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© Pascal Xicluna / Min.Agri.Fr

21 décembre 2017 Info +

#EGalim - Le discours d'Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé

Retrouvez l'intégralité du discours d'Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé, prononcé lors de la journée de clôture des États généraux de l'alimentation, ce jeudi 21 décembre à Bercy. Seul le prononcé fait foi.

"« Il est une question qui m'intéresse tout autrement et dont le salut de l'humanité dépend beaucoup plus que de n'importe quelle ancienne subtilité de théologien : c'est la question du régime alimentaire. » J’aime la plume de Frédéric Nietzsche : il a le don de la belle formule, qui fait mouche.

Trop longtemps, nos sociétés, et notre pays en particulier, ont délaissé la question alimentaire.

Durant des siècles, la question qui taraudait les Français était d’accéder à une nourriture suffisante.
Or, depuis un demi-siècle déjà, c’est au contraire le déséquilibre des apports alimentaires et la surabondance qui menacent notre pays.

Vos Etats Généraux de l’Alimentation, à cet égard, sont une franche réussite. Je me réjouis du dialogue constructif que vous avez tissés entre les différents acteurs réunis.

Plus particulièrement, je salue les participants des ateliers 8, 9 et 12. Merci de vous être autant mobilisés, avec talent et efficacité.

1. L’accès à l’alimentation pour tous est non seulement un objectif de santé publique, mais c’est aussi un enjeu de cohésion sociale, tant l’alimentation a trait à l’identité, à la citoyenneté, et au lien social et familial.

Or, je ne suis pas seulement ministre de la santé, mais aussi – et peut-être avant tout, ministre des solidarités.

1.1. A ce titre, j’ai suivi avec intérêt les travaux de l’atelier 12.

Vous avez identifié avec pertinence les pistes en vue d’une alimentation satisfaisante pour tous.

Au-delà de la distribution de denrées, nécessaire pour les Français les plus en difficulté, vos Etats Généraux ont réfléchi à l’accès digne et durable à l’alimentation pour tous.

C’est pourquoi je souhaite que le projet de loi issu de vos Etats généraux reprenne la proposition des membres de l’atelier 12 : inscrire la lutte contre la précarité alimentaire :

non seulement comme axe majeur de la lutte contre la pauvreté et les exclusions,

mais aussi dans le code de l’action sociale et des familles.
L’aide alimentaire, en effet, ne saurait être la seule réponde à la précarité alimentaire.

Nous ne devons pas seulement couvrir les besoins nutritionnels, mais aussi aborder les questions d’identité, de lien social et familial, de culture, de plaisir, et de santé.

Pour autant, intervenir par les textes ne suffira pas. Nous devons aussi :

  • changer le regard sur la lutte contre l’insécurité alimentaire,
  • développer les synergies sur les territoires,
  • faire des personnes concernées des acteurs des projets mis en place,
  • et, avant tout, lutter contre la pauvreté : c’est notre ambition, et j’ai pleine confiance en vous, en nous tous, pour nous en donner les moyens.

1.2. Or, vous le savez, les inégalités sociales et territoriales en matière d’alimentation restent très fortes.

Rappelons que : la moitié des adultes de notre pays est en surpoids, 17% souffrent d’obésité, ce qui représente un coût social de plus de 20 milliards d’euros par an.

Les prévalences de surpoids et d’obésité chez les enfants, elles aussi, demeurent préoccupantes.

Quant au diabète, il touche 5% de la population – et représente un coût annuel de 7,7 milliards d’euros.
Le président de la République et le Premier ministre portent cette priorité, avec une attention particulière, je le disais, pour les publics précaires et les enfants, afin de lutter contre les inégalités sociales :

  • chez les parents ayant un diplôme inférieur au baccalauréat, on compte près d’un quart d’enfants en surpoids,
  • tandis qu’ils sont moins de 10% chez les parents dont le diplôme équivaut au moins à la licence.

Par ailleurs, l’une des deux missions du service sanitaire, pour tous les étudiants en santé, vous le savez, est de déployer à grande échelle d’actions de prévention.

La création du service sanitaire, à laquelle le président de la République s’est engagé, pourra à ce titre répondre à l’éducation alimentaire.

Nous devons, plus généralement, concentrer nos efforts en matière d’information et l’éducation à la nutrition.

