Forêt coupée
Alain Karsenty / Cirad

10 mai 2023 Info +

Lutte contre la déforestation à l'étranger : les actions engagées par l'Union européenne et la France

La France, depuis 2018 dans le cadre de sa Stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée, et l’Union européenne, en 2022 dans le cadre d'un nouveau règlement, cherchent à enrayer la perte d’espaces forestiers au niveau mondial due à la consommation des produits dont la production est source de déforestation.

Selon l’Organisation des Nations unies pour l’agriculture et l’alimentation (FAO), 420 millions d’hectares de forêts ont disparu entre 1990 et 2020, ce qui représente environ 10% des forêts dans le monde, une superficie supérieure à l’Union européenne. Le principal facteur de la déforestation et de la dégradation des forêts est l'expansion des terres agricoles. On estime que la consommation de l’Union européenne* des principaux produits qui contribuent le plus à la déforestation (huile de palme, soja, bétail, cacao, café et bois) serait responsable de 19% de la déforestation tropicale.

Or les forêts jouent un rôle essentiel dans la lutte contre le changement climatique, pour la préservation de la biodiversité, pour les économies locales ou pour la protection des populations. Il est donc essentiel d'enrayer la diminution des forêts au niveau mondial.

L’Union européenne et la France ont lancé diverses actions en ce sens.

L’action de l’Union européenne

Au niveau européen, la proposition de règlement relatif à l'interdiction de mise sur le marché européen ou l'export à partir du marché européen de produits issus de déforestation ou dégradation forestière a fait l'objet d'un accord interinstitutionnel en décembre 2022.

Le règlement s'applique à sept produits de base : le soja, la viande bovine, l'huile de palme, le caoutchouc, le bois, le cacao et le café (et certains de leurs produits dérivés, tels que le cuir, le chocolat et les meubles) et prévoit la mise en place d'une procédure de diligence raisonnée pour les opérateurs et les commerçants des produits concernés.

Le règlement a été ratifié par le Parlement européen le 18 avril 2023. Il doit encore faire l'objet d'une ratification au Conseil européen et sera ensuite publié au Journal officiel de l'Union européenne et entrera en vigueur vingt jours plus tard. Les nouvelles règles devront être mises en œuvre par les États membres au plus tard 18 mois après l'entrée en vigueur.

Le rôle moteur et précurseur de la France

Pour lutter contre la déforestation causée par les importations françaises de produits forestiers ou agricoles non durables, la France a mis en place en 2018 la stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée (SDNI). Son objectif est de mettre fin d’ici 2030 à l’importation de produits forestiers ou agricoles qui contribuent à la déforestation à l’étranger. Cinq ministères participent à cette stratégie : Europe et Affaires étrangères ; Économie, Finances et Relance ; Transition écologique ; Agriculture et Alimentation ; Enseignement supérieur, Recherche et Innovation.

Avec cette stratégie, la France souhaite jouer un rôle moteur dans la lutte contre la déforestation importée en étant le premier pays de l’Union européenne à mettre en place une action dans ce domaine. La France est également membre du Partenariat des déclarations d’Amsterdam (2018) qui vise à agir pour mettre un terme à la déforestation liée à l’importation des produits agricoles. Elle a également lancée en 2020 l’Alliance pour la préservation des forêts tropicales humides, qui regroupe aujourd’hui 32 pays.

Différents outils existent et accompagnent la stratégie nationale de lutte contre la déforestation, pour les acteurs privés et publics :

L’action du ministère en charge de l’agriculture

Afin de réduire les importations de soja destinées à l’alimentation animale, le ministère en charge de l’agriculture a mis en place en 2020 la stratégie nationale sur les protéines végétales.

Le soja représente 60% des importations des produits à risque en Europe. La stratégie nationale protéines végétales bénéficie de 100 millions d’euros du plan France Relance afin de développer les fourrages riches en protéines végétales, comme le soja ou la luzerne. L’objectif est double : lutter contre la destruction de forêts à l’étranger et réduire la dépendance protéique de la France.

Par ailleurs, autre exemple de l’engagement de la France : les acteurs de la filière cacao et chocolat se sont engagés aux côtés de l’État dans l’Initiative française pour un cacao durable.

Les forêts, alliées précieuses pour le climat

La déforestation contribue à environ 11% des émissions de gaz à effet de serre alors même que les forêts sont de précieuses alliées pour lutter contre le changement climatique. Les forêts sont des puits de carbone : elles absorbent et stockent du CO2 et participent donc à l’atténuation du réchauffement climatique.

Les forêts permettent également de filtrer l’eau, de retenir les sols, abritent une riche biodiversité en accueillant 75% des espèces vivantes et assurent des services sociaux et économiques essentiels pour les territoires et le développement d’une économie décarbonnée.

En France, le plan France Relance cherche à assurer le renouvellement de 50 millions d’arbres d’ici 2024 et à renforcer ainsi la résilience de nos forêts.
Le gouvernement a par ailleurs annoncé un plan qui vise à planter un milliard d’arbres en France, à l’horizon 2032, afin de participer à la lutte contre le changement climatique, mais aussi dans l’optique de régénérer nos forêts après les incendies dévastateurs de l’été 2022.
À l’étranger, l’Agence française de développement consacre 60 millions d’euros par an pour la gestion durable des forêts, la lutte contre la déforestation et le reboisement.

*Analyse d’impact de la Commission européenne pour la période 2008-2017 : Réduire au minimum le risque de déforestation et de dégradation des forêts associé aux produits mis sur le marché de l'Union européenne

** En France, le Parlement a voté l'exclusion totale de l'huile de palme de l'incitation fiscale à incorporer des biocarburants dès le 1er janvier 2020. De même, la loi de finances pour 2022 a exclu de cet avantage fiscal le biodiesel à base de soja. En conséquence, parmi les biocarburants mis à la consommation en France, il n’en existe plus à base d’huile de palme depuis 2020, ni à base de soja depuis 2022.