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13 novembre 2024 Info +

Le Comité de règlement des différends commerciaux agricoles (CRDCA)

Le Comité de règlement des différends commerciaux agricoles (CRDCA) a été créé par l’article 11 de la loi n° 2021-1357 du 18 octobre 2021 visant à protéger la rémunération des agriculteurs, dite loi Egalim 2. Son rôle, sa composition, les conditions de sa saisine et les procédures applicables devant lui sont prévus aux articles L. 631-28 à L. 631-28-4 du code rural et de la pêche maritime (CRPM).

Un pouvoir décisionnel en matière de litiges entre producteur ou organisation de producteur et acheteur

Il intervient en cas d’échec de la médiation du médiateur des relations commerciales agricoles (MRCA) lorsque le litige dont celui-ci a été saisi concerne la conclusion ou l’exécution d’un contrat ou d’un accord cadre ayant pour objet la vente de produits agricoles ou alimentaires, régi par les articles L. 631-24 à L. 631-24-3 du CRPM, conclu entre un producteur agricole ou une organisation de producteurs et son premier acheteur.
Pour cela, il doit êtresaisi par l’une des deux parties dans un délai d’un mois à compter du constat de cet échec.

Le Comité des relations commerciales agricoles statue sur le litige en tenant compte des recommandations non contraignantes du MRCA.

Ses décisions peuvent être contestées devant la Cour d’appel de Paris, qui peut les annuler ou les réformer. Cependant le recours ne suspend pas la décision qui doit être appliquée dans l’attente de la décision de la Cour d’appel, sauf si celle-ci accorde un sursis à exécution.

En dehors de tout litige, le pouvoir d’édicter des « lignes directrices »

Le CRDCA « établit et rend publiques des lignes directrices qui précisent les modalités d’application des articles L.631-24 et L.631-24-2 » du code rural et de la pêche maritime. Par ces lignes directrices, il indique aux producteurs et à leurs acheteurs comment appliquer la loi lorsqu’ils concluent un contrat. Pour leur élaboration, il tient compte des difficultés d’interprétation de la loi ressortant des litiges qui lui sont soumis, ou sur lesquels son attention a été appelée.

À quoi sert le Comité de règlement des différends commerciaux agricoles ?

Alors que la médiation propose des solutions non contraignantes aux parties en vue d’un règlement amiable du différend, le Comité de règlement des différends commerciaux agricoles rend une décision qui s’impose aux parties. Afin que sa décision soit appliquée, il a le pouvoir de prononcer des injonctions qui peuvent être assorties d’astreintes.
La décision est rendue rapidement, au maximum dans les deux mois qui suivent la saisine du Comité, afin de permettre la poursuite des relations commerciales.

Comment est composé le Comité de règlement des différends commerciaux agricoles ?

Il est composé d’un président issu du Conseil d’État, de la Cour de cassation, de la Cour des comptes ou d’autres juridictions et de quatre autres membres titulaires, choisis en raison de leur expérience en matière de relations commerciales et de production ou de transformation de produits agricoles, chacun doté d’un suppléant.
Les membres du Comité ont été nommés par un décret du 26 février 2022 et du 1er mars 2024.

Il est présidé par Mme Marie-Françoise Guilhemsans, conseillère d’État.
M. Fabrice Dambrine, conseiller d’État en service extraordinaire honoraire, est suppléant de la présidente.

Personnalités choisies en raison de leur expérience passée en matière de relations commerciales :
  • Mme Marie-Thérèse Bonneau, ancienne vice-présidente de la Fédération nationale des producteurs de lait, membre titulaire ;
  • M. Jean-Louis Gerard, ancien membre du comité de pilotage de l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires, membre titulaire ;
  • M. Jérôme Bédier, trésorier de la chambre de commerce et d’industrie de Paris Île-de-France, membre suppléant ;
  • Mme Claire Chambolle, économiste, membre suppléant.
Personnalités ayant exercé leur activité dans le secteur de la production de produits agricoles :
  • M. Yannick Fialip, président de la chambre d’agriculture de la Haute-Loire, membre titulaire ;
  • Mme Laurence Sellos, présidente de la chambre d’agriculture de la Seine-Maritime, membre suppléant.
Personnalités ayant exercé leur activité dans le secteur de la transformation, notamment de produits agricoles :
  • M. Jean-Bernard Bonduelle, ancien dirigeant du groupe Bonduelle, membre titulaire ;
  • M. Bertrand Rouault, directeur général d’Eurial, membre suppléant.

