16 décembre 2024 Publication

Mise en place d’une organisation sanitaire visant à la détection précoce et au contrôle des zoonoses majeures transmises par les animaux de compagnie

  • Claire Laugier
  • Dominique Chabanet

Deux épidémies récentes liées au SARS-CoV-2 et au mpox virus (ex monkeypox virus) ont mis en lumière le rôle potentiel des animaux de compagnie dans la diffusion de zoonoses. À l’exception de la rage, aucun dispositif n’a été conçu pour surveiller et contrôler les zoonoses, actuelles ou émergentes, transmises par les animaux de compagnie. La mission a étudié la nature et les conditions de déploiement de tels dispositifs.

La lettre du conseil général de l'alimentation de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) n° 191 janvier 2025

Rapport de mission de conseil n°22121

Juillet 2024

Enjeux

Les populations d’animaux de compagnie sont importantes en France et en Europe. En France, la majorité d’entre eux est détenue dans des foyers, au plus près des êtres humains. Les relations des propriétaires avec leur animal se caractérisent par des liens affectifs forts et des contacts physiques souvent étroits. Les espèces de compagnie seraient ainsi des vecteurs efficaces d’une zoonose pouvant se propager au sein des populations humaines. La nature des relations entretenues par les propriétaires avec leurs animaux impose de rechercher, pour les zoonoses majeures, des modalités de contrôle et de lutte différentes de celles mises en place habituellement pour les espèces animales de rente.

Méthodologie

La mission a conduit une analyse bibliographique, complétée par des entretiens avec des chercheurs, cliniciens et gestionnaires en santés humaine et animale, afin de répondre aux quatre objectifs fixés dans la lettre de commande :

  • faire un bilan des zoonoses transmises par les espèces de compagnie et conduire une analyse des risques d’émergence ;
  • analyser le cadre d’action et les acteurs de la surveillance des zoonoses en France ;
  • définir les conditions d’organisation d’un dispositif de surveillance ;
  • identifier les mesures de gestion à mettre en place en cas d’émergence épidémique.

Résumé

En France, les zoonoses diagnostiquées chez l’Homme et liées aux espèces de compagnie sont principalement des zoonoses mineures. Cependant, les virus influenza et les coronavirus présentent un risque élevé d’émergence zoonotique, notamment explosive en raison de leur mode de transmission. Les mustélidés et le chat, très réceptifs à ces virus, sont donc à surveiller. Les rongeurs de compagnie étant des sources potentielles de pathogènes zoonotiques, la mission recommande la mise en place d’une surveillance sanitaire des élevages et l’amélioration du contrôle sanitaire des animaux importés.

De manière générale, pour limiter le risque d’émergence par introduction d’animaux, il paraît nécessaire de renforcer la lutte contre les trafics et les contrôles aux frontières.

L’analyse des dispositifs de surveillance en santés humaine et animale a montré plusieurs failles dont un intérêt limité des vétérinaires canins pour la santé publique vétérinaire. Cet intérêt mériterait d’être renforcé afin de garantir leur réactivité dans un contexte de zoonose émergente. Un déficit d’exploration d’une possible origine animale lors des enquêtes conduites par les agences régionales de santé autour de clusters de cas humains se conjugue à l’absence de cadre d’action pour les directions départementales de la protection des populations face à des cas humains ou animaux d’une zoonose non réglementée.

La mission a également examiné le rôle potentiel des laboratoires de diagnostic et de référence ainsi que des équipes de recherche dans la détection précoce d’une zoonose émergente.

Au regard des prérequis identifiés pour la création d’un réseau de surveillance des maladies des espèces de compagnie, la mission a examiné le projet de réseau d’épidémiosurveillance pour animaux de compagnie (RESPAC) porté par l’Association française des vétérinaires pour animaux de compagnie. Elle identifie comme points d’attention :

  • la composition du comité de pilotage et des sources de financement de ce futur réseau non définies ;
  • la non prise en compte de l’intérêt de l’appui de la plateforme d’épidémiosurveillance en santé animale dans son montage et son fonctionnement ;
  • la non détermination des modalités d’association des données sanitaires et d’identification ni des rôles respectifs du Conseil national de l’ordre des vétérinaires et d’Ingenium Animalis, organisme délégataire en charge de l’identification des carnivores.

La possibilité d’adapter le système d’information d’un réseau étranger dédié aux espèces de compagnie mériterait une étude approfondie.

Pour préparer la coordination des acteurs de santés animale et humaine en temps de crise, les services concernés devront s’entraîner à des exercices construits sur la base du scénario Covid-19 intégrant une participation des carnivores domestiques à la transmission. A cette fin, plusieurs chantiers de réflexion devront être ouverts avec les parties prenantes sur :

  • la traçabilité des mouvements des espèces de compagnie sous-tendue par une identification efficace ;
  • la définition d’un cadre juridique permettant d’intervenir sur les animaux chez les particuliers et prenant en compte la dimension émotionnelle générée par ces interventions ;
  • le devenir des animaux (soins, euthanasie) et ses critères décisionnels, conditions de mise en œuvre et d’acceptation ;
  • le recensement des installations disponibles pour l’isolement des animaux et la recherche de solutions complémentaires ;
  • l’organisation d’une communication adaptée autour de tous ces sujets.

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