Sauvegarde des pollinisateurs : de bonnes pratiques agricoles à essaimer partout en France

Le déclin des pollinisateurs, pourtant essentiels à la survie végétale, à notre alimentation et à la biodiversité, est devenu un sujet majeur. Les taux de mortalités annuels observés sur les colonies d’abeilles mellifères peuvent en effet dépasser les 30%. Face à cette urgence, le Gouvernement français a lancé en novembre 2021 un plan ambitieux pour mieux prendre en compte la situation des pollinisateurs : le Plan national en faveur des insectes pollinisateurs et de la pollinisation. Ce plan s'inscrit dans une démarche européenne plus large et vise, entre autres, à soutenir les acteurs impliqués dans la protection des pollinisateurs – notamment les associations –, à restaurer les habitats des pollinisateurs et à améliorer leurs sources d’alimentation. La réduction de l'usage des pesticides et la sensibilisation du public sont aussi des leviers pour répondre à cette problématique.

Ce plan national se décline en six axes :

• Axe 1 : amélioration des connaissances scientifiques
• Axe 2 : leviers économiques et d’accompagnements des agriculteurs, apiculteurs et forestiers
• Axe 3 : accompagnement des autres secteurs d’activités (aménagements urbains, infrastructures linéaires, sites industriels, sites à grande emprise foncière, aires protégées)
• Axe 4 : préservation du bon état de santé des abeilles et autres pollinisateurs
• Axe 5 : réglementation pour la protection des pollinisateurs lors de l’autorisation et l’utilisation des produits phytopharmaceutiques
• Axe 6 : partage des pratiques agricoles favorables aux pollinisateurs

L'objectif global est d’enrayer le déclin des pollinisateurs et de préserver notre environnement pour les générations futures.

Mobiliser le monde agricole

L’axe 6 du Plan national, dédié au partage des pratiques agricoles favorables aux pollinisateurs, porte deux objectifs : recenser les initiatives agricoles favorