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08 mars 2023 Info +

Trois questions à Marc-André Selosse, spécialiste du sol

L’un des enjeux majeurs, pour l’agriculture de demain, sera d’utiliser au maximum la capacité des sols agricoles à stocker du carbone. Pour mieux comprendre de quoi il retourne, nous avons interrogé Marc-André Selosse, professeur au Muséum national d’histoire naturelle et spécialiste du sol.

Tout d’abord, comment les sols parviennent-ils à stocker du carbone ?

Le carbone arrive d’abord au sol sous forme de matière organique : ce sont des déchets d’organismes vivants, feuilles mortes, cadavres d’animaux, branches… Là-dedans, il y a du carbone qui va s’intégrer progressivement au sol. Dans le sol il y a aussi de l’oxygène. La matière organique va être recyclée, respirée, redonnant du dioxyde de carbone (CO2) qui repart dans l’air, mais très lentement. En conséquence, il va y avoir une longue durée pendant laquelle cette matière organique, et le CO2 qu’elle représente, ne sera pas dans l’air. Voilà la façon dont le sol peut stocker du carbone, et contribuer ainsi à limiter le réchauffement climatique.

En quoi la pratique agricole influence-t-elle le cycle du carbone ?

Le sol stocke du carbone à certaines conditions. La première, c’est que la respiration ne se fasse pas trop vite – de ce point de vue, le labour est problématique parce qu’il encourage la respiration des bactéries en aérant le sol (voir encadré ci-contre). Le stockage est aussi influencé par la quantité de matière organique retournant au sol. Là-dessus, l’agriculture a un double travers : premièrement, elle récolte, et c’est autant de matière prélevée qui ne retournera pas dans le sol ; deuxièmement, elle utilise des engrais minéraux, qui ont un fort impact en termes d’effet de serre.

Sur quoi les agriculteurs peuvent-ils agir pour limiter leurs émissions de gaz à effet de serre ?

En grandes cultures, l’apport d’engrais fait partie des pratiques à faire évoluer. Il faut repenser l’utilisation des engrais minéraux en faveur des engrais organiques. Cela implique de trouver des modes d’agriculture alternatifs. Couvrir le sol de cultures ou de paillages en hiver, utiliser du fumier : voici quelques pistes de ce qu’on appelle l’agroécologie. Il faut enfin considérer nos sols comme des atouts stratégiques, qui garantissent notre autonomie alimentaire et donc géopolitique. Il est impératif de les pérenniser et de rendre nos pratiques agricoles durables.

Stockage du carbone : un débat scientifique sur l’impact du labour des terres arables

Un rapport d'INRAE de 2020, Stocker du carbone dans les sols français, réalise une synthèse de la littérature scientifique concernant l'impact de la pratique du non-labour sur les terres arables (semis direct en grandes cultures) sur le stockage du carbone par le sol. D'après ce rapport, les différentes études convergent sur le fait que la transition vers un système cultural sans labour peut entraîner une augmentation du stock de carbone dans l’horizon 0-30 cm du sol, avec un effet plus important en climat sec. En revanche, précise le rapport, lorsque l’ensemble du profil du sol est considéré (0-150 cm), on n’observe pas d’accroissement du stock de carbone en supprimant le labour.