30 juin 2014 Info +

Impacts des aléas climatiques en élevages bovin et ovin allaitants et demande de couverture assurantielle

Claire Mosnier [1], Simon Fourdin [2], Jean-Christophe Moreau [3], Anaïs Boutry [4], Émilie Le Floch [5], Michel Lherm [6], Jean Devun [7]

Résumé

Améliorer les capacités d’adaptation des élevages aux aléas climatiques et développer des outils d’assurance couvrant la production des prairies contre ces risques constituent un enjeu majeur dans une perspective de transition du régime public des calamités agricoles vers les assurances privées. S’appuyant sur l’analyse d’un large panel de données d’exploitations « allaitantes » sur la période 2000-2009, cette étude a pour premier objectif de quantifier la sensibilité des résultats économiques des exploitations aux aléas climatiques et d’identifier les leviers techniques mobilisés par les producteurs pour leur faire face. À partir d’enquêtes réalisées dans différentes régions, son second objectif est de mieux cerner les visions que les éleveurs ont des aléas climatiques, leurs façons de gérer ce risque ainsi que leurs motivations à souscrire une assurance « prairie ».

Mots clés

Risque climatique, élevage bovin, sensibilité aux aléas, adaptation, assurance

Le texte ci-après ne représente pas nécessairement les positions officielles du ministère de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt. Il n’engage que ses auteurs.

Introduction

L’élevage allaitant repose généralement sur des systèmes fourragers où l’herbe constitue la principale ressource alimentaire du troupeau (Sinclair et Agabriel, 1998). Cette production herbagère est très sensible aux aléas climatiques et notamment aux épisodes de sécheresse qui, en rendant insuffisantes les ressources disponibles pour le troupeau, peuvent accroître la fragilité économique des élevages (Ruget et al., 2006 ; Boyer, 2008).

L’État dispose, à travers le dispositif d’indemnisation publique ex post des calamités agricoles, d’un instrument pour aider les éleveurs à faire face à ces aléas climatiques. Cependant, la France a envisagé à partir de 2002, à l’image de l’Espagne ou des États-Unis, de favoriser une prise de relais par les assurances privées (Babusiaux, 2000 ; Mortemousque, 2007 ; Mission IGF/CGAAER, 2009). L’État a ainsi soutenu à partir de 2005 le développement d’une assurance des récoltes contre les risques climatiques.

L’intégration des prairies – pour lesquelles il n’existe pas à ce jour de produit d’assurance commercialisé – dans un tel dispositif est un enjeu majeur de cette transition. Elles représentaient en effet 45 %du montant des indemnisations du Fonds National de Gestion des Risques en Agriculture (FNGRA) (Babusiaux, 2000). Mais la production herbagère présente des particularités qui sont autant d’obstacles à surmonter pour développer une assurance multirisque climatique adaptée : estimation délicate des pertes en raison d’une production multiforme (pâture, fauche) essentiellement autoconsommée, forte corrélation des risques individuels [8] , gestion des surfaces herbagères et du troupeau pouvant aggraver ou atténuer l’impact des aléas climatiques (Boyer, 2008 ; Marchand et Rish, 2007), risques de dégradations du couvert prairial dont les conséquences peuvent se faire sentir sur plusieurs années, notamment en montagne (Alard et Balent, 2007).

Les éleveurs disposent de différentes options pour prévenir les risques et ajuster leurs choix de production aux conditions saisonnières. Cette gestion individuelle du risque doit être prise en compte dans la définition des offres d’assurance et par les éleveurs afin qu’ils choisissent la part de risque qu’ils sont prêts à supporter, et celle qu’ils souhaitent mutualiser ou déléguer (Mosnier et al., 2009). Afin de mieux cerner les modalités en la matière, les compagnies d’assurance et les pouvoirs publics doivent pouvoir estimer les impacts que peuvent avoir les aléas climatiques sur les résultats techniques et économiques des élevages allaitants et leur capacité à faire face à ces perturbations (Mosnier et al., 2009 ; Dedieu et Ingrand, 2010).

Bien qu’il existe des travaux portant essentiellement sur l’estimation de l’impact économique des aléas climatiques sur des élevages bovin allaitant du bassin charolais, à partir d’observations en fermes (Veysset et al., 2007 ; Mosnier et al., 2010), aucune analyse quanti¬tative n’a été réalisée à l’échelle de la France pour les productions de bovins et d’ovins allaitants. Ces travaux n’ont, par ailleurs, pas cherché à mettre en évidence les seuils à partir desquels les aléas ont un impact important sur les variables technico-économiques, et n’ont abordé que quelques leviers d’ajustement mobilisés par les éleveurs. Des analyses complémentaires sont donc nécessaires pour préciser la sensibilité des exploitations aux aléas climatiques sur des échantillons plus larges et plus divers sur le plan des productions et des contextes régionaux.

La première partie de cet article analyse ainsi la situation des exploitations bovines et ovines allaitantes dans les principaux bassins de production français face aux aléas climatiques. Les objectifs de ces travaux, qui portent sur la période 2000-2009, sont d’évaluer, selon l’intensité des aléas climatiques, l’impact sur les résultats des élevages ainsi que les leviers d’ajustement mobilisés par les éleveurs, et, enfin, de mettre en évidence les déterminants de la sensibilité des systèmes aux aléas climatiques.

Par ailleurs, si les inquiétudes des éleveurs à l’égard des aléas climatiques sont aujourd’hui croissantes, leur intérêt pour des assurances individuelles dans ce domaine, leurs connaissances des dispositifs de financement et leur consentement potentiel à souscrire des assurances, sur la production d’herbe, sont peu connus et méritent analyse. La deuxième partie s’appuie donc sur des enquêtes auprès d’éleveurs, qui se sont déroulées de mars à juillet 2011, dans un contexte climatique marqué notamment par une sécheresse précoce (fort déficit pluviométrique d’avril à mi-juin). Les objectifs sont d’évaluer l’intérêt des éleveurs allaitants pour un dispositif d’assurance multirisques climatique pour prairies, en sondant leurs perceptions du risque climatique et leurs stratégies d’adaptation, et d’identifier leurs freins et motivations vis-à-vis d’une assurance « prairie » afin d’en dégager des éléments de réflexion.

