22 avril 2016 Publication

Valorisation agricole et forestière de l'espace rural

  • Max Magrum
  • Georges-André Morin
  • Michel de Galbert

Les derniers inventaires forestiers montrent que la forêt française occupe 30 % du territoire national, soit près de 16,5 millions d’hectares. En un siècle, elle s’est accrue de 66 %. Le CGAAER a été chargé d'examiner la situation : les régions les plus concernées, les types de forêt, les essences, les volumes de bois produits

Travaux d'éclaircissement dans un bois de la Pierre sanglante à Grâne - Ardèche - ©Pascal Xicluna/Min.Agri.Fr

Rapport de mission d’évaluation n°14064 CGAAER

Décembre 2015

Mots clés : Surface boisée, extension forestière, ressource bois, statistiques Daubrée, IGN/IFN, production forestière, mobilisation des bois

Enjeux

Aujourd’hui, l’ensemble des acteurs de la filière forêt-bois s’accorde sur son caractère stratégique pour la France : intérêts économiques, sociaux et environnementaux, mais aussi rôle important dans la lutte contre le changement climatique. Il faut cependant que la forêt soit bien gérée, que les bois soient mobilisés et qu’ils soient valorisés par les industriels.

De fait, depuis un siècle, les prélèvements ont augmenté de 66 %, comme la surface des forêts françaises, mais ils ne dépassent pas 50 % de la production biologique annuelle de la forêt française, chiffre qui n'en permet pas une gestion durable.

L'écart entre cette production biologique et le volume de bois récolté fait apparaître un volume théorique de l’ordre de 40 millions de m3 disponibles, qui pourrait, chaque année, être mobilisé pour développer nos industries de transformation et renforcer la contribution des forêts à la lutte contre le changement climatique.

Méthodologie

La mission était composée de trois membres du CGAAER : Michel de Galbert, Max Magrum et Georges-André Morin.

Elle a exploité la « Statistique Daubrée » de 1912.

Pour chaque département, elle s’est attachée à collationner les surfaces boisées par type de propriété, les taux de boisement, les modes de traitement des forêts, la production de bois selon les qualités bois d’œuvre/bois de feu, la répartition du nombre de propriétés par classe de surface.

Elle a confronté ces données « Daubrée » aux données contemporaines de l’IGN/IFN.

Pour ce faire, elle a dû opérer un certain nombre de corrections telles que l’intégration de l’Alsace Moselle qui ne figurait pas dans la « statistique Daubrée ».

Elle a par ailleurs dû comparer ce que recouvrait le mot forêt au sens « Daubrée », qui incluait des terrains improductifs, et celui que lui donne l’IGN/IFN et qui repose sur la présence effective d’arbres.

Résumé

Les 6,5 millions d’hectares d’augmentation des surfaces forestières durant le dernier siècle, résultent d’une évolution duale des forêts françaises : une forêt « gérée » d'une part, une forêt « subie » d'autre part.

La forêt « gérée » appartient à l’État, aux collectivités et à certains particuliers. Elle a bénéficié d’une protection efficace maintenant l’affectation forestière des sols. En développant la conversion des taillis ou taillis sous futaie en futaie, les forestiers ont permis de maximiser la production de bois d’œuvre. La surface en futaie a été multipliée par 2,5 en un siècle, passant de 3,4 à 8,5 millions d’hectares. Elle représente aujourd’hui 55 % des surfaces forestières contre 34 % il y a cent ans.

Grâce au FFN (Fonds forestier national), des terrains agricoles jugés improductifs ont été reboisés, majoritairement en essences résineuses. La proportion feuillus/résineux est très stable sur un siècle (74 %/26 % en 1912 et 72 %/28 % aujourd’hui). Les programmes de travaux de restauration des terrains de montagne (RTM) ont été poursuivis.

Pour les forêts des particuliers correspondant à cette forêt « gérée », on note une concentration de leurs structures foncières, contrairement au préjugé du morcellement

La forêt « subie » couvre environ 5 millions d’hectares. Elle constitue ainsi l’essentiel des extensions forestières et se situe dans les forêts des particuliers, sous forme d’accrues spontanées, souvent conséquence de la déprise agricole sur un parcellaire préalablement morcelé. Sur ces surfaces, les pouvoirs publics ne disposent pas ou ne mettent pas en œuvre d’outils adaptés qui en permettraient la prise en compte et la gestion.

L’analyse par zones géographiques permet une première approche de la localisation de la ressource bois disponible immédiatement. Quatre zones, dont les trois premières correspondent à celles où le FFN est principalement intervenu :

- Le nord du Massif Central (Corrèze, Creuse, Puy-de-Dôme, Loire) constitue une des zones les plus productives de France (8,2 à 9,1 m3/ha/an). L’écart entre production et prélèvement est de l’ordre de 3 millions de m3 par an.

- Le sud du Massif Central (Tarn, Aveyron, Lozère, Ardèche), malgré une productivité forestière plus faible, comprise entre 3,8 et 6,5 m3/ha/an, présente un écart entre production et prélèvement de plus de 3 millions de m3 par an.

- La Franche Comté et les deux départements bourguignons la jouxtant (Côte d’Or et Saône et Loire) constituent une zone d’intervention du FFN où encore plus de 3 millions de m3 par an sont disponibles.

- La Bretagne où, depuis 70 ans, 100 000 hectares de forêts résineuses productives ont été créés, offre une ressource globale de l’ordre du million de m3, jusqu’alors peu exploitée, sauf en Ille-et-Vilaine.

Au total, 10 millions de m3 de bois, majoritairement résineux, pourraient être immédiatement mobilisés et permettre de couvrir le déficit commercial de la France pour les sciages.

Pour accompagner cette mobilisation supplémentaire de bois, la mission a formulé une douzaine de recommandations qui visent à affiner la connaissance de la ressource forestière, à améliorer la perception de la gestion forestière par le grand public et à renforcer l’enseignement forestier.

La gestion de l’interface agriculture-forêt devrait impliquer l’utilisation d’outils juridiques existants à compléter ou à adapter.

Enfin, malgré la loi du 22 mai 1971, les structures de gestion des forêts communales (plus de 16 000 entités) restent inchangées. Ce point est cause de surcoûts importants pour l’ONF. Il mériterait une évolution, comme cela a été souligné dans le rapport CGAAER/ CGEDD/IGF relatif à la mise en œuvre du régime forestier par l’ONF dans les forêts des collectivités.


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