Évaluation du potentiel de production d’énergies renouvelables à partir de la biomasse agricole et forestière française à l’horizon 2050
Partager la page
La biomasse agricole et forestière offre-elle un potentiel d’énergie renouvelable à la hauteur des attentes exprimées ? Une mission associant trois inspections générales apporte sa réponse.
Rapport de mission interministérielle de conseil n°23054
Décembre 2023
Enjeux
Dans le cadre de la stratégie nationale bas-carbone (SNBC), l’ensemble des secteurs d’activité doivent miser sur le recours aux énergies renouvelables, notamment les énergies produites à partir de biomasse agricole et forestière (bois énergie, méthanisation, biocarburants, ...).
La préparation de la stratégie nationale bas carbone (SNBC) s’appuie sur des scénarios qui prévoient qu’à l’horizon 2050 400 TWh seront issus de la biomasse. Dès lors se pose la question du partage entre la fonction première de l’agriculture, nourrir la population, et les différents usages de la biomasse, dont l’énergie mais également les matériaux ou les molécules élaborées.
L’objectif de la mission était d’évaluer la contribution possible de l’agriculture et de la forêt à la production d’énergie renouvelable, tout en s’assurant de sa disponibilité pour les différents usages et en intégrant les enjeux environnementaux de l’agriculture et de la forêt et la vulnérabilité des ressources agricoles et forestières au changement climatique.
Méthodologie
Après avoir analysé de façon approfondie les données utilisées pour réaliser des projections, tant en ce qui concerne l’offre que la demande, la mission, composée de deux membres du CGE, trois de l’IGEDD et deux du CGAAER, a étudié l’ensemble du processus. Elle a notamment réalisé une analyse approfondie du dispositif de modélisation utilisé, en particulier de dans son volet « offre ». Elle a alors étudié diverses propositions permettant de mieux mobiliser l’offre et de faciliter l’atteinte d’un équilibre par une meilleure gouvernance (connaissances améliorées, règles de priorité et de partage des décisions).
Résumé
L’emploi de la biomasse pour atteindre la neutralité carbone en 2050 doit tenir compte de plusieurs contraintes : d’une part, disponible en quantités limitées, sa surexploitation peut concourir à l’érosion de la biodiversité et à la dégradation du puits de carbone constitué par les sols, les prairies et les forêts ; d’autre part, l’alimentation, humaine et animale, et la production de matériaux sont des destinations généralement reconnues comme prioritaires.
La mission a constaté que les suivis statistiques des productions nationales restent perfectibles tandis que de très nombreux acteurs, publics et privés, appréhendent imparfaitement les contraintes de l’usage énergétique de la biomasse, notamment le coût énergétique de sa conversion en biogaz ou en bio-carburants.
Ce contexte rend ardues la compréhension et les évaluations. En outre, il est apparu que le recours à une sous-traitance confiée à plusieurs cabinets conseils et imparfaitement suivie ou contrôlée a pu conduire à des simulations entachées d’erreurs, parfois importantes, résultant de la conception et de l’articulation des modèles utilisés. À cela s’ajoute l’absence d’analyse de sensibilité pour les résultats présentés.
Malgré ces difficultés, un potentiel annuel de biomasse agricole et forestière à vocation énergétique peut être identifié, avec des possibilités d’accroissement à moyen ou long termes.
À l’horizon 2050, cette biomasse (environ 70 Mt de matière sèche) pourrait fournir, en énergie finale, de 170 TWh, essentiellement sous forme de biocarburants et de biométhane et, avec une part plus importante de combustion directe, jusqu’à 240-250 TWh. Cette estimation, déjà optimiste, pourra difficilement être dépassée sauf les années exceptionnelles et pourrait ne pas être atteinte si la mobilisation des ressources ligneuses était plus complexe qu’envisagée.
En outre, cette offre est significativement inférieure aux projections actuelles utilisées par les services de l’État. Afin de rapprocher au mieux l’offre de la demande et compte tenu de l’importance majeure des enjeux nationaux, la mission fait plusieurs propositions :
- améliorer la connaissance de l’offre et de la demande de biomasse par la constitution d’un observatoire national doté de déclinaisons régionales ;
- construire un modèle de simulation des productions agricoles et forestières de biomasse internalisant les conditions agronomiques et climatiques ainsi que la variabilité géographique ;
- améliorer le partage, le traçage et la compréhension des données utilisées par les administrations ;
- développer les cultures intermédiaires à vocation énergétique, mobiliser la production forestière par une meilleure gestion, plus rigoureusement encadrée, et maintenir, voire accroître légèrement les productions de biocarburants de première génération ;
- organiser le boisement des terres délaissées ;
- définir les principes et un cadre stable de priorisation des usages de la biomasse ou « merit order ».