30 janvier 2023 Publication

Décarbonation de l’énergie utilisée en agriculture à l’horizon 2050

  • Hervé Lejeune
  • Michel Vallance

Le CGAAER a été chargé d’une étude prospective sur les possibilités de décarboner l’énergie utilisée par l’agriculture à l’horizon 2050.

Bandeau cgaaer

Rapport de mission d’expertise n° 21065

Avril 2022

Enjeux :

Le total des émissions directes de gaz à effet de serre (GES) du secteur agricole représentait, en 2017, 18,5 % des émissions totales de la France (en baisse de 7,6 % entre 1990 et 2017).

L’essentiel des émissions directes (87 %) est constitué d’émissions de méthane (44,8 %), principalement liées à l’élevage, et de protoxyde d’azote (42,6 %), principalement liées à la fertilisation azotée. Les énergies fossiles utilisées par l’agriculture, pétrole et gaz essentiellement, correspondent à 11 % des émissions de GES du secteur agricole.

Le CGAAER a été chargé d’une étude prospective sur les possibilités de décarboner l’énergie utilisée par l’agriculture aux échéances prévus par la stratégie nationale bas carbone (SNBC).

Méthodologie :

La mission a procédé à un travail de scénarisation dessinant trois trajectoires (optimale, minimale et médiane) et tenant compte des incertitudes sur l'évolution future de nombreux facteurs exogènes déterminants.

Elle a rassemblé autour d'elle un « groupe expert » constitué des spécialistes de l’agriculture (énergéticiens, instituts techniques, ADEME…) afin de confronter les travaux des uns et des autres et de créer un consensus sur l’analyse et les perspectives d’évolution.

Résumé :

La stratégie nationale bas carbone (SNBC) adoptée par décret du 21 avril 2020 vise une réduction de 18 % des émissions du secteur en 2030 par rapport à 2015 et de 46 % à l’horizon 2050, soit une réduction de 40,5 Mt d’équivalent CO2 (CO2eq) de ses émissions directes de GES au cours des 30 prochaines années. Or la décarbonation complète des consommations directes d'énergie fossile utilisée par l’agriculture correspondrait à l’effacement des 11 Mt CO2eq de CO2 émis par le secteur en 2017. Soit plus de 25 % de l’effort demandé au secteur en matière de réduction des émissions de GES à l’horizon 2050.

Dans un contexte énergétique et agricole où les incertitudes sont fortes, la mission considère réalisable à l’horizon 2050 une économie d’énergie de l’ordre de 15 % par rapport à la consommation actuelle et le remplacement de 100 % des usages actuels des énergies fossiles par des énergies renouvelables.

Pour envisager les difficultés, les freins à lever et les réponses à apporter afin de réussir une telle transition dans un espace de temps de plus en plus contraint, trois scénarios prospectifs sont présentés.

Le remplacement des engins agricoles à moteur diesel par des moteurs décarbonés ou des robots électriques constitue le cœur des scénarios. Seul le premier scénario, « Les énergiculteurs », répond à cet objectif. Il repose sur un fort développement de la disponibilité en énergies renouvelables des exploitations agricoles et une autoconsommation la plus large possible de cette énergie produite par les agriculteurs pour les engins agricoles, les bâtiments d’élevage et les serres.

Les deux autres scénarios, « Le volontarisme dilué » et « La décroissance sans transition énergétique », sont des versions dégradées du scénario de base, qui est très volontariste mais seul susceptible de permettre la substitution des énergies fossiles actuellement utilisées par des énergies renouvelables à l’horizon 2050.

Le scénario « Les énergiculteurs » correspond à une très importante production énergétique des agriculteurs répartie sur 80 % des exploitations (panneaux solaires, cultures de biomasse ou de biocarburants, méthaniseurs, éoliennes…). Il permet aussi une amélioration significative du revenu des agriculteurs. Un revenu complémentaire, s'ajoutant aux économies réalisées sur le poste énergie, pourrait représenter de 5000 €/an à plus de 20 000 €/an et par exploitation en 2050. Ainsi en contrepartie d'un faible surcroit de travail, cette hypothèse conduit à un revenu net en hausse moyenne de 30 % par rapport à 2021 (en € constants). Un tel scénario pousserait fortement à la disparition des agriculteurs non producteurs d'énergie en 2050. Leur facture d'énergie dépasserait alors 30 % de leurs charges directes en moyenne contre moins de 8 % en 2020.

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