1. Impacts des aléas climatiques en élevage allaitant et leviers d’ajustement mobilisés par les éleveurs pour limiter les risques

1.1. Matériel et méthodes

1.1.1. Données sources et description de l’échantillon

Afin de caractériser les difficultés rencontrées sur les exploitations lors des sécheresses, et de les mettre en regard de la problématique des assurances, les données issues des Réseaux d’Élevage pour le Conseil et la Prospective [9] ont semblé particulièrement intéressantes. Elles permettent en effet de cerner une diversité de situations, en termes de caractéristiques des systèmes de production, des systèmes fourragers, et de contextes géographiques et climatiques. Il ne s’agit nullement ici de fournir des estimations d’impact à l’échelle nationale ou de régions, objectif différent qui aurait nécessité de mobiliser d’autres sources afin de pondérer le poids relatif des différentes situations.

Collectées dans le cadre d’un suivi pluriannuel détaillé d’exploitations réparties sur l’ensemble du territoire national, les données portent sur la période 2000-2009 pour les exploitations bovines et sur la période 2002-2009 pour les exploitations ovines. Seules les exploitations présentes cinq années consécutives ont été retenues pour que, par exploitation, les valeurs moyennes des différents critères et leurs variations interannuelles soient mieux estimées. 53 variables ont été sélectionnées. Ainsi, les indicateurs de production fourragère comprennent les rendements des prairies en première coupe et deuxième coupe (ensilage, enrubannage, foin et tous modes de récolte confondus), le rendement du maïs ensilage, les quantités d’herbe et de fourrages récoltées. Les indicateurs de surfaces agricoles concernent l’assolement et plus particulièrement la part des surfaces en maïs ou en céréales ensilées, la part de cultures dérobées implantées sur la SAU, l’utilisation des surfaces pastorales (parcours hors SAU). L’utilisation finale des prairies est appréciée notamment par la part des surfaces pâturées ou récoltées et le mode de récolte. Les charges d’engrais et de semences de l’année permettent de déceler des changements au niveau de la conduite des surfaces en herbe, comme par exemple l’augmentation de la fertilisation pour augmenter le potentiel de rendement et ainsi reconstituer les stocks. Les charges de semences permettent également de voir si plus de cultures de substitution sont semées et, quand le détail des charges des différentes semences est connu, de savoir si des prairies dégradées sont ressemées massivement.

Les sources d’aliments utilisées sont appréciées par les variations de stocks d’herbe et de fourrages (pour l’année en cours et l’année suivante), les quantités de concentrés consommées par UGB, les quantités de fourrages et de pailles achetées et vendues dans l’année. Au niveau du troupeau, les performances sont appréciées par des indicateurs portant sur la production de viande (poids moyens des différentes catégories en kg vif ou en kg de carcasse, quantité de viande vive produite par UGB, part d’animaux gras dans chaque catégorie, etc.) et la reproduction (nombre de mises bas, taux de productivité, etc.). Les résultats économiques sont exprimés par UGB et résumés par le produit brut des herbi¬vores et de la Surface Fourragère Principale (SFP) (hors aides et variations de stock fourrager), les charges opérationnelles des herbivores, les charges opérationnelles de la SFP, la marge brute des herbivores et de la SFP (hors aides et variations de stocks fourragers).

Les aléas climatiques influençant principalement la production fourragère, l’indicateur climatique retenu, indirect, est la quantité d’herbe récoltée par UGB sur l’exploitation considérée. Exprimé par UGB, cet indicateur intègre l’ensemble des récoltes de la campagne fourragère de l’exploitation, exception faite du pâturage. Afin de s’assurer que les pertes de production fourragère soient bien dues à un aléa climatique, et non à des modifications de pratiques ou de structure, les exploitations pour lesquelles une baisse de quantité d’herbe récoltée en première coupe n’était pas consécutive à une diminution du rendement ou résultait d’une réduction des surfaces récoltées, ont été éliminées. Ce filtre n’empêche pas que la baisse de quantité totale d’herbe récoltée soit due à une réduction des quantités récoltées en deuxième coupe.

Six classes de variation des quantités d’herbe récoltée ont été définies. Elles correspondent à des intervalles de variations des quantités d’herbe récoltées par UGB par rapport à la moyenne interannuelle des quantités d’herbe récoltées par UGB : < – 30 % , entre – 30 et – 20 % , entre – 20 et – 10 % , entre – 10 et + 10 % , entre + 10 et + 30 %et > 30 % .

1.1.2. Description de l’échantillon

L’échantillon analysé statistiquement comporte 547 exploitations et 3 460 exploitations-années. Les exploitations sont présentes en moyenne 6,3 années dans l’échantillon. Leur répartition selon les régions fourragères est illustrée (figure 1). Cette répartition, qui est liée aux choix faits par le dispositif « Réseaux d’Élevage », couvre les grandes zones de productions allaitantes.

Les exploitations de l’échantillon étudié sont de dimension supérieure à la moyenne nationale du Réseau d’Information Comptable Agricole (RICA) en 2008 : + 44 %pour la SAU, + 27 %pour les UGB et la main-d’œuvre totale (UMOt). La productivité de la main-d’œuvre est également plus élevée : + 19 %de surface et + 5 %pour les UGB (tableau 1).

La répartition des exploitations-années dans les différentes classes de l’indicateur d’aléa climatique considéré est à peu près normale : centrée sur 0 avec 38 %des effectifs dans la classe [– 10 ; + 10[ et relativement symétrique (figure 2). Notons que 10 %des exploitations-années, soit 336 observations, se retrouvent dans la classe des quantités d’herbe récoltées inférieures à 30 % . La distribution au sein de chaque classe d’aléas selon les productions animales est relativement stable : en moyenne 69 %de bovin viande, 23 %d’ovin viande et 8 %de mixte ovin-bovin.

Toutes les années sont représentées dans les classes d’aléas, mais dans des proportions diverses. Ce sont les années 2003 [10], et à un degré moindre 2005 et 2006, au cours desquelles les quantités d’herbe récoltées, ramenées à l’UGB, ont été le plus souvent très affectées. À l’opposé, les années 2004 et 2007 ont été les plus favorables sur le plan des quantités d’herbe récoltées.

1.1.3. Les analyses réalisées

Afin d’avoir une vision relativement synthétique des principaux indicateurs affectés par les aléas climatiques, le calcul des coefficients de corrélation a d’abord été fait. Lorsque le coefficient de corrélation était significatif au seuil de 1 % , une analyse graphique a été réalisée pour étudier les non-linéarités. Une analyse de variance monofactorielle a permis de calculer le coefficient de détermination (R2) pour estimer la part de la variabilité expliquée par les classes d’aléa climatique (modèle non linéaire). Les tests de comparaison multiple de moyennes (test de Tukey) indiquent si les moyennes sont significativement différentes deux à deux. Afin de repérer les facteurs de variation entre élevages, nous avons comparé les résultats des exploitations en fonction de leur groupe typologique (cf. infra) grâce à un test de Student (avec, en préalable, un test sur l’homogénéité des variances). Ces ana¬lyses se sont focalisées sur la classe d’aléas « < – 30 % ».