Comment fonctionne-t-il en cas de litige ?

Lorsque le médiateur a notifié aux parties l’échec de la médiation, l’une de ces parties peut saisir le CRDCA dans le délai d’un mois, sous réserve d’en informer immédiatement l’autre partie.

L’instruction et la procédure sont contradictoires et chaque partie peut être assistée ou représentée par toute personne de son choix.

Une fois le CRDCA saisi, sa présidente confie à un rapporteur le soin d’instruire le dossier. Ce rapporteur peut éventuellement solliciter des éléments ou une audition auprès des différentes parties. Une fois son rapport terminé, le rapporteur le remet à la présidente.
Celle-ci convoque alors en séance les deux parties, qui présentent devant le CRDCA leurs observations orales et répondent aux questions des membres. Un expert peut être éventuellement sollicité par la présidente, pour répondre aux questions des membres du comité et des parties. Le rapporteur présente son rapport et ses préconisations pendant cette séance. Après avoir entendu les deux parties, le rapporteur, et éventuellement l’expert, le comité se retire pour délibérer, ni le rapporteur, ni l’expert, ni les parties n’étant présents. Le Comité délibère à la majorité de ses membres. Sa décision est notifiée aux deux parties.

Lorsqu’un membre du CRDCA risque de se trouver en situation de conflit d’intérêts lors de l’examen d’une affaire, il ne participe pas à son examen ni au délibéré s’y rapportant.

Comment saisir le CRDCA ?

Le CRDCA doit être saisi dans des conditions permettant d’établir la date de la saisine :

  • Par lettre recommandée à l’adresse suivante :

A l'attention de Mme Guilhemsans
Comité de règlement des différends commerciaux agricoles

Bureau du courrier du ministère chargé de l’agriculture
BAL : CRDCA
78 rue de Varenne, 75349 Paris 07 SP

  • Ou par courriel à l’adresse suivante :

comite-differends-agricoles@agriculture.gouv.fr

La demande doit être accompagnée de la notification du constat par le MRCA de l’échec de la médiation et de la preuve de notification de l’annonce de la saisine du CRDCA à la partie adverse, ainsi que de tous autres éléments utiles à la compréhension du litige. Les recommandations du Médiateur des Relations Commerciales seront adressées directement au CRDCA, une fois la saisine effectuée.

Tous renseignements peuvent être demandés à l’adresse suivante :
comite-differends-agricoles@agriculture.gouv.fr

L’interprétation de la loi Egalim par le CRDCA

Le CRDCA a pour principale mission de préciser les conditions d’application des dispositions du code rural et de la pêche maritime issues des lois « Egalim ».

Il le fait tant à l’occasion de l’examen des litiges qui lui sont soumis, dans le cadre des raisonnements qui sous-tendent ses décisions sur des affaires particulières (la « jurisprudence » du CRDCA), que par l’élaboration de « lignes directrices ».

Les litiges portés devant le CRDCA ont donné lieu aux décisions suivantes :

  • Décision n° 2024-01-02 du 19 février 2024, sur des saisines des 2 et 12 janvier 2024 (décision contestée devant la Cour d’appel de Paris) ;
  • Décision n°2024-03 du 21 août 2024, sur une saisine du 26 juin 2024 (décision contestée devant la Cour d’appel de Paris).

Les décisions du CRDCA ne sont pas communicables, ou au mieux partiellement, dès lors qu’elles comportent nécessairement de nombreux éléments couverts par le secret des affaires (cf. Conseil de la CADA n°20241664 du 28 mars 2024).

Des positions prises par le Comité à l’occasion d’un litige particulier peuvent être reprises et précisées dans une « Ligne directrice ».

Afin d’informer le public sans porter atteinte au secret des affaires, les principales positions prises par le Comité sur différentes questions d‘interprétation de la loi, tant à l’occasion des affaires dont il a été saisi que de l’élaboration de lignes directrices [1], sont résumées ci-dessous, dans l’ordre des dispositions interprétées :

[1] Lorsqu’une ligne directrice a été élaborée pour reprendre et préciser un élément de la jurisprudence du comité, seule cette ligne directrice figure dans la présente rubrique.

