Les 50 pas géométriques naturels des outre-mer : préservation de la biodiversité et maîtrise foncière
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Le CGAAER et le CGEDD ont été chargés d'une mission d'évaluation de la préservation de la biodiversité et de la maîtrise foncière sur la bande littorale des 50 pas géométriques dans les cinq départements d'outre-mer
Rapport de mission interministérielle d'évaluation n°14122 CGAAER - CGEDD
Novembre 2015
Mots clés : Outre-mer, DOM, 50 pas géométriques, bande littorale, biodiversité, maîtrise foncière
Enjeux
Les « 50 pas géométriques » sont une bande littorale de 81,20 m, propriété de l’État inaliénable et imprescriptible, constituée outre-mer dès le XVIIème siècle. Dans les cinq DOM, malgré de fortes pressions d’usage, la plus grande part de cette bande est restée à l'état naturel. Face à des enjeux forts (accès au littoral, biodiversité, paysage, risques naturels...) et à un engagement encore faible des collectivités, l’État et ses établissements publics jouent un rôle essentiel.
Cependant, la qualité de l’action publique sur cette bande littorale est obérée par la façon dont s’est faite l’attribution de sa gestion, selon l'époque, tantôt la constitution d’une forêt domaniale du littoral (FDL) gérée par l'ONF, tantôt la remise au Conservatoire du littoral (CDL) - pour la gestion desquels l'ONF intervient dans le cadre d'une mission d'intérêt général (MIG). Il en résulte un cadre de gestion confus.
Le CGAAER et le CGEDD ont été chargés d'évaluer la préservation de la biodiversité et la maîtrise foncière sur cette bande littorale des 50 pas géométriques dans les cinq départements d'outre-mer.
Méthodologie
Diligentée par les trois ministères concernés, respectivement en charge de l'écologie, de l'agriculture et de l'outre-mer, la mission composée de Denis Clément (CGEDD) et de Georges-André Morin (CGAAER), s’est déroulée en trois temps :
- Rencontres au niveau national avec les services des trois ministères commanditaires, le CDL, l’ONF et la mission de préfiguration de l’Agence française pour la biodiversité (AFB) ; consultations et recherches documentaires ;
- Visites de terrain aux Antilles, en Guyane, à La Réunion et à Mayotte ;
- Nouvelles rencontres au niveau national.
Résumé
Les 50 pas relèvent de textes juridiques multiples. Dans les DOM, ils se substituent de fait à la « bande des 100 m » de la loi littorale en métropole. Leur délimitation est définitive et ne suit pas l'évolution du trait de côte.
La répartition des pas géométriques naturels entre l'ONF et le CDL dans trois DOM sur les cinq (Guadeloupe, Martinique et, dans une moindre mesure, Réunion) ne répond à aucune logique de gestion, d’autant que, contrairement à certaines idées en cours, la quasi-totalité des pas géométriques remis au CDL peut relever du régime forestier. Cette incohérence est aggravée du fait de la contiguïté avec d’autres terrains acquis par le CDL, ainsi qu'avec les mangroves, affectées au CDL et relevant explicitement du régime forestier.
Cet éclatement complique et renchérit la gestion (modalités juridiques et financières distinctes, déplacements, procédures de verbalisation différentes, nécessité permanente de concertation…). Il induit une situation administrative complexe pour l’État lui-même et ses deux établissements publics, mais aussi pour les collectivités et pour les usagers. Il suscite de l'incompréhension et n'est pas favorable à l'image de l’État. N’étant que la traduction de pratiques administratives successives, son maintien ne se justifie plus aujourd’hui.
C'est la Guadeloupe qui présente la situation la plus caractéristique du problème à traiter. La Martinique connaît, malgré une prépondérance de la FDL, un nombre croissant de difficultés de cohérence entre territoires (CDL et FDL). La Guyane ne compte pratiquement plus de pas géométriques délimités. La Réunion a vu aliéner une partie importante de ses pas géométriques naturels, alors que Mayotte dispose de surfaces importantes de 50 pas naturels.
La principale recommandation est de revenir aux missions fondamentales de chaque établissement : le foncier au CDL et la gestion à l'ONF dans le cadre du régime forestier. Cette recommandation est convergente avec les conclusions du rapport de la délégation sénatoriale à l'outre-mer de juin 2015, et celles du
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Ce nouveau dispositif conduit à des économies globales en termes de dépense publique et à une répartition des tâches entre l’ONF et le CDL qui doit bénéficier à chaque établissement. Un tel dispositif facilitera un engagement croissant des collectivités dans la gestion des sites et l’implication d’autres partenaires (parc national, parc naturel régional, future délégation territoriale de l’Agence française pour la biodiversité et aussi Union européenne...). La mission d’intérêt général (MIG) pourra être redéfinie sur de nouveaux contours.
Le cas de Saint-Martin devenue collectivité d’outre-mer montre que l’affectation de l’ensemble des pas géométriques au CDL permet une protection forte et durable.
Les autres recommandations portent sur :
- la poursuite des affectations au CDL des pas géométriques restant sous responsabilité des Directions de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DEAL) et le remplacement des « remises en gestion » antérieurement faites au CDL par des affectations,
- la mise en place de regroupements fonctionnels d’équipes en matière de gestion des espaces naturels,
- l’extension du commissionnement des agents chargés de surveillance et la concentration de moyens de l’État sur ces missions.
Enfin, il est suggéré qu’une réflexion soit engagée sur le maintien d’une protection de la bande littorale malgré l’érosion des pas géométriques liée au recul du trait de côte.