1.1.4. Recodage des variables et création de groupes typologiques

Parce qu’il existe une tendance à l’agrandissement des surfaces et des troupeaux au cours de la période étudiée, l’expression des variables par unité structurelle (ha ou UGB) permet de comparer des exploitations de tailles différentes, mais aussi une même exploitation entre années. Cependant, cela ne permet pas de contrôler les différences liées au système de production ou à des évolutions tendancielles des pratiques. Les indicateurs bruts (Y) ont donc été recodés (V_Y) pour enlever la tendance linéaire et l’effet exploitation au moyen d’un Modèle Linéaire Généralisé (GLM) estimé sous SAS (équation 1). L’évolution tendancielle correspond au taux d’accroissement annuel moyen (a) estimé sur l’ensemble de l’échantillon. L’effet exploitation équivaut à la moyenne des observations de chaque exploitation (µi). L’indicateur recodé V_Y correspond en fait au résidu de ce modèle.

L’impact des aléas climatiques sur la gestion des intrants des cultures fourragères et sur les achats et ventes d’aliments peut s’étaler sur deux années (t et t + 1) : une part des conséquences de ces aléas se répercute le plus souvent sur deux exercices comptables ou sur deux campagnes fourragères. Ainsi, pour les variables liées à la consommation d’aliments conservés, à l’achat d’engrais et semences, aux charges opérationnelles et à la marge brute, la somme des V_Y sur l’année t et t + 1 (SV_Y) a été privilégiée. Afin d’éliminer pour partie l’effet « exploitation » et pour faciliter l’interprétation des résultats, l’indicateur d’aléa est exprimé en variation relative par rapport à la moyenne.

Sept typologies des systèmes d’élevage ont été réalisées. L’espèce, bovin vs. ovin, est a priori une source importante d’hétérogénéité quant aux leviers d’ajustement mobilisables (Devun et Legarto, 2011). D’autre part, la présence de cultures de ventes permettrait de limiter les achats extérieurs (Lemaire et al., 2006). Celle de cultures fourragères réduirait la variabilité des quantités de fourrages récoltées (Lemaire et Pfilmlin, 2007). Par ailleurs, la possibilité de varier les modes de récolte peut également donner de la souplesse. Le contexte pédoclimatique influencerait également les possibilités d’ajustement, notamment sur les cultu¬res et le pâturage hivernal (Laignel et Benoit, 2004). Les systèmes avec engraissement des animaux peuvent plus facilement pratiquer des ajustements sur le troupeau (Devun et Perrot, 1994). Enfin, la présence de surfaces pastorales donnerait de la souplesse aux systè¬mes en offrant des surfaces de pâturage de réserve (Pflimlin, 1998), et plus généralement une gestion plus flexible face aux aléas climatiques (Guérin, Moulin, Tchakerian, 2009). Afin de bien différencier les caractéristiques de long terme, les typologies établies sur la base des caractéristiques énumérées ci-dessus ont été « imbriquées ». Les modalités apparaissant comme les plus pertinentes, compte tenu de la répartition des effectifs dans la classe d’aléa « < – 30 % », ont finalement été comparées :

Image retirée. l’espèce : comparaison des élevages bovin viande (nombre d’observations : 217) vs. ovin viande (N = 95) au sein des élevages spécialisés ;

Image retirée. cultures de vente : au sein des élevages en production bovine (N = 136 vs. N = 32) et en production ovine (N = 63 vs. N = 14), comparaison des « exploitations spécialisées » vs. « de polyculture-élevage » (types définis selon la méthode de Perrot (1990), qui consiste à regrouper les exploitations par agrégation, sur la base de coefficients de ressemblance calculés par rapport à des groupes types) ;

Image retirée. cultures fourragères : comparaison des élevages avec (N = 65) ou sans cultures fourragères (N = 71) au sein des élevages spécialisés bovin (peu d’élevages ovin ont des cultures fourragères) ;

Image retirée. modes de récolte : les récoltes première coupe « foin seul » (N = 33) sont comparées à celles incluant l’ensilage (N = 15) (types réalisés d’après Devun et Legarto, 2011) au sein des élevages spécialisés bovin en système fourrager tout herbe ;

Image retirée. engraissement : les ateliers naisseurs (N = 24) sont comparés aux ateliers naisseurs-engraisseurs (N = 22) dans les élevages spécialisés bovin ayant des cultures fourragères ;

Image retirée. contexte pédoclimatique : comparaison des exploitations en plaine (N = 50) vs. en montagne (N = 13) au sein des élevages ovin viande qui se distinguent notamment par les conduites d’élevages (races, stocks fourragers, durée de pâturage, etc.) ;

Image retirée. surfaces pastorales : comparaison des exploitations avec (N = 8) et sans surfaces pastorales (N = 5) au sein des élevages ovin viande en montagne.

1.2. Résultats

1.2.1. Mobilisation moyenne des leviers d’ajustement selon l’intensité des aléas climatiques

Le principal ajustement de l’utilisation des surfaces agricoles concerne l’arbitrage entre surfaces en herbe pâturées et surfaces fauchées (tableau 2). Pour des aléas « < – 30 % », la réduction des surfaces récoltées, toutes coupes confondues, est en moyenne de 8 ares/UGB, soit environ 10 %des surfaces en herbe. Le graphique (figure 3) met en évidence que cet ajustement est relativement proportionnel à l’intensité de l’aléa. La continuité de la mobilisation de ce levier laisse supposer un gaspillage limité lors des années favo¬rables. En valeur relative, ce sont les surfaces récoltées en deuxième coupe qui sont les plus variables (– 40 %pour des pertes de récolte supérieures à 30 % ).