ARTICLE L.631-24 du code rural et de la pêche maritime
  • « I. Tout contrat de vente de produits agricoles livrés sur le territoire français est conclu sous forme écrite et est régi, dans le respect des articles 1365 et 1366 du code civil, par le présent article. »

    Ligne directrice n°1 – 18 mars 2024 – Contractualisation et préavis

    Le fait qu’un contrat-cadre ou contrat non conforme aux dispositions de l’article L.631-24 du CRPM, a été dénoncé et qu’un préavis est en cours, ne dispense pas du respect des dispositions de cet article et donc de la recherche d’un accord conforme à ces dispositions pour la durée restant à courir.

  • « Lorsque le producteur a donné mandat à une organisation de producteurs reconnue dont il est membre ou à une association d'organisations de producteurs reconnue à laquelle appartient l'organisation de producteurs dont il est membre pour négocier la commercialisation de ses produits sans qu'il y ait transfert de leur propriété, la conclusion par lui d'un contrat écrit avec un acheteur pour la vente des produits en cause est précédée de la conclusion et est subordonnée au respect des stipulations de l'accord-cadre écrit avec cet acheteur par l'organisation de producteurs ou l'association d'organisations de producteurs. L'organisation de producteurs ou l'association d'organisations de producteurs propose à l'acheteur un accord-cadre écrit conforme aux prescriptions du présent article. La proposition de contrat ou d'accord-cadre écrit est le socle unique de la négociation au sens de l'article L. 441-1 du code de commerce. Tout refus de la proposition de contrat ou d'accord-cadre écrit par le premier acheteur ainsi que toute réserve sur un ou plusieurs éléments de cette proposition doivent être motivés et transmis à l'auteur de la proposition dans un délai raisonnable au regard de la production concernée. »

    fait « de ne pas transmettre, par écrit, tout refus ou toute réserve sur un ou plusieurs éléments de cette proposition de manière motivée et dans un délai raisonnable au regard de la production concernée » est passible d’une amende administrative en application du 4° de l’article L.631-25.

    Commentaire :

    Ces dispositions visent à permettre à l’auteur de la proposition de contrat de comprendre les motivations du refus de sa proposition par l’acheteur et de progresser dans sa compréhension des contraintes contractuelles. En effet, il y a souvent disproportion en termes de connaissance des mécanismes de fixation des prix entre les producteurs ou les OP/ AOP les représentant, qui ont des moyens humains limités, et les industriels, qui ont la pratique des achats, de la contractualisation et souvent de la commercialisation avec la grande distribution, et qui disposent d’équipes spécialisées. Une formule tarifaire est en effet le plus souvent un mécanisme complexe faisant intervenir de nombreux indicateurs, coefficients, et paramètres.

    Il est souhaitable que la négociation soit effectuée dans un temps resserré.

    Ligne directrice n°2 – 18 mars 2024 – Transmission obligatoire des éléments permettant de comprendre le refus d’éléments de contractualisation

    En réponse à la proposition de contrat, l’acheteur doit détailler par écrit les indicateurs, coefficients ou paramètres avec lesquels il est en désaccord et proposer des amendements, afin de créer des conditions favorables à un dialogue.

    Le « délai raisonnable » pour la réponse de l’acheteur à la proposition de contrat est d’un mois.

    Les négociations commerciales sont couvertes par le secret des affaires, et en particulier le contenu du ou des courriers exprimant les réserves et/ou refus en réponse à la proposition de contrat.

    Ces éléments peuvent cependant être transmis aux personnes tenues de respecter ce secret, en particulier aux autorités de contrôle, au médiateur des relations commerciales agricoles, au CRDCA, au juge.

  • « III. La proposition de contrat ou d'accord-cadre écrit mentionnée au II et le contrat ou l'accord-cadre écrit conclu comportent a minima les clauses relatives : /1° Au prix et aux modalités de révision automatique, à la hausse ou à la baisse, de ce prix, selon une formule librement déterminée par les parties, ou aux critères et modalités de détermination du prix, parmi lesquels la pondération des indicateurs mentionnés au quinzième alinéa du présent III ; (…) / (15e alinéa du III) La proposition de contrat ou d'accord-cadre constitue le socle de la négociation entre les parties. Au titre des critères et modalités de révision ou de détermination du prix mentionnés au 1° du présent III, elle prend en compte un ou plusieurs indicateurs relatifs aux coûts pertinents de production en agriculture et à l'évolution de ces coûts. Dans le contrat ou dans l'accord-cadre, les parties définissent librement ces critères et ces modalités de révision ou de détermination du prix en y intégrant, outre le ou les indicateurs issus du socle de la proposition, un ou plusieurs indicateurs relatifs aux prix des produits agricoles et alimentaires constatés sur le ou les marchés sur lesquels opère l'acheteur et à l'évolution de ces prix ainsi qu'un ou plusieurs indicateurs relatifs aux quantités, à la composition, à la qualité, à l'origine et à la traçabilité des produits ou au respect d'un cahier des charges. (…) »