A cet égard, l’atelier 9 a identifié deux grands enjeux :

  • d’une part, faciliter l’accès du consommateur à des aliments de bonne qualité nutritionnelle,
  • et, d’autre part, permettre au consommateur de faire de bons choix alimentaires pour sa santé.

C’est pourquoi avez rappelé la nécessité d’agir, en premier lieu, sur l’information et la qualité nutritionnelle des produits alimentaires, par la promotion du « Nutriscore ».

2.1. La force du Nutri-score, c’est d’abord d’être un étiquetage compris de tous.

Il synthétise la valeur nutritive des produits alimentaires, et tient compte des nutriments à limiter, tout comme de ceux à favoriser.

Le Nutri-score permet ainsi d’identifier, pour chaque famille d’aliments, les produits nutritionnellement conseillés.

Il doit répondre à un triple objectif :

  • D’abord, renseigner le consommateur, lors de son acte d’achat, sur la qualité globale des aliments, en rendant plus lisibles, plus synthétiques, les informations nutritionnelles.
  • Ensuite, inciter les industriels à améliorer la qualité de leurs aliments, soit en les reformulant, soit en innovant.
  • Enfin, faciliter, pour le professionnel de santé, le conseil nutritionnel, que ce soit : dans un cadre de prévention, ou de prise en charge d’une pathologie.

De plus, le Nutri-score lutte d’autant mieux contre les inégalités que le montant du panier global d’achat ne s’en trouve pas augmenté.

Pour aller plus loin, il sera adapté, par des recherches de terrain, aux caractéristiques de la restauration collective, ou hors domicile.

2.2. Qui plus est, l’atelier 9 propose de mieux encadrer la publicité alimentaire à la télévision, à la radio, et sur Internet.

En conséquence, les pouvoirs publics inciteront le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) à renforcer la charte sur la publicité alimentaire avec le secteur audiovisuel et à l’étendre à la radio.

2.3. L’éducation alimentaire des plus jeunes sera elle aussi renforcée, comme le propose très justement l’atelier 9, en instaurant un choix dirigé de plats et de menus en restauration scolaire, dans les établissements du secondaire.

2.4. Nous mettrons également l’accent sur l’implication des professionnels de santé – je pense en particulier aux sages-femmes et aux médecins généralistes –, dans la sensibilisation et dans l’information sur la nutrition de la population à l'alimentation saine.

3. Surtout, nous devons insuffler un nouvel élan à notre politique nutritionnelle qui requiert une dimension interministérielle, et intersectorielle.

La stratégie nationale de santé (SNS) que je porte, et qui est en cours de finalisation, doit répondre à cet enjeu :

elle nous appelle à penser notre politique de prévention, en agissant sur les déterminants de santé – et l’alimentation au premier chef.

Hippocrate, au nom de qui j’ai prêté serment, le disait déjà : « que l’alimentation soit ta première médecine ».

3.1. C’est pourquoi, avant la fin du premier semestre 2018, un nouveau programme national nutrition santé (PNNS) sera élaboré.

Fort de vos travaux, il portera en priorité sur les stratégies qui ont fait leurs preuves :

  • pour réduire l’obésité et le surpoids dans la population et les pathologies nutritionnelles,
  • pour lutter contre les inégalités territoriales et sociales dans ce domaine,
  • pour augmenter l’activité physique,
  • pour diminuer la sédentarité à tous les âges,
  • et pour améliorer les pratiques alimentaires et les apports nutritionnels, notamment chez les populations à risque.

3.2. Ce Programme national nutrition santé (PNNS), piloté par mon ministère, devra mieux s’articuler au Programme national de l’alimentation (PNA), piloté par le ministère de l’agriculture et de l’alimentation, pour rendre nos actions plus lisibles, et plus efficaces.

Les objectifs de ces deux plans, parce qu’ils sont complémentaires, se doivent d’être coordonnées, pour plus de convergence.

Je pense en particulier à nos actions :

  • en matière d’éducation à l'alimentation,
  • en matière de lutte contre les inégalités sociales et territoriales d’accès à une alimentation de qualité,
  • en matière d’amélioration de la qualité de l’offre alimentaire – et ce avec le levier de la restauration collective –,
  • et, bien entendu, en matière de sécurité sanitaire des aliments.