D’autres ajustements reposent sur une augmentation de la part des surfaces en maïs, orientée vers l’ensilage au détriment du grain, et sur davantage de cultures dérobées lorsque l’aléa devient défavorable. Ils sont cependant moins fréquents car non mobilisables sur l’ensemble des exploitations. Ainsi, pour des aléas « < – 30 % », les exploitations de polyculture-élevage bovin récoltent davantage de surface en maïs sous forme d’ensilage (+ 4,7 % ), ce qui n’est pas le cas chez les spécialisés bovin (+ 0,3 % ). Ce levier permet d’atténuer la baisse des quantités totales de fourrages récoltées (pour les bovins : – 364 kg/UGB vs. – 578 kg/UGB chez les spécialisés ; pour les ovins : – 398 kg/UGB vs. – 579 kg/UGB chez les spécialisés). Quant aux cultures fourragères, leur présence permet également de limiter la baisse des quantités de fourrages récoltées et ainsi de sécuriser la constitution des stocks (– 473 kg MS/UGB [11]en élevage bovin viande spécialisé avec cultures fourragères vs. – 674 kg MS/UGB dans les élevages possédant uniquement de l’herbe). De même, les surfaces pastorales constituent un élément d’ajustement mobilisé dans les systèmes ovin spécialisés de montagne, en offrant une extension des surfaces pâturables (la part des UGB utilisant les surfaces pastorales augmente de 30 % ), ce qui permet de limiter les pertes de récolte de fourrage (– 0,6 t MS/UGB de fourrage récolté en présence de surfaces pasto¬rales en montagne vs. – 0,9 t MS/UGB). En moyenne, il n’a pas été mis en évidence d’augmentation de l’utilisation d’engrais ou de semences pour faire face aux aléas.

Les ajustements effectués sur la gestion des stocks alimentaires permettent, en moyenne sur l’ensemble du groupe « < – 30 % », de compenser 140 kg MS/UGB soit 25 %des pertes de quantité de fourrage récoltée par UGB (tableau 3). Les stocks fourragers sont reconstitués l’année suivante (+ 170 kg/UGB). Ce levier est davantage mobilisé dans les élevages bovin viande spécialisés avec cultures fourragères : – 250 kg MS/UGB (vs. 114 kg MS/UGB pour ceux qui n’en ont pas) où il permet de compenser environ 50 %des pertes. Les quantités de fourrages achetées augmentent quant à elles de 104 kg MS/UGB et permettent ainsi de compenser 19 %des pertes. Quant aux achats de paille, ils s’accroissent de 110 kg MS/UGB, ce qui représente quantitativement 20 %des pertes de fourrages (figure 4 et tableau 3). Ces achats de paille et de fourrages sont principalement mobilisés dans les élevages possédant peu de marge de manœuvre au niveau de l’ajustement des surfaces. C’est le cas, par exemple, des élevages ovin spécialisés (+ 95 kg de fourrages/UGB vs.
Image retirée. replace-plus- 3 kg/UGB chez les polyculteurs avec ovins), des élevages ovin de montagne (+ 180 kg de fourrages/UGB vs. + 76 kg/UGB pour les élevages ovin de plaine), ainsi que des élevages bovin spécialisés sans culture fourragère (+ 158 kg de fourrages/UGB vs. + 34 kg/UGB pour les élevages avec cultures fourragères).

La possibilité de récolter sous forme d’ensilage ne diminue pas les pertes de récoltes de fourrage dans notre échantillon. Ceci peut s’expliquer par le fait que les quantités d’herbe récoltées en deuxième coupe, plus fréquentes en système avec fauche précoce, sont particulièrement pénalisées en année de sécheresse.

Pour compléter ce bilan, les aliments concentrés se substituent en partie aux fourrages non disponibles. Pour l’ensemble de l’échantillon, l’augmentation de la consommation de concentré est de 55 kg/UGB pour des pertes d’herbe récoltée supérieures à 30 % . Elle est cependant nettement plus importante pour les systèmes bovin (+ 84 kg/UGB) que pour les systèmes ovin (+ 7kg/UGB). De plus, en se focalisant sur les élevages bovin pour les années 2003-2004 et le groupe quantité d’herbe récoltée « < – 30 % », cette augmentation atteint 153 kg/UGB, valeur proche de l’estimation de 134 kg/UGB faite par Veysset et al. (2007) en élevage bovin allaitant situé dans le bassin charolais, zone fortement touchée par la sécheresse de 2003. La mobilisation de ce levier dépend donc du système, du contexte économique, des caractéristiques de l’aléa climatique et de son étendue géographique.

Au niveau du troupeau, les ajustements effectués sur le nombre, le type et le poids des animaux vendus sont peu mobilisés par les éleveurs de notre échantillon. Quels que soient les systèmes, peu d’indicateurs de performances techniques des troupeaux présentent une corrélation significative avec la variation relative des quantités d’herbe récoltées par UGB. En systèmes bovin viande, seuls le poids vif des vaches maigres et la production de viande bovine par UGB sont corrélés (positivement) avec la quantité d’herbe récoltée par UGB (tableau 4).

Ainsi, une légère baisse de production de viande bovine par UGB est observée lorsque la baisse des quantités d’herbe récoltée est supérieure à 30 %(– 3 kg soit 1 %de la valeur moyenne brute). Cependant, on peut estimer que cette variation de poids correspond à une perte d’état de 0,5 point dans la grille de notation des vaches soit, sur le plan alimentaire, à l’équivalent d’un déficit d’apport d’environ 200 kg de fourrages. Indirectement, c’est un indicateur de l’état moyen du troupeau reproducteur et donc d’ajustement au niveau de sa conduite. En élevage ovin viande, les analyses n’ont pas mis en évidence d’ajustements importants au niveau des performances du troupeau.

1.2.2. Impact des aléas climatiques sur les résultats économiques moyens des exploitations selon leurs caractéristiques

Les résultats de la section précédente mettent en évidence que les éleveurs réagissent aux variations de récolte d’herbe par la mobilisation d’un certain nombre de leviers d’ajustement plus ou moins combinés. Ceci peut expliquer que les résultats économiques soient peu sensibles à des pertes de récolte d’herbe inférieures à 20 % . Cependant, ces leviers ne permettent pas de compenser l’impact des aléas climatiques plus défavorables sur les résultats économiques (figure 6 et tableau 5). Ainsi, une perte supérieure à 30 %d’herbe récoltée par UGB se traduit globalement par une augmentation des charges des herbivores par UGB de 32 € soit + 13 % . Cette augmentation est plus faible que celle mise en évidence par Veysset et al. (2007) dans les exploitations bovin viande en zone charolaise (+ 48 €/UGB sur 2003-2004 par rapport à la moyenne 2000-2005). Cependant, il existe une différence significative entre les élevages en production ovine (+ 19 €/UGB) et ceux en production bovine (+ 37 €/UGB). Au sein des élevages bovin viande, les spécialisés voient leurs charges davantage augmenter (+ 41 €) que celles des polyculteurs-éleveurs (+ 24 €). Enfin, en ciblant les années 2003-2004 au sein de l’échantillon d’élevages bovin viande spécialisés et toujours pour la classe d’aléas « < – 30 % », l’augmentation atteint 63 €/UGB.