    Coefficient des indicateurs de coût de production et des indicateurs de marché

    Ces dispositions impliquent que le prix soit fixé en prenant en compte en premier lieu « un ou plusieurs indicateurs relatifs aux coûts pertinents de production en agriculture et à l'évolution de ces coûts ». L’esprit de la loi est que la proportion dans laquelle les indicateurs « coûts de production » sont pris en compte doit être significative, même s’il n’est pas obligatoire qu’elle atteigne ou excède 50%, et si elle est librement négociable. La loi ne fait aucune exception à cette obligation, et ne lie pas la proportion dans laquelle ces coûts de production et leur évolution sont pris en compte dans la construction du prix à la part du marché français dans les débouchés de l’acheteur. Ainsi, le contrat conclu avec un acheteur de lait qui exporterait l’intégralité de sa production devrait néanmoins baser la construction du prix de vente du lait par le producteur en partie sur les coûts de production de ce lait.

    Par ailleurs, sont également pris en compte « un ou plusieurs indicateurs relatifs aux prix des produits agricoles et alimentaires constatés sur le ou les marchés sur lesquels opère l'acheteur et à l'évolution de ces prix ». Pour respecter l’esprit de la loi, la part de ces indicateurs de marché doit également être significative. S’il n’est pas nécessaire que la formule de détermination du prix comprenne un indicateur pour chacun des marchés sur lesquels opère l’acheteur, ni que ces indicateurs soient pris en compte en proportion exacte de la part de ces différents marchés dans son activité, ceux-ci ne doivent pas être manifestement en décalage avec son activité réelle Dans le cas de la conclusion d’un accord de plusieurs années prenant en compte le « mix produits » exact dans la détermination du prix s’agissant des indicateurs de marché, il serait souhaitable qu’une attestation par un tiers de confiance soit produite par l’acheteur si l’autre partie le demande.

    Au vu des dispositions précitées, la formule de construction du prix attendue par le législateur est du type : X% indicateur(s) coût de production + Y% indicateurs de marché (% marché 1 + % marché 2 + % marché 3). Cette répartition vaut tant pour la détermination du prix de base du contrat, que pour la prise en compte de l’évolution de ses composantes. [2] D’autres formules peuvent néanmoins être admises si elles s’avèrent de portée équivalente. (Décision CRDCA 2024-03).

    [2] Pour l’exprimer autrement, la formule de construction du prix initial attendue par le législateur est de la forme : X coût de production (ou X1 coût de production 1 + X2 coût de production 2 + …) + Y1 prix de marché 1 + Y2 prix de marché 2 + Y3 prix de marché 3 + … ; et celle de la révision du prix : X indicateur coût de production + Y1 indicateur prix de marché 1 + Y2 indicateur prix de marché 2 + Y3 indicateur prix de marché 3 + … »

    Évolution des indicateurs

    Les parties sont libres de définir selon quelle périodicité et dans quelle proportion l’évolution des indicateurs de coûts de production et de prix de marché mentionnés dans le contrat, est prise en compte pour revoir le calcul du prix. Des modifications intra-annuelles sont possibles, dès lors que l’indicateur évolue, cette évolution pouvant être prise en compte en tout ou partie, selon ce qui est convenu. (Décision CRDCA 2024-03).

  • Le III de l’article L.631-24 prévoit que « (…) Les contrats, accords-cadres et propositions de contrat et d'accord-cadre mentionnés au premier alinéa du présent III comportent également, le cas échéant, la clause mentionnée à l'article L. 441-8 du code de commerce et celle prévue à l'article 172 bis du règlement (UE) n° 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 précité./Les contrats, accords-cadres et propositions de contrat et d'accord-cadre mentionnés au premier alinéa du présent III ne comportent pas de clauses ayant pour effet une renégociation ou une modification automatique du prix liée à l'environnement concurrentiel ».

