Comment réduire l'empreinte plastique des emballages alimentaires ?
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Comment réduire l'empreinte plastique de l’emballage ? Pour Nathalie Gontard, chercheuse à INRAE depuis 2011, la révolution en matière de plastique est bel et bien amorcée. Entretien avec la directrice de recherche du centre INRAE Occitanie-Montpellier, lauréate du prix Défi scientifique des Lauriers de l'Inra en 2017 ainsi que de l’étoile de l’Europe en 2015 et 2020.
Vous vous intéressez aux emballages depuis votre doctorat…
Lorsque je cherchais un sujet de thèse, il n'y avait rien sur les emballages et encore moins sur les biosourcés et biodégradables issus de matières végétales. C'était un vrai no man's land alors que l'impact du plastique sur notre environnement constituait déjà une préoccupation aux quatre coins de la planète. J'ai donc décidé de travailler sur des solutions alternatives. Dans trente ans, il y aura plus de plastique que de poissons dans les océans et surtout nos terres et nos eaux seront contaminées massivement par des micro et des nano-particules de plastique. Partout où nous les cherchons, nous trouvons des particules de plastiques, y compris dans nos corps ! De quoi s’inquiéter et surtout de quoi nous motiver pour changer nos habitudes et nous renouveler dans ce domaine.
Les emballages, c'est une affaire de culture ?
Chaque pays a ses pratiques, j'ai pu l'observer durant mes nombreux voyages. Dans les régions tropicales, en Asie et en Afrique, on utilise traditionnellement des feuilles végétales pour emballer les aliments. J'ai développé des projets pour soutenir ces usages traditionnels et j'ai mené plusieurs études avec le Cirad pour comprendre toutes les fonctionnalités possibles de ces emballages afin de soutenir ces filières traditionnelles qui ne présentent pas les dangers du plastiques. Autre pays, autre culture : le Japon, où les emballages les plus sophistiqués comme les emballages actifs et intelligents sont développés. Il est important de noter que la consommation d’emballages plastiques, et donc la production de déchets, est parfaitement corrélée au PIB d’un pays. Nous sommes donc en première ligne.
Quelles problématiques prenez-vous en compte ?
Le fil conducteur de mon travail est le développement d'une bioéconomie circulaire à objectif zéro déchet, zéro gaspillage et bien sûr zéro plastique. Plus précisément, avec une empreinte en particules plastiques réduite au minimum nécessaire. Avec un bénéfice démontré sur le long terme à la fois sur l’environnement et sur la sécurité alimentaire mondiale. La réduction des déchets commence dès la conception du couple aliment-emballage. Avec mon équipe d'INRAE et de l’Université de Montpellier, nous travaillons sur des matériaux réutilisables, recyclables et biodégradables, issus de ressources non alimentaires (des résidus agricoles). Nous développons des approches intégrées qui prennent en compte toutes les étapes de la chaîne de vie de l’emballage et les acteurs associés à ses étapes, en partant de la matière première et en allant jusqu’à la réintégration par le matériau d’un des grands cycles biogéochimiques qui garantissent la stabilité de nos écosystèmes. Sans oublier la sécurité durant l’usage, le réusage ainsi que les différentes boucles relatives à la gestion des déchets : recyclages et compost. Nous allons jusqu’au développement d’outils d’aide à la décision. Ces outils visent aussi à réduire l’emballage à son strict nécessaire, voire-même de décider de s’en passer si le bénéfice estimé est insuffisant par rapport aux coûts économiques et environnementaux.
Où en est la recherche dans le secteur des emballages écologiques ?
La liste est longue ! Notre priorité est d’atténuer les dangers du plastique conventionnel, surtout ceux liés à son empreinte plastique particulaire persistante. Nous avons mis au point des barquettes alimentaires complètement biodégradables en conditions naturelles, dans le compost de votre jardin par exemple. Elles sont fabriquées à partir de résidus agricoles non utilisés par ailleurs. Nos travaux portent sur la récupération d'effluents (eaux de lavage d'huileries, eaux des industries laitières), des résidus solides (ferments de vigne, pailles, résidus forestiers issus de l'entretien des espaces verts)… Actuellement, nous sommes capables de les fabriquer à l'échelle préindustrielle. Nous travaillons aussi à mieux comprendre leur aptitude à la réutilisation, au recyclage mécanique et à la digestion biologique y compris dans les composts industriels. Et comme les déchets ne connaissent pas de frontière, nous coordonnons des recherches internationales. Après le projet NoAW, nous coordonnons aujourd’hui AgriLoop, tous deux financés par la Commission européenne et par le gouvernement chinois, pour harmoniser nos efforts avec ceux de l’Académie chinoise des sciences agricoles (CAAS) dans le domaine des bio-énergies, des bio-fertilisants, des protéines microbiennes et des bio-plastiques.
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