Le produit hors aides par UGB baisse quant à lui de 3 %pour des aléas « < – 30 % », ce qui résulte des faibles variations de performances et de la légère baisse des produits de la SFP.

La marge baisse par contre de 18 % [12] pour des pertes supérieures à 30 %et n’augmente pas significativement pour les aléas les plus favorables (> + 30 % ). Ceci s’explique principalement par des achats de paille et fourrages importants les mauvaises années, l’augmentation des surfaces fourragères nécessaires à l’alimentation du troupeau (lorsque les éleveurs ont la possibilité d’orienter certaines cultures comme le maïs vers la vente ou l’alimentation du troupeau) et des ventes de fourrage en quantités moindres, les bonnes années où la priorité est donnée à la reconstitution des stocks. Cette perte de marge brute bovine est en partie compensée par les aides calamité qui couvrent en moyenne 41 %de cette perte de marge. Conformément à ce qui a été mis en évidence par Veysset et al. (2007), ces aides permettent de compenser approximativement les charges opérationnelles supplémentaires. Dans l’échantillon étudié, il n’a pas été mis en évidence de réelles différences de marges brutes selon les types d’exploitation.

Notons que l’impact des aléas climatiques sur les résultats économiques est asymétrique : les années favorables permettent uniquement de reconstituer les stocks. De même, les coefficients de détermination (R2) sont très faibles. Il existe en effet une grande hétérogénéité des réponses économiques aux variations d’herbe récoltée en raison de la variation des contextes économique (prix et aides couplées) et réglementaire au cours de la période étudiée, à laquelle s’ajoute l’hétérogénéité des systèmes de production étudiés, des zones géographiques, etc.

Les objectifs de cette première partie de l’étude étaient d’évaluer les impacts des aléas climatiques sur les résultats des élevages allaitants et les leviers d’ajustement mobilisés par les éleveurs pour y faire face. Ces travaux ont mis en évidence une gestion individuelle du risque climatique, principalement par des ajustements au niveau du système fourrager (ajustement des surfaces récoltées/pâturées, etc.) et de la gestion des stocks alimentaires (variation de stocks fourragers, achats d’aliments, etc.), de façon à maintenir les performances zootechniques (faibles ajustements de la conduite des troupeaux). Les stratégies d’adaptation sont variées et plus ou moins combinées selon les systèmes (présence de cultures de vente, de cultures fourragères etc.), les systèmes allaitants spécialisés et très herbagers apparaissant les plus dépendants des achats extérieurs. Un seuil moyen de résistance aux aléas climatiques se situant autour de 20-30 %de pertes de récolte d’herbe a été mis en évidence. Au-delà d’une baisse de récolte de 30 % , les résultats économiques (mesurés par la marge à l’UGB) sont très significativement affectés. Compte tenu de ces résultats, il est intéressant de connaître les points de vue des exploitants sur un système d’assurance « prairie » s’appuyant sur la compensation des baisses de rendement d’herbe à partir de 30 %de pertes. C’est l’objet de la deuxième partie de cette étude.

2. Aléas climatiques en élevage allaitant, analyse
des besoins en assurance « prairie »

2.1. Méthodologie et description de l’échantillon

Deux types d’enquêtes ont été réalisés pour étudier cette question. Une première étude qualitative (entretiens semi-directifs), auprès d’éleveurs, a eu pour objectifs de repérer la diversité des comportements face aux aléas climatiques et aux possibilités de les assurer, et d’identifier les avis, les freins et les motivations vis-à-vis de la souscription d’une assurance « prairie ». Ces entretiens qualitatifs ont été réalisés entre le 25 mars et le 27 mai, la plupart pendant la période de sécheresse du printemps 2011, ce qui a vraisemblablement influencé le discours des éleveurs. 43 éleveurs (35 en production bovine, 8 en production ovine) ont été interrogés dont 13 en entretien individuel. Les exploitations possédaient entre 45 et 180 vaches allaitantes et entre 500 et 1 700 brebis allaitantes. Les résultats de cette phase qualitative ont permis de construire le questionnaire fermé nécessaire à la réalisation des enquêtes quantitatives qui ont suivi.

Les enquêtes quantitatives (141 entretiens en vis-à-vis) ont cherché à cerner la vision qu’ont les éleveurs des aléas climatiques et leurs façons de gérer ce risque. Puis, après avoir évalué leurs connaissances des dispositifs existants, les préférences des éleveurs vis-à-vis de modalités d’assurances « prairie » ont été testées. Enfin, à partir d’un modèle fictif d’assurance « prairie », s’inspirant du principe d’une assurance climatique multirisques pour culture, leur consentement « spontané » à payer a été approché. Cette approche a été faite à l’aide d’un simulateur et selon les modalités suivantes : l’éleveur assure toute sa surface en prairie, lorsque les rendements baissent d’au moins 30 % , les pertes de fourrages sont indemnisées au prix de 150 e/T MS avec un taux de franchise de 30 % . L’éleveur peut visualiser la variation du rendement annuel de sa région fourragère (simulation ISOP sur la période 1996-2010). Il lui est alors demandé de donner le prix auquel il aurait été prêt à payer cette assurance. L’éleveur découvre ensuite le montant total des indemni¬sations qu’il aurait reçues avec ces modalités d’assurance.

Pour ces enquêtes quantitatives, sept régions d’élevage ont été choisies « à dires d’experts », de façon à réaliser un sondage et couvrir une certaine diversité de contextes pédoclimatiques et de productions allaitantes, sans prétendre donner des résultats à l’échelle nationale. Ce sont : l’Aubrac qui est une zone de montagne humide située en Auvergne ; le Bassigny, zone herbagère du Nord-Est (Champagne-Ardenne) ; le Charollais, bassin herbager de Bourgogne ; la Gâtine qui est une zone avec cultures fourragères de Poitou-Charentes ; le Haut-Limousin, une zone herbagère de moyenne altitude ; le Quercy-Blanc qui est chroniquement sec (Midi-Pyrénées) et la Sous-Pyrénéenne, une zone pastorale de montagne. L’échantillonnage ainsi que le tirage aléatoire des exploitations ont été réalisés par le service Biométrie de l’Institut de l’Élevage, à partir de la Base de Données Nationale de l’Identification qui recense l’ensemble des cheptels. Un tri a été effectué et seules les exploitations professionnelles sans bovins ou ovins laitiers ni caprins ont été retenues. Les enquêtes quantitatives se sont déroulées dans sept petites régions, du 18 au 29 juillet 2011, deux semaines plutôt pluvieuses après un printemps très sec. Au total, 141 exploitations ont été enquêtées et peu d’éleveurs ont refusé les enquêtes. Les caractéristiques moyennes de ces élevages sont rassemblées dans le tableau 6. Parmi les élevages interrogés, 73 %sont spécialisés en production bovine, 12 %en production ovine et 15 %sont des élevages mixtes bovin-ovin. Le statut juridique des exploitations est à 62 %individuel, à 20 %EARL et 18 %sont en Gaec.

