qui imposent d’enterrer les vignes. Les défis en termes de maîtrise technique sont nombreux, requérant l'appel à l’expertise et à du matériel français.

L’élevage porcin ou bovin industriel se développent rapidement, avec l’emprunt de systèmes agro-industriels à des pays comme l’Australie, plus ou moins couronné de succès. De manière générale, les Chinois font preuve d’une forte aptitude à assimiler, à reproduire voire, à terme, à améliorer les techniques qu’ils ont observées.
Nombre d’entreprises françaises sont présentes en Chine et y développent une stratégie fondée sur la complémentarité entre exportations et développement local : par exemple, Andros, présente depuis 1998, combine l'importation de confitures, et de compotes, notamment sur le haut de gamme, et le développement local de vergers et d’un site de transformation pour certains produits. Rougié associe également l’exportation à une production de volailles élevées et transformées en Chine, privilégiant ses fournisseurs français (génétique, vaccins, etc.).

Quelles sont les perspectives d’ouverture de nouveaux marchés pour la France ?

La Chine représente un important marché agroalimentaire pour la France qui y exporte plus de 2 milliards de dollars par an. Les ouvertures de marché sont donc un sujet crucial. Or, la Chine n’est pas dénuée de tendances protectionnistes et pose nombre de contraintes à l’importation de produits.

Dans ses négociations avec la Chine, il est important que la France présente une approche cohérente entre la défense légitime de ses intérêts commerciaux et une disponibilité à coopérer et à échanger sur des aspects d’intérêts mutuels. Nous nous attachons à développer cette complémentarité. L’autre caractéristique du marché chinois, peut-être plus spécifique à ce pays, réside dans la complémentarité entre le développement de nos exportations et l’implantation d’entreprises en Chine. C’est l’un des enjeux du marché chinois.

« Douce France »

Le ministère de l'Agriculture et de l'Alimentation parraine le projet « Douce France », une série destinée à la télévision chinoise pour faire découvrir le terroir français.