Un ver de terre dans une motte de terre
Pascal Xicluna / agriculture.gouv.fr

28 août 2019 Info +

Le ver de terre, l'architecte des sols fertiles

Infatigable observateur des vers de terre, Daniel Cluzeau, directeur de recherche à l’Université de Rennes, œuvre depuis plus de vingt-cinq ans à les réhabiliter et à les protéger. À la tête de l’observatoire participatif des vers de terre, ce passionné étudie les impacts des pratiques agricoles sur ces fragiles espèces. Témoignage.

« Véritable star de l’écosystème souterrain, le ver de terre en est son ingénieur central, l’équivalent de la barrière de corail pour l’écosystème marin ou de l’éléphant pour la savane. En modifiant le sol, il offre des meilleures conditions de vie pour la faune et les micro-organismes du sol », s’exclame Daniel Cluzeau. Directeur de recherche à l’Université de Rennes, il travaille depuis plus de 25 ans sur l’écologie du lombric et sa sensibilité aux modifications de son environnement. Longtemps oublié, presque disparu, le ver de terre refait surface. Et n’en finit pas de fasciner chercheurs, agriculteurs et jardiniers.

Le ver de terre, une espèce menacée

Dans les années 90, le chercheur passionné prêche dans des sous-sols presque déserts. « L’intensification de l’agriculture moderne via ses pratiques de travail du sol et de protection phytosanitaire fatigue les sols, l’appauvrit de sa matière organique. La charrue découpe les lombrics en petits morceaux. Des pesticides sont très toxiques pour certaines espèces de vers. Les sols se compactent, les écosystèmes se dégradent. Dans les fermes, plus personne ne bêche pour regarder ce qu’il y a sous nos pieds ». Et sous les pieds, il y a eu beaucoup de bouleversements : près de 33% de la biodiversité des sols agricoles aurait disparu en 50 ans. Dans les vignobles et les grandes cultures en 1990, certains sols n’avaient même plus de vers, « complément détruits par 20 ans de pratiques intensives, laissant souvent les sols nus une majeure partie de l’année ».

Nourrir le sol pour nourrir la plante

Pour ce scientifique, qui a arpenté la France des sous-sols, les vers de terre sont des espèces particulièrement sensibles aux pratiques de gestion des sols aussi bien agricoles qu’urbains. À la tête de l’observatoire participatif des vers de terre, Daniel Cluzeau étudie l’impact des activités humaines sur la biodiversité de cette macrofaune des sols. Avec près de 900 analyses de terre par an, l’OPVT est aux premières loges pour observer l’évolution de la biodiversité des vers de terre. Le chercheur reste très optimiste : « Les viticulteurs, notamment en Champagne, se sont intéressés, dès les années 80, à la biodiversité de leurs sols pour réduire l’intense érosion de leurs terrains en pente, éradiquer durablement des maladies des racines des vignes sans polluer leurs sols de pesticides… L’ensemble de la profession a suivi. Aujourd’hui, l’agronomie n’enseigne plus à nourrir la plante mais à nourrir le sol pour nourrir la plante ».

Des résultats bretons encourageants

« En Bretagne, le nombre de lombriciens réaugmente depuis 2005 ! Avec la couverture permanente des sols pratiquée par les agriculteurs, les sols s’enrichissent de matière organique et les vers de terre se multiplient. Même les espèces de grande taille tel les anéciques stricts (surnommé le Tête Noire) qui sont très sensibles aux produits chimiques refont leur apparition, signe que les agriculteurs ont changé leurs pratiques de manière positive pour les activités biologiques dans les sols ».

Le ver de terre en quelques mots

De quelques centimètres de long jusqu’à près d’un mètre, les vers de terre comptabilisent en France plus d’une centaine d’espèces, aussi différentes d’aspect que de rôle. Dans un même sol, on retrouve entre 4 à 15 espèces différentes, variant en fonction du type de sol, du climat, l’occupation des sols et des pratiques de gestion associées.

Sur les terres émergées européennes, ce sont les animaux qui représentent la biomasse la plus importante. Sur un bel hectare de prairie, on peut en retrouver près de 2 tonnes et aussi 4 tonnes de microbes (bactéries et champignons), soit l’équivalent de 6-7 vaches qui travaillent sans relâche au service de l’humanité !