Les traitements statistiques ont été réalisés à l’aide du logiciel SPAD. Des tests de Khi2 ont été réalisés dans le but de définir s’il existe des différences significatives entre éleveurs.

2.2. Résultats

2.2.1. Gestion des prairies et des stocks fourragers

L’autonomie fourragère est un objectif majeur pour une grande partie des éleveurs enquêtés. Sur les 141 exploitants de l’enquête quantitative, seulement 11 %d’entre eux déclarent être déficitaires en « fourrages » en année normale, 44 %se disent excédentaires et 4 %en vendent une partie. Le stock de fourrage de sécurité est un levier d’action important pour les éleveurs : en cas d’aléas climatiques, ils le mobilisent et les années de bonne récolte, ils le reconstituent. 79 %des éleveurs interrogés possèdent habituellement un stock de fourrage de sécurité et, pour seulement 16 %d’entre eux, ce stock est inférieur à 1 mois (figure 6). À « dires d’experts » et au vu de l’analyse quantitative de la partie 1, le pourcentage de 52 %des éleveurs ayant un stock de sécurité de 1 à 3 mois (soit 20 %à 50 %de la consommation hivernale) paraît élevé. Cette modalité aurait mérité d’être subdivisée pour avoir plus de précisions. Concernant la paille, 9 %des élevages se déclarent excédentaires. La moitié des élevages qui possèdent des parcours ou des estives considèrent que ces surfaces représentent une sécurité en cas d’aléa climatique.

La majorité des éleveurs interrogés lors des entretiens collectifs disent ne pas éprouver, en règle générale, de difficulté particulière à gérer leurs stocks fourragers. Il est facile pour eux d’acheter de la paille et des fourrages en cas de manque ponctuel. Ils disent adapter leurs rations hivernales aux récoltes de l’année et certains, qui achètent régulièrement des fourrages, anticipent les achats dès l’été. Ceci confirme les analyses quantitatives de la partie 1 dans lesquelles les stocks et les achats de fourrage sont les premiers leviers d’ajustement pour faire face aux aléas climatiques.

2.2.2. Perception de l’aléa climatique

Les éleveurs connaissent tous le terme « aléa climatique » – « c’est quelque chose qui perturbe le fonctionnement de l’exploitation » –, et le caractérisent spontanément par sa période et son intensité – « une sécheresse d’un mois en juillet ça va, mais un mois en avril ce n’est pas pareil ! ». L’aléa climatique le plus redouté par les éleveurs est la sécheresse (74 %des éleveurs le citent en premier). Viennent ensuite l’excès d’eau (11 % ) notamment au moment de la récolte et les températures extrêmes (9 % ). Par ailleurs, 77 %des éleveurs pensent que les aléas climatiques sont de plus en plus fréquents. 80 %des éleveurs interrogés déclarent avoir un système (atelier allaitant et prairies) habituellement sensible ou très sensible aux aléas climatiques. Les éleveurs qui ont intégré la constitution d’un stock de sécurité supérieur à un mois d’alimentation hivernale, dans la gestion de leur élevage, se déclarent significativement moins sensibles aux aléas climatiques. Cette sensibilité déclarée ne semble, en revanche, ni corrélée avec la présence d’estives et de parcours, ni avec la diversité des modes de récolte de l’herbe.

2.2.3. Connaissance et perception des dispositifs existants pour faire face aux aléas climatiques : FNGRA et assurance récolte

Généralement, les éleveurs connaissent l’existence du dispositif des calamités agricoles. 75 %des éleveurs enquêtés ont notamment déjà bénéficié de ce fonds. Parmi ces bénéficiaires, 35 %déclarent ne pas bien connaître son fonctionnement et le vocabulaire qui y est associé, mais 81 %se déclarent plutôt satisfaits ou très satisfaits. De même, d’une manière générale, les éleveurs ne connaissent pas précisément les règles d’attribution des aides et ne comprennent pas comment elles sont attribuées. Les montants des indemnisations sont jugés faibles comparativement aux pertes réelles.

Concernant l’assurance récolte, 93 %des éleveurs connaissent son existence pour les grandes cultures, mais seuls 50 %d’entre eux connaissent son fonctionnement général (conditions d’activation de l’assurance, coût, aides possibles, etc.). Quant au maïs ensilage, 80 %savaient qu’il fait partie des productions couvertes par cette assurance mais seulement 24 %des éleveurs en cultivant y ont déjà eu recours. Lors des entretiens, le fonctionnement de base de l’assurance multirisques climatique a donc été expliqué aux éleveurs (franchise, seuil de déclenchement, etc.). De ces échanges, il ressort que les éleveurs ont plutôt une mauvaise image de l’assurance liée à la complexité des contrats, voire aux estimations des pertes. Cependant, ils sont en majorité d’accord pour indiquer qu’« en cas de coup dur, c’est utile », ce qui se rapproche d’une notion de filet de sécurité.

2.2.4. « Appétence spontanée » pour une assurance multirisques climatique appliquée aux prairies

Les éleveurs anticipent qu’une assurance « prairie » leur permettrait de percevoir des montants d’indemnisation plus élevés, en cas d’aléa climatique, que ceux attribués par le dispositif des calamités agricoles. Lorsque le thème de l’assurance a été abordé lors des entretiens collectifs, les éleveurs ont fait tout de suite remarquer que « l’assurance récolte ne sera pas facilement transposable aux prairies car elles sont pâturées et pas uniquement récoltées ». D’autre part, ils pensent qu’il sera facile de frauder et craignent donc que les prix des contrats d’assurance augmentent rapidement (renvoyant à la notion d’asymétrie d’information, centrale en économie du risque). Ils doutent de l’intérêt des assureurs pour ce produit « si on n’a pas encore été démarché, c’est que cela ne doit pas être très rentable pour les assureurs ». Certains sont aussi réticents à la privatisation du système de gestion du risque climatique. D’autres préféreraient investir cet argent et pouvoir l’utiliser en cas d’aléa (dans une logique proche de la dotation pour aléa), plutôt que de souscrire à une assurance « prairie ».

