Pérennisation des pratiques agropastorales extensives sur le territoire UNESCO des Causses et des Cévennes
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Le CGAAER a été chargé d'examiner les moyens de pérenniser les pratiques agropastorales extensives qui ont façonné le territoire des Causses et Cévennes inscrit sur la liste du patrimoine de l'humanité de l'UNESCO depuis 2011
Rapport de mission d'expertise n°15103 CGAAER
Mai 2016
Mots clés : Agropastoralisme, Causses, Cévennes, UNESCO, montagne méditerranéenne, élevage extensif, milieux ouverts, transhumance, sylvopastoralisme
Enjeux
L'Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) a inscrit Les Causses et les Cévennes, paysage culturel de l'agropastoralisme méditerranéen, sur la liste du patrimoine mondial de l'humanité en juin 2011.
Ce territoire s'étend sur 600 000 ha (zone inscrite et zone tampon). Il réunit deux grands types de paysages, les plateaux calcaires des Causses et la montagne siliceuse des Cévennes. La valorisation de ces terres à faible productivité est, de longue date, assurée par le pastoralisme, principalement par la brebis.
La forêt ne cesse d'y progresser. Elle couvre aujourd'hui 74 % des Cévennes (contre 15 % en 1850) et 42 % des Causses (soit deux fois plus qu'il y a quarante ans).
La surface agricole utile a baissé de 8 % depuis le début de ce siècle. Elle n'occupe plus qu'un tiers de la surface du territoire alors qu'elle en représentait les trois quarts il y a un siècle.
Le revenu moyen des agriculteurs est bas, avec une production brute standard à 50 % de la moyenne française, et dépend majoritairement des aides agricoles.
Pour répondre à la demande des transformateurs de lait de brebis, pour rentabiliser les investissements en bergerie ou en salle de traite et pour réduire les temps de travail, la production de lait de brebis a tendance à s'intensifier, provoquant une plus faible utilisation des parcours agropastoraux. L'arrivée du loup et les dégâts à la fois réels et psychologiques qu’il cause, ajoutent à l'inquiétude et accentuent cette tendance.
Dans ce contexte, le CGAAER a été chargé d'examiner à quelles conditions et avec quelle gouvernance, il est envisageable de pérenniser les pratiques agropastorales extensives qui ont façonné ce vaste territoire et qui lui ont valu cette reconnaissance internationale.
Méthodologie
La mission était composée de deux membres du CGAAER. Elle s'est déroulée de novembre 2015 à mars 2016.
Elle a rencontré une soixantaine d'interlocuteurs représentants de l'État, d'organismes gestionnaires d'espaces (Parc national des Cévennes, Parc naturel régional des Grands Causses, CPIE des Causses méridionaux, Grand site de Navacelles), de collectivités locales, de chambres d'agriculture et de centres de formation et de recherche. Elle a aussi rencontré des bergers et, bien sûr, les responsables des organes en charge du Bien UNESCO : le préfet coordonnateur, la présidente et directrice de l'Entente interdépartementale des Causses et des Cévennes, le président de l'Association de valorisation de l'Espace Causses et Cévennes (AVECC) à l'origine de l'inscription du site et le président du conseil scientifique.
Résumé
A la question relative à la possibilité de maintenir l'agropastoralisme extensif méditerranéen, la mission répond par l'affirmative. Mais à la condition que tous les acteurs concernés, les politiques publiques, les réglementations et les projets soient véritablement focalisés sur le maintien de l'agropastoralisme et de l'ouverture des milieux. Autrement dit, il ne faut pas « courir plusieurs lièvres à la fois » : une politique publique a été choisie ; il faut qu'une pleine priorité lui soit accordée ; il faut que tout soit évalué à l'aune du pastoralisme.
En premier lieu, il importe que l'extension de la forêt soit contenue. Dans ce but, la mission propose que la réglementation du défrichement soit assouplie dès lors que l'équilibre durable d'une exploitation agricole est en cause. De même, elle recommande que l'implantation du loup soit empêchée et que, pour cela, l'ensemble des possibilités réglementaires de régulation soient activées voire élargies.
Les aides financières apportées par la politique agricole commune, essentielles à la constitution du revenu des ménages agricoles, doivent être maintenues dans la durée avec une attention particulière aux plus petites structures, plus attentive au maintien des espaces ouverts. Une aide technique doit être apportée aux éleveurs sous la forme de diagnostics pastoraux économiques et écologiques. A cet égard, la mission recommande d'installer un service dédié au pastoralisme à la chambre régionale d'agriculture.
La mission présente également différentes mesures de soutien en matière de valorisation des produits, d'appui aux filières, de diversification des activités, de structuration d'une offre touristique professionnelle et d'inscription de l'agropastoralisme dans les documents d'urbanisme.
Enfin, des travaux de recherche doivent être menés à la fois sur les milieux, sur les animaux et sur les pratiques pastorales. A partir de l'initiative UMT Pasto, le Bien UNESCO doit être ainsi un catalyseur de recherche au profit de l'agropastoralisme sur le bassin méditerranéen.
En matière de gouvernance et face à l'abondance de structures et d'acteurs qui interviennent, la mission en appelle à une simplification basée sur la subsidiarité et la cohérence. Ayant constaté que les opérateurs gestionnaires du territoire partagent tous l'objectif de conforter l'agropastoralisme, elle recommande que l'équipe technique de l'Entente interdépartementale reste une petite cellule chargée de l'animation, du pilotage et de la coordination de l'action, qu'elle s'appuie sur un comité des directeurs des organismes gestionnaires et qu'elle leur confie l'essentiel de la réalisation du plan d'action.
La mission recommande également d'ouvrir l'Entente interdépartementale à la région et aux villes-portes, d'organiser l'AVECC comme le lieu du débat public et de l'implication citoyenne, de structurer et faire vivre le Pôle de compétence des services de l'État pour qu'il soit véritablement le lieu où se bâtit la position unique et solidaire de l'État, et, enfin, de resserrer la composition de la Conférence territoriale présidée par le préfet coordonnateur, pour en faire l'instance supérieure de décision stratégique du Bien UNESCO.