    Aux termes de l’article L.441-8 du code de commerce : « I. Sans préjudice de l'article 172 bis du règlement (UE) n°1308/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 portant organisation commune des marchés des produits agricoles et abrogeant les règlements (CEE) n° 922/72, (CEE) n°234/79, (CE) n°1037/2001 et (CE) n°1234/2007 du Conseil, les contrats d'une durée d'exécution supérieure à trois mois portant sur la vente des produits agricoles et alimentaires dont les prix de production sont significativement affectés par des fluctuations des prix des matières premières agricoles et alimentaires et des produits agricoles et alimentaires, de l'énergie, du transport et des matériaux entrant dans la composition des emballages comportent une clause relative aux modalités de renégociation du prix permettant de prendre en compte ces fluctuations à la hausse comme à la baisse. / Cette clause, définie par les parties, précise les conditions et les seuils de déclenchement de la renégociation./ La renégociation de prix est conduite de bonne foi dans le respect du secret des affaires, ainsi que dans un délai, précisé dans le contrat, qui ne peut être supérieur à un mois. Elle tend à une répartition équitable entre les parties de l'accroissement ou de la réduction des coûts de production résultant de ces fluctuations. Elle tient compte notamment de l'impact de ces fluctuations sur l'ensemble des acteurs de la chaîne d'approvisionnement. Un compte rendu de cette négociation est établi, selon des modalités définies par décret. (…) »

    Clause de renégociation – indicateurs de coûts de production

    Il ressort des dispositions précitées que la clause de renégociation doit permettre de réagir dans le cas où des fluctuations du prix des intrants affectent significativement les coûts de production des produits agricoles ou alimentaires vendus, sans attendre la révision automatique du prix. Les indicateurs dont l’évolution est prise en compte pour déclencher une renégociation du prix doivent refléter le prix d’éléments nécessaires à la production du produit vendu par le producteur à son premier acheteur, dont l’évolution est susceptible d’affecter significativement les coûts de production. Il peut s’agir des prix de chacun des principaux facteurs de production, ou d’indices reflétant globalement l’évolution des coûts de production, comme l’indice IPAMPA. Le seuil de déclenchement doit correspondre à un niveau de fluctuation assez important pour que les mécanismes de révision automatique des prix prévus par l’accord-cadre ne suffisent pas et qu’il soit nécessaire de rechercher « une répartition équitable entre les parties de l'accroissement ou de la réduction des coûts de production résultant de ces fluctuations » (décision CRDCA 2024-03).

  • « Les contrats, accords-cadres et propositions de contrat et d'accord-cadre mentionnés au premier alinéa du présent III ne comportent pas de clauses ayant pour effet une renégociation ou une modification automatique du prix liée à l'environnement concurrentiel. »

    Alignement concurrentiel

    Ces dispositions interdiraient de prévoir la possibilité de renégocier le contrat ou le contrat-cadre dès lors que le prix payé aux producteurs concernés s’écarterait de plus de X% du prix moyen payé aux producteurs à plus grande échelle (décision CRDCA 2024-03).

  • « IV. La proposition d'accord-cadre écrit et l'accord-cadre conclu mentionnés au premier alinéa du III précisent en outre (…) 5° Les modalités de transparence instaurées par l'acheteur auprès de l'organisation de producteurs ou de l'association d'organisations de producteurs, précisant les modalités de prise en compte des indicateurs figurant dans le contrat conclu avec l'acheteur en application de l'article L. 631-24-1. »

    Transparence sur la prise en compte des indicateurs coût de production (décision CRDCA 2024-03)

    Le CRDCA rappelle que les dispositions du 5° du IV de l’article L.631-24 du CRPM sont issues des amendements n°CE 882 et n°2239 adoptés lors de la première lecture à l’Assemblée nationale de la loi n°2018-938 du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous. L’objectif poursuivi, selon l’exposé sommaire de ces amendements et leur présentation en séance publique, était que l’acheteur, dans un souci de transparence, présente à l’OP ou l’AOP avec laquelle il contracte, « le lien qu’il établit dans son contrat aval, avec les indicateurs prévus dans le cadre du dispositif dit « de la cascade » en application de l’article L.631-24-1 » issu de la même loi. Les dispositions précitées font obligation à l’acheteur de rendre compte à l’OP ou l’AOP de la façon dont il s’est acquitté de l’obligation prévue à l’article L.631-24-1 et à l’accord-cadre de prévoir les modalités selon lesquelles est réalisée cette information. Dès lors, il appartient à l’acheteur, à défaut d’accord avec la solution proposée par la partie amont, de faire une contreproposition prévoyant ces modalités.