De l’étude quantitative, il ressort que la majorité des éleveurs préfèreraient une assurance dont le déclenchement s’appuierait sur la production d’herbe (38 %herbe récoltée et pâturée, 19 %herbe récoltée uniquement), plutôt que sur des indices climatiques (21 % ). Parmi ceux souhaitant être assurés pour la totalité de la production d’herbe (récolte et pâturage), la plupart disent être prêts à payer substantiellement plus cher pour cette option. 20 %des éleveurs n’ont pas donné de réponse car ils ne souhaitent pas opter pour une telle assurance. Concernant la méthode d’évaluation de la perte de production herbagère, 63 %des éleveurs sondés déclarent faire davantage confiance à l’intervention d’un expert se déplaçant sur le terrain (43 %sur l’exploitation, 18 %dans le canton), pour constater la perte de production, plutôt qu’à une estimation plus automatisée (simulation de type ISOP : 9 % , télédétection : 13 % ). Cependant, ils ne se déclarent pas prêts à payer plus cher pour l’une ou l’autre des méthodes d’évaluation des pertes. Enfin, 46 %des éleveurs souhaiteraient que le prix de base utilisé pour le calcul de l’indemnisation soit celui du prix d’achat moyen d’une tonne de matière sèche de fourrages en période de sécheresse (figure 7).

Dans le cadre de la méthode décrite précédemment, les éleveurs annoncent être prêts à payer pour cette assurance simulée, un prix moyen de 14,40 e par hectare et par an (70 %des prix sont situés entre 10 e et 15 e, la médiane étant de 10 e). Pour un aléa correspondant à 60 %d’un rendement annuel historique de 6,5 t MS/ha d’herbe, l’indemnité serait de 97,5 e/ha (pertes de fourrages indemnisées au prix de 150 e/T MS avec un taux de franchise de 30 %et pour des pertes supérieures à 30 % ). Cette indemnité permettrait de compen¬ser les pertes économiques moyennes estimées dans la partie 1, sous réserve que les pertes de production totale d’herbe soient proches des quantités totales d’herbe récoltées.

Même s’il existe des disparités entre les petites régions agricoles, il ne semble pas y avoir de lien entre le consentement à payer des éleveurs et les variations plus ou moins élevées de production herbagère estimées sur les 15 ans. Cela peut s’expliquer par le fait qu’il est vraisemblablement difficile pour un éleveur, qui n’a pas réfléchi au préalable à la possibilité de souscrire une assurance, de chiffrer rapidement les coûts induits par ces variations de production, les montants qui auraient été indemnisés par l’assurance et ce qu’il est prêt à payer pour se couvrir contre les risques climatiques. Selon le point de vue des enquêteurs, il a semblé plus facile aux éleveurs de donner comme prix 10 e, un prix « rond » qui simplifiait les calculs. Ces chiffres doivent donc être considérés avec la plus grande prudence. Il ne s’agit que d’une simulation limitée à une seule modalité et sur un échantillon encore limité, dans des conditions où les éleveurs ont eu relativement peu de temps pour former leur jugement, raison pour laquelle nous parlons ici d’« appétence spontanée ». Cependant, et sur la base du même rendement (6,5 t MS/ha d’herbe), en supposant qu’une perte de 40 %de rendement arrive de 1 année sur 10 à 3 années sur 20 (ces fréquences sont très variables d’une région à l’autre – cf. Devun et al., 2013) et que le coût de fonctionnement de l’assurance représente 30 %des indemnités versées, les primes à payer par les éleveurs varieraient de 13 à 19 e/ha environ, ce qui est dans la fourchette évoquée par les éleveurs.

Pour la dernière question, qui était une question bilan, 61 %des éleveurs interrogés préfèrent assumer eux-mêmes le risque climatique et 35 %des éleveurs seraient prêts à souscrire une assurance « prairie ». Deux principaux profils d’éleveurs intéressés par une telle assurance semblent se dégager (résultats issus des enquêtes quantitatives et confortés par les entretiens qualitatifs individuels) :

Image retirée. l’éleveur spécialisé allaitant dont l’exploitation, plutôt sensible aux aléas climatiques, a été touchée par la sécheresse du printemps 2011 ;

Image retirée. l’agriculteur en polyculture-élevage qui connaît bien le fonctionnement du dispositif des calamités agricoles et de l’assurance récolte (et qui a déjà souscrit ce type d’assurance). En général, il bénéficie rarement du dispositif des calamités agricoles car les pertes liées à la production d’herbe n’entraînent que rarement une baisse du produit global d’exploitation de plus de 13 % , la présence d’autres productions limitant les variations de produit de l’exploitation.

Conclusion

La gestion individuelle du risque climatique par des ajustements techniques confère une certaine capacité de résistance des élevages allaitants face aux risques climatiques « intermédiaires », c’est-à-dire jusqu’à des niveaux de pertes n’excédant pas 20 %des quantités d’herbe habituellement récoltées par UGB. Globalement, les surfaces en prairies récoltées sont ajustées de façon à répondre aux déficits de pâturage comme à ses excédents.En situation d’exploitation avec des cultures à double fin (maïs par exemple), il en est de même de la part de ces cultures destinée à l’alimentation du troupeau. Concernant la pratique de cultures dérobées, très dépendante des conditions climatiques et des surfaces disponibles en été ou au début de l’automne, elle est aléatoire. Peu observée sur la période étudiée, elle a néanmoins permis d’augmenter significativement les récoltes de fourrages en 2011. Les stocks de sécurité, qui sont reconstitués en années favo¬rables, jouent également un rôle important. Cependant, ils ne suffisent pas à compenser les pertes de récolte de fourrage lors des aléas les plus sévères. Les éleveurs achètent ainsi des fourrages (ou en vendent moins) de façon à maintenir les objectifs de production du troupeau. De même, notamment lorsque la sécheresse est généralisée à de nombreuses régions, ils ont recours à une augmentation des quantités d’aliments concentrés, qu’ils soient prélevés ou achetés. Quant aux ventes animales, elles seraient affectées seulement en dernier recours. Néanmoins, la baisse enregistrée du poids de vente des vaches maigres semble indiquer que l’alimentation des animaux reproducteurs est en partie restreinte pendant la période de pâturage.

Sur la période allant de 2000 à 2009, 10 %des exploitations-années ont été en situation de baisse de quantité d’herbe récoltée supérieure à 30 % . La fréquence maximale a été atteinte en 2003 avec 43 %des exploitations. Pour ces niveaux de pertes de récolte d’herbe, la marge brute des herbivores diminue en moyenne de 63 e/UGB. Cependant, il existe une très forte hétérogénéité entre les élevages (écart-types de 130 e/UGB), et vraisemblablement selon le contexte économique et la répartition géographique de l’aléa. Bien que les éleveurs mobilisent des leviers d’ajustement pour partie différents, aucune réelle différence de sensibilité de la marge brute des exploitations aux aléas très défavorables n’a pu être mise en évidence selon leur orientation de production, ou selon la présence de cultures de ventes ou de culture fourragère. Les systèmes allaitants spécialisés et très herbagers apparaissent toutefois plus dépendants aux achats extérieurs.

