28 janvier 2015 Info +

Colloque FARM - « Agriculture délaissée : terreau de l'insécurité »

Une coopérative agricole de femmes en République démocratique du Congo © Panos / Giacomo Pirozzi

Colloque FARM - « Agriculture délaissée : terreau de l’insécurité »

La Fondation FARM a organisé le 16 décembre dernier à Paris son colloque annuel sur un thème nouveau en lien direct avec l’actualité internationale. Ce colloque avait pour objectif de montrer en quoi le « non-développement » de l’agriculture ou son « mal-développement » pouvaient être un facteur de crise débouchant sur des conflits voire des révolutions.

Une coopérative agricole de femmes en République démocratique du Congo

© Panos / Giacomo Pirozzi

Les témoignages et les analyses présentés ont mis en exergue les nombreux facteurs de tension au sein des populations rurales qui contribuent à l’éclatement de ces conflits :
Image retirée. la démission des États sur de vastes territoires peu peuplés et éloignés de la capitale,
Image retirée. la pression démographique dans des régions où l’absence de développement agricole laisse la jeunesse sans perspective,
Image retirée. le remplacement des économies rurales traditionnelles par des économies de trafics,
Image retirée. la paupérisation puis la marginalisation de certaines populations, notamment nomades avec la question du pastoralisme sahélien,
Image retirée. l’accès aux ressources naturelles, en particulier à l’eau avec les traditionnels conflits potentiels entre pasteurs et agriculteurs.

Au Sahel, l’exemple du Mali montre bien comment de vastes zones délaissées par le pouvoir central, parce qu’elles sont devenues des zones fragiles. Cette situation a permis le développement de groupes armés et créé les conditions d’un soutien et d’une adhésion des populations locales à ces mouvements, en particulier les jeunes. Ainsi, se créé une sorte de cercle vicieux car l’occupation par des groupes armés de ces zones rurales crée un facteur supplémentaire d’insécurité, et notamment d’insécurité alimentaire. L’activité agricole ne peut s’y réaliser normalement en raison des pillages, de l’impossibilité de se déplacer, des difficultés à s’approvisionner en intrants et de la destruction des infrastructures et des circuits de commercialisation. La déstabilisation qui en résulte dépasse les seules zones occupées. Elles impactent toute l’économie nationale et régionale.

S’agissant des pays arabes, la dernière table ronde a montré en quoi les principaux facteurs soulignés précédemment pouvaient également se retrouver dans l’analyse des causes des « printemps arabes ». Ainsi, prenant le cas de l’Égypte et de la Syrie, Pierre Blanc (Sciences-Po Bordeaux) a montré l’intérêt d’une lecture de l’évolution politique de ces pays au regard des dynamiques rurales et a souligné notamment l’analyse qui peut être faite des radicalisations des populations rurales sous l’effet de facteurs fonciers et de réformes agraires plus ou moins achevées. Les « printemps arabes » ont aussi montré que les tensions ont éclaté au sein de populations déracinées, venant des zones rurales marginalisées, comme par exemple en Tunisie. Rachid Benaïssa, ancien ministre de l’Agriculture algérien, a défendu la thèse selon laquelle les mesures prises par l’Algérie, suite à la lutte contre le GIA au cours des années 1990 (la création d’emplois, la valorisation de la ruralité et l’évitement de la marginalisation territoriale), expliqueraient en partie le fait que la crise de 2011 ne se soit pas propagée ans ce pays .

Ce colloque multidisciplinaire réunissait pour la première fois experts agricoles, diplomates et militaires. Il appelle une suite afin de continuer à caractériser les facteurs du « mal développement » agricole qui contribuent à des situations de conflits. Il ne s’agit pas seulement de procéder à une analyse rétrospective de ces facteurs à travers les conflits existants, mais aussi de proposer des outils de prévention.


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