ARTICLES L.631-28 A L.631-28-3 du code rural et de la pêche maritime

À l’occasion de ses décisions, le CRDCA a été amené à se prononcer sur sa propre nature et ses compétences :

Aux termes de l’article L.631-28 du code rural et de la pêche maritime (CRPM) : « Tout litige entre professionnels relatif à la conclusion ou à l'exécution d'un contrat ou d'un accord-cadre mentionné à l'article L. 631-24 ayant pour objet la vente de produits agricoles ou alimentaires doit, préalablement à toute saisine du juge, faire l'objet d'une procédure de médiation par le médiateur des relations commerciales agricoles et, en cas d'échec de la médiation, d'une saisine du comité de règlement des différends commerciaux agricoles mentionné à l'article L. 631-28-1, sauf si le contrat prévoit un autre dispositif de médiation ou en cas de recours à l'arbitrage et sauf pour certaines filières, dont la liste est définie par décret, pour lesquelles des modes alternatifs de règlement des différends ont été mis en place. (…) En cas d'échec de la médiation, dans un délai d'un mois à compter du constat de cet échec, toute partie au litige, après en avoir informé les parties, peut saisir le comité de règlement des différends commerciaux agricoles. Toute partie à un litige relatif à l'exécution d'un contrat peut, le cas échéant, saisir le président du tribunal compétent pour qu'il statue sur le litige selon la procédure accélérée au fond sur la base des recommandations du médiateur des relations commerciales agricoles. La saisine du président du tribunal compétent selon ces modalités est également ouverte au terme du délai prévu au présent alinéa. (…) » Aux termes de l’article L631-28-1 du même code : « I. Le comité de règlement des différends commerciaux agricoles connaît des litiges mentionnés à l'article L. 631-28 du présent code, à l'exception des litiges mentionnés au cinquième alinéa de l'article L. 441-8 du code de commerce, et statue sur le litige sur la base des recommandations non contraignantes du médiateur des relations commerciales agricoles. / Il établit et rend publiques des lignes directrices qui précisent les modalités d'application des articles L. 631-24 et L. 631-24-2 du présent code. (…) En vertu de son article L.631-28-4 : « (…) Le président du comité peut former un pourvoi en cassation contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris ayant annulé ou réformé une décision prise en application de la présente section et peut présenter des observations devant la Cour de cassation. ».

  • Il ressort des dispositions qui précèdent, notamment du pouvoir conféré au CRDCA d’édicter des lignes directrices, ou de la possibilité pour le président de cette instance, de former un pourvoi en cassation contre l’arrêt de la cour d’appel de Paris ayant annulé ou réformé une décision de ce comité, qu’en créant le CRDCA, le législateur n’a pas entendu créer une nouvelle juridiction, qui ferait double emploi avec les tribunaux judiciaires, mais une autorité administrative, chargée de veiller à la bonne application des articles L.631-24 et L.631-24-2 du CRPM relatifs aux contrats qui doivent être passés entre tout producteur agricole et le premier acheteur de ses produits. Cette instance, qui bénéficie de garanties d’indépendance, même si elle n’est pas inscrite sur la liste des autorités administratives indépendantes, a été créée par la loi afin de permettre aux parties d’obtenir notamment, des précisions sur la rédaction à adopter pour que leur contrat-cadre ou contrat respecte ces dispositions, sans devoir introduire à cet effet une instance juridictionnelle, et sans qu’il leur soit nécessaire de se faire assister d’un avocat.

  • En cas de refus par une partie d’une médiation demandée par l’autre partie, il y a échec de la médiation au sens de l’article L.631-28 du CRPM précité.

    La saisine du CRDCA peut s’effectuer par e-mail, sans être assisté d’un avocat, après avoir informé l’autre partie (et non l’avocat qui a pu l’assister devant le MRCA). L’accusé de réception de l’information de l’autre partie est joint à la saisine. Le cas échéant, les parties peuvent ensuite désigner un avocat pour les assister ou les représenter.

