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10 janvier 2022 Info +

Bernard Angelras : « Il faut continuer à aménager un territoire dans nos appellations »

Hiver doux, gel de printemps, été caniculaire, grêle et inondation… Si les vignerons sont habitués à affronter les aléas climatiques, ces évènements, de plus en plus récurrents, ont modifié le cycle végétatif de la vigne. « À l’horizon 2050, le changement climatique aura modifié à la fois les conditions de production des vins, leurs caractéristiques organoleptiques et leurs marchés », estime Bernard Angelras, président de l’Institut français de la vigne et du vin (IFV). « Il est donc devenu impératif d’adapter nos pratiques culturales ».

Potrait Bernard Angelras
Bernard Angelras

« L’objectif, c’est la survie du végétal dans le temps »

« L’irrigation ne va pas tout régler », prévient-il, soulignant d’ailleurs, qu’en viticulture, on parle plutôt de « compensation de stress hydrique ». « Il ne s’agit pas d’augmenter les rendements mais d’éviter des vinifications difficiles, une maturité des jus en décalage avec la maturité des peaux ». Le raisin peut être riche en sucre et donc en alcool sans être mûr. « Dans certaines régions, il est préférable de modifier l’encépagement avec des variétés plus adaptées au climat ». Faire évoluer les pratiques culturales permet également d’avoir une gestion plus économe de la ressource en eau. Si les « couverts végétaux » sont plébiscités pour leur capacité d'infiltration de l'eau dans le sol, la taille de la vigne réduit, quant à elle, son évaporation. « En limitant la hauteur des feuillages, on limite la transpiration du végétal et donc sa consommation en eau ». Côté cave, des procédés œnologiques permettent de désalcooliser le vin « pour vendanger à une maturité optimale du raisin sans avoir d’excès d’alcool dans le vin ».

Pour Bernard Angelras, également vigneron et président du syndicat de l’appellation des Costières de Nîmes, le changement climatique peut être une opportunité à saisir : « à l’horizon 2050, les cartes de la viticulture mondiale vont être rebattues. Il y a une menace qui pèse sur la capacité de certains pays à maintenir leur niveau de production. Il faudra continuer à innover pour fournir du vin sur ces marchés en développement ». Si l’adaptation des pratiques culturales est indispensable pour « continuer à aménager un territoire dans les appellations, à faire fonctionner économiquement une région », elle doit également accompagner la transition écologique du secteur en réduisant l'usage des produits phytosanitaires et en stockant le carbone dans les sols. « À travers des pratiques comme l’enherbement dans les rangs de vigne et la vitiforesterie, on peut fortement contribuer à l’atténuation du réchauffement climatique. En plus de mettre les papilles en émoi grâce à nos vins, on rend également service à la société en stockant le carbone dans le sol, en le transformant en oxygène », s’enthousiasme Bernard Angelras.

Pour la filière viti-vinicole, le changement est bel et bien une opportunité.

La stratégie d’adaptation de la filière vin au changement climatique

Bourgeonnement plus précoce, maturations décalées et vendanges avancées… La filière viti-vinicole a pris très tôt conscience des changements induits par le réchauffement climatique. Ainsi, dès 2012, INRAE lançait, conjointement avec FranceAgriMer, l'institut Agro (anciennement SupAgro) et l’INAO, le programme LACCAVE pour identifier les différentes stratégies d’adaptation du secteur. Des scénarii ont été élaborés et ont servi de cadre pour l’organisation de forums dans les principales régions viticoles, faisant remonter des propositions du terrain qui ont été à la base du processus de construction de la stratégie nationale d'adaptation pour la filière. Remise cet été au ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation, elle présente quarante actions concrètes qui peuvent être réalisées à court et moyen termes. Les acteurs de la filière se sont positionnés en faveur de l’innovation. « L’innovation va permettre aux appellations et plus largement aux signes de qualité de s’adapter », prévient Bernard Angelras, président de l’Institut français de la vigne et du vin (IFV) et co-auteur de cette stratégie. Porte-greffes résistants au stress hydrique, cépages au bourgeonnement tardif pour éviter le gel du printemps, ces actions concernent aussi la gestion économe de la ressource en eau, la captation du carbone dans le sol ou encore les procédés œnologiques de désalcoolisation et d’acidification.