3.3. A cet effet, le Comité interministériel pour la santé, rattaché au Premier ministre, devra veiller à cette bonne articulation entre les deux plans, dans le respect des objectifs de la nouvelle stratégie nationale de santé (SNS).

Cette articulation devra aussi prendre en compte les politiques publiques portées par les ministères :

  • des sports,
  • de l'environnement,
  • de l'éducation nationale,
  • de l’économie,
  • et de la recherche.

Quant au Conseil national de l’alimentation (CNA), ce « Parlement de l’alimentation » que vous présidez, cher Guillaume Garot, il contribuera au dialogue permanent avec la société civile.

Sa composition sera élargie aux associations de consommateurs, de protection de l’environnement, ou encore aux experts.

4. Enfin, j’aimerais faire écho à cette préoccupation, qui grandit – et à juste titre – dans l’esprit de nos concitoyens : la sécurité sanitaire des aliments.

Avec la qualité nutritionnelle, c’est l’autre composante, fondamentale, d’une alimentation saine et sûre.

Nous devons mieux prendre en compte les contaminants alimentaires : rappelons que c’est par l’alimentation que quatre cinquièmes des pesticides nous contaminent.

Je pense aussi aux métaux lourds, aux bactéries, aux toxines, et aux perturbateurs endocriniens

Pour ce faire, l’atelier 8 propose trois actions efficaces, dont nous devons nous emparer :

  • D’abord, adopter des critères communs d'identification des perturbateurs endocriniens, et ce dans toutes les réglementations européennes pertinentes, en distinguant les trois catégories : « avérés », « présumés » et « suspectés ».
  • Ensuite, mieux prévenir les crises, en augmentant les moyens des plateformes d'épidémio-surveillance.
  • Enfin, même si les opérateurs sont responsables la sécurité de leurs produits, l’État doit rester garant de la sécurité sanitaire de l'alimentation.

Afin de renforcer la confiance de nos concitoyens dans l’alimentation, il importe de conduire une réflexion dans le cadre de l’action publique 2022 en ce sens.

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Mesdames, Messieurs,

Nous pouvons, toutes et tous, être fiers de ces Etats généraux. Nous avons beaucoup parlé d’actions nationales, mais nous ne devons oublier que l’enjeu alimentaire, plus que jamais, est planétaire.

Lors de ma rencontre avec le commissaire européen à la santé et à la sécurité alimentaire, le 24 novembre dernier, j’ai veillé à promouvoir le Nutri-score au niveau européen.

Déjà, je le rappelle, la démarche du Nutriscore, que le président de la République lui-même avait soutenu lors de la campagne, a été présentée en mai dernier à la Commission européenne et aux Etats membres ; et l’Organisation mondiale de la santé (OMS) elle-même nous a félicités pour notre initiative, qu’elle qualifie ; je la cite, d’ « avancée importante pour la nutrition dans la Région européenne de l’OMS » ; et qui, je la cite encore, « s’ajoute aux autres efforts actuellement déployés dans le pays en vue d’instaurer des environnements alimentaires sains. » Et si l’obésité demeure un sujet de préoccupation, je veux rappeler que sa prévalence en France reste l’une des plus faibles en Europe.

Nous sommes donc sur la bonne voie : depuis plus de 10 ans, le taux d’obésité n’augmente plus dans notre pays.

Enfin, ce centre de conférences qui nous accueille aujourd’hui, ici à Bercy, porte le nom d’un homme d’exception, qui doit nous inspirer. J’aimerais citer ces mots de Pierre Mendès-France qui éclairent ce que doit être notre politique alimentaire. Bien qu’ils fussent écrits l’année de ma naissance, ils n’ont rien perdu de leur pertinence. Je le cite : « La démocratie n’est efficace que si elle existe partout en tout temps. Le citoyen est un homme qui ne laisse pas aux autres le soin de décider de son sort commun. Il n’y a pas de démocratie si le peuple n’est pas composé de véritables citoyens, agissant constamment en tant que tels. »

Je ne doute pas que nos efforts, en vue d’une démocratie sanitaire et alimentaire dignes des enjeux de demain, soient couronnés de succès.

Je vous remercie."

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