26 novembre 2020 Publication

La sécurité dans les laboratoires de recherche sur les prions infectieux

  • Laurent Bonneau
  • Olivier Lapôtre

Une mission interministérielle conduite par le CGAAER et l’IGESR a été chargée de procéder à une évaluation des plans de maîtrise de la sécurité dans les laboratoires de recherche travaillant actuellement sur les prions.

Xavier Remongin / agriculture.gouv.fr

Rapport de mission interministérielle d’expertise n° 19081

Octobre 2020

Mots-clés : prion, recherche, sécurité, prévention, laboratoire

Enjeux

La mission s’inscrit dans le contexte du décès, le 17 juin 2019, d’une technicienne de recherche, dû au variant de la maladie de Creutzfeldt-Jakob (vMCJ). Celle-ci travaillait dans un laboratoire de recherche consacré aux prions infectieux.

Ce décès a pu résulter d’une exposition à des protéines prions lors d’une piqûre survenue au cours d’une manipulation en 2010 et qui a entraîné un contact parentéral avec du matériel contaminé.

Si la recherche sur les prions génère un risque professionnel pour les personnels de ces laboratoires, elle relève d’un réel enjeu de santé publique.
Cette recherche a pour but de mieux connaître les différentes pathogénies afférentes aux encéphalopathies spongiformes transmissibles (maladies de Creutzfeldt-Jakob, de la « vache folle », tremblante ovine…), de mieux évaluer la notion de barrière d’espèce et d’envisager des modalités de traitement et de prévention de maladies jusqu’alors incurables.
Les incertitudes sur les modalités de décontamination, l’éventualité d’une nouvelle vague de vMCJ, comme le développement d’une nouvelle forme de maladie à prions touchant les cervidés sauvages en Europe, renforcent l’intérêt de ces recherches.
Enfin, l’hypothèse d’une transmission interhumaine de protéinopathies liées à des protéines dites « prion-like » ou « propagons » est posée pour d’autres maladies neurodégénératives comme la maladie d’Alzheimer ou la maladie de Parkinson.

Quoique circonscrits à une petite communauté scientifique constituée, en France, de neuf équipes de recherche et d’une centaine d’agents, les travaux et l’expertise sur les prions constituent aussi un enjeu important de recherche.

Dans ce contexte, une mission interministérielle IGÉSR-CGAAER a été chargée d’étudier les mesures de sécurité prévues et mises en œuvre dans l’ensemble des laboratoires de recherche sur les prions.

Méthodologie

Après un recensement des laboratoires concernés, la mission a procédé à leur visite (ou à l’audition des équipes en visioconférence en raison de la crise sanitaire du SARS-COV2) et à la consultation des documents réglementaires.

Elle a également conduit des entretiens avec les représentants des directions d’administration centrale des ministères de la recherche et de l’agriculture, des établissements et organismes de recherche nationaux tutelles des unités de recherche concernées, et des agences nationales ou instituts traitant de la prévention et de la sécurité entre octobre 2019 et juillet 2020.

Résumé

La mission a constaté :

  • un cadre réglementaire complexe induisant une évaluation fine et adaptée du risque ;
  • un contexte d’incertitudes scientifiques pesant sur les conditions de prévention et de sécurité ;
  • une accidentologie faible mais l’obligation de tendre vers le zéro accident compte tenu de la possibilité de transmission et de l’absence de traitement.

La mission a également observé :

  • une conformité réglementaire globale au regard des pièces fournies, mais susceptible d’être améliorée ;
  • un accompagnement effectif des équipes de recherche par leurs tutelles en matière de sécurité, mais ne prenant pas en compte les spécificités du risque prion ;
  • l’importance accordée à la formation des agents, mais dans un cadre peu formalisé ;
  • un suivi médical professionnel insatisfaisant, une conduite à tenir en cas d’accident non encadrée au plan national et des risques psychosociaux peu pris en compte ;
  • une conformité globale des locaux et équipements ;
  • des activités et manipulations pour lesquelles une harmonisation des pratiques reste à engager à des fins de sécurité renforcée ;
  • une vigilance réelle des équipes sur les procédés de décontamination spécifiques aux prions, mais un cadre de prise en compte du risque perfectible ;
  • une gestion et une élimination satisfaisantes des déchets contaminés, mais une traçabilité à renforcer.

En conséquence, la mission a recommandé :

  • d’identifier ou organiser un dispositif interministériel de suivi des enjeux de recherche, de santé publique et de sécurité traitant des prions et, éventuellement, des prion-like ;
  • de clarifier le cadre réglementaire par une instruction interministérielle relative aux mesures de sécurité dans les laboratoires manipulant des prions et des prion-like ;
  • de renforcer le contrôle des activités de recherche par une instruction ministérielle aux organismes de recherche et établissements d’enseignement supérieur et de recherche ;
  • de créer un suivi réglementaire post-exposition et post-professionnel pour les agents exposés aux prions et prion-like ;
  • d’harmoniser les mesures de prévention et de sécurité par un guide de bonnes pratiques à établir sous douze mois ;
  • d’engager un programme de recherche inter-organismes et établissements concernant les voies et modalités de contamination et de dissémination dans l’organisme ainsi que les mesures prophylactiques adaptées en cas de contact avec des prions et des prion-like ;
  • d’élargir les missions du Centre national de référence (CNR) sur les agents transmissibles non conventionnels (ATNC) à l’expertise en matière de sécurité et de prévention des contaminations professionnelles accidentelles.

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