    S’il est loisible à la partie qui a l’intention de saisir le CRDCA de l’en informer préalablement, ce comité ne se considère comme saisi et le délai qui lui est imparti pour se prononcer ne commence à courir qu’à réception d’un courrier motivé, assorti des pièces utiles à l’examen de la demande.

    L’article L.631-28 du CRPM ne limitant pas le nombre de saisines du CRDCA après constatation par le MRCA de l’échec d’une médiation, il est possible de réitérer une saisine afin de corriger une erreur de procédure, dès lors que la nouvelle saisine est transmise au CRDCA dans le délai d’un mois à compter de cette constatation.

  • Aux termes de l’article D.631-2 du CRPM, relatif au médiateur des relations commerciales agricoles : « Les médiations sont conduites dans les conditions définies par le chapitre Ier du titre II de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l'organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative. » Cette loi dispose, par son article 24, que « Le conciliateur et le médiateur sont tenus à l'obligation du secret à l'égard des tiers. / Les constatations du conciliateur ou du médiateur et les déclarations qu'ils recueillent ne peuvent être évoquées devant le juge saisi du litige qu'avec l'accord des parties. Elles ne peuvent être utilisées dans une autre instance. / Toutefois, le conciliateur ou le médiateur informe le juge de ce que les parties sont ou non parvenues à un accord. »

    Le CRDCA, qui n’est pas une instance juridictionnelle, considère que les dispositions législatives régissant sa compétence impliquent nécessairement qu’il puisse avoir accès aux propositions et contre-propositions échangées au cours de la médiation. [décision CRDCA 2024-03]

  • Les dispositions de l’article L.631-28-1 aux termes desquelles le CRDCA « statue sur le litige sur la base des recommandations non contraignantes du médiateur des relations commerciales agricoles » n’ont pas pour conséquence d’interdire au rapporteur de l’affaire devant le CRDCA d’émettre lui-même des recommandations pour le règlement du litige, en limitant son rôle à un compte-rendu de l’instruction. En effet, les recommandations du médiateur, très utiles au CRDCA eu égard à sa connaissance du litige et des positions des parties, mais aussi du contexte économique compte tenu des diverses médiations qui se déroulent sous son égide, se rapprochent de l’avis d’un expert, étant non contraignantes. Le même litige exige du CRDCA de prendre position, dans le champ du litige ayant fait l’objet de la médiation, sur des questions juridiques non soumises au médiateur, et que rien n’interdit aux parties de produire de nouveaux éléments devant le comité, ni à ce dernier d’en demander. Par ailleurs, l’article L.631-28-2 du CRPM prévoit que le CRDCA délibère hors de la présence du rapporteur, ce qui suggère que celui-ci a préalablement pris position sur l’affaire. [décision CRDCA 2024-01-02]

  • Le litige dont le CRDCA est saisi est celui qui a fait l’objet d’une médiation du MRCA. Il limite son contrôle aux points restant en débat entre les parties et aux dispositions qui en sont indissociables. Pour la détermination de ces points, les accords partiels survenus en cours de médiation ne sont pas pris en compte, sauf si chaque partie indique expressément au comité qu’elle maintient la proposition qu’elle a faite en cours de médiation. [Décision CRDCA 2024-03]

    Le CRDCA, considère qu’il relève de ses compétences, lorsqu’il est saisi d’un litige lié à l’exécution d’un contrat, de demander aux parties, de sa propre initiative, la modification ou la suppression d’une clause illégale de nature à faire obstacle à la résolution du litige dont il est saisi, même si aucune des parties ne soulève l’illégalité de cette clause. [Décision CRDCA 2024-01-02]

    Les décisions que peut prendre le CRDCA sont énumérées à l’article L.631-28-3. Toutefois, l’intervention du CRDCA faisant suite à celle du médiateur des relations commerciales agricoles (MRCA), ce comité ne peut pas se désintéresser de la recherche d’un accord entre les parties, ce qui implique qu’il puisse en outre, le cas échéant, émettre des recommandations à ce sujet. [décision CRDCA 2024-03]

    Il résulte des dispositions précitées que le CRDCA n’est pas compétent pour se prononcer sur le respect des dispositions du code de commerce relatives aux conditions de négociation des contrats. Il peut toutefois, à l’occasion des litiges dont il est saisi, porter une appréciation sur le déroulement de la négociation objet du litige au regard des exigences découlant de l’article L.631-24 du code rural et de la pêche maritime. [décision CRDCA 2024-03]

Voir aussi