Une forme d’auto-assurance, qui permet aux éleveurs de faire face à la variabilité interannuelle des rendements d’herbe et des cultures fourragères, dans la limite d’une baisse de rendement de 20 % , est ainsi mise en évidence. Au-delà de ce seuil, la gestion individuelle des risques ne permet pas de couvrir les baisses supplémentaires sans préjudice économique important. Le recours à des mécanismes collectifs tels que l’assurance doit prendre le relais.

Les enquêtes par entretiens qui ont porté sur l’analyse de l’intérêt des éleveurs allaitants pour un dispositif d’assurance multirisque climatique pour prairies, révèlent que les éleveurs sont plutôt satisfaits du dispositif des calamités agricoles, bien que les montants des indemnisations accordées soient jugés faibles comparés aux pertes réelles. L’assurance récolte apparaît peu connue par les éleveurs allaitants, sauf par ceux qui possèdent des surfaces conséquentes en cultures de vente. Avec leurs connaissances actuelles de la problématique assurance « prairie », 35 %des éleveurs enquêtés se déclarent favorables à un dispositif inspiré de l’assurance récolte existante et souhaiteraient assurer toute leur production herbagère. Les plus intéressés sont des agriculteurs en polyculture-élevage, qui ont une bonne connaissance du fonctionnement de l’assurance multirisques climatique « culture », ainsi que des éleveurs spécialisés allaitants qui déclarent leurs exploitations très sensibles aux aléas climatiques. À l’opposé, 65 %des éleveurs déclarent préférer assumer eux-mêmes ce risque.

Ces entretiens ont mis en évidence que les éleveurs enquêtés ont un plus faible attrait pour les modalités des dispositifs d’assurance les plus innovantes, et donc moins familières, telles que l’assurance indicielle, sans pour autant les remettre en cause, ni techniquement, ni économiquement. De manière indirecte, ceci révèle un important besoin d’information et de pédagogie. L’assurance indicielle est en effet une piste de réflexion privilégiée par certaines compagnies d’assurance, qui l’ont mise au centre d’expérimentations et qui vient également d’être reconnue éligible à un financement communautaire par le dernier règlement de développement rural [13] . Le point de vue des assureurs, sur la pertinence des différentes modalités envisagées au cours des entretiens, complèterait donc utilement ces éléments de réflexion. Enfin, ces travaux n’ont pas abordé l’équilibre financier et la viabilité d’un dispositif d’assurance couvrant les risques de pertes sur prairies dont la solidité dépendra de son dispositif de réassurance, qu’elle soit publique ou privée, mais aussi de la qualité des indicateurs de production de la biomasse produite par les prairies qui seront mis en œuvre.

L’originalité des travaux présentés dans cet article tient en premier lieu à la combinaison d’analyses de données d’exploitation sur les dix dernières années, et d’enquêtes plus prospectives auprès d’éleveurs. Ensuite, l’analyse de données a été réalisée sur un large panel d’exploitations au niveau national et sur plusieurs années, ce qui a permis de quantifier l’impact des aléas selon leur intensité relativement indépendamment du contexte économique et géographique. Enfin, la mise en place conjointe d’enquêtes qualitatives et quantitatives, autour de l’assurance récolte, a permis de recueillir à la fois des éléments chiffrés et des clés d’explication sur les réflexions des éleveurs.

En revanche, ce travail comporte des limites de plusieurs ordres. Elles concernent tout d’abord la forte variabilité des résultats issus de la base de données. Cette variabilité est peu expliquée par les aléas climatiques, ce qui confère aux résultats présentés un faible pouvoir prédictif. Une méthode permettant de mieux contrôler la variabilité engendrée par le contexte socio-économique et géographique, ainsi que la caractérisation des aléas climatiques (la sécheresse, l’excès de pluie ou les mauvaises conditions de récolte peuvent affecter plus particulièrement le pâturage ou les fourrages récoltés ; la période à laquelle se produit l’aléa peut modifier les possibilités techniques de réaction), seraient à développer. De plus, seul un nombre réduit de modalités a été testé pour estimer les différences de sensibilité des exploitations aux aléas selon leurs caractéristiques. D’autres déterminants, tels que le niveau des stocks de sécurité, le chargement en lien avec le potentiel pédoclimatique, pourraient être analysés. Pour ce qui concerne les enquêtes auprès des agriculteurs, leur déroulement dans un contexte de sécheresse a pu augmenter ponctuellement les préoccupations des éleveurs vis-à-vis des aléas climatiques ainsi que la défiance vis-à-vis des alternatives proposées au dispositif des calamités agricoles. Enfin, sachant que souscrire une assurance peut concurrencer une forme d’auto-assurance s’appuyant sur le fonctionnement du système de production, il serait intéressant d’analyser les conséquences que pourraient avoir la décision d’assurer ou non les prairies sur la production et les choix stratégiques que pourraient faire les éleveurs.

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[1] Inra UMRH 1213 F Clermont-Fd - Theix. - UMT SAFE

[2] Institut de l’Élevage.

[3] Institut de l’Élevage. - UMT SAFE.

[4] Stagiaire à l’Inra. - UMT SAFE.

[5] Stagiaire à l’Institut de l’Élevage.

[6] Inra UMRH 1213 F Clermont-Fd - Theix. -UMT SAFE.

[7] Institut de l’Élevage. - UMT SAFE.

[8] Affectation simultanée d’un très grand nombre d’exploitations par des dommages importants (Boyer, 2008).

[9] Action coordonnée par l’Institut de l’élevage et conduite en partenariat avec les Chambres d’Agriculture et EDE.

[10] Cette année-là, 43 %des exploitations ont connu des baisses de quantité d’herbe récoltée supérieures à 30 % .

[11] Kilogramme de matière sèche (MS).

[12] Rappelons que, dans cet article, les variations de marge ne sont pas égales aux variations des produits moins les charges car les variations des produits sont estimées pour l’année en cours alors que les variations des charges et de la marge correspondent à la somme des variations de l’année en cours et de l’année suivante.

[13] Règlement (UE) n° 1305/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 relatif au soutien au développement rural par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) et abrogeant le règlement (CE) n° 1698/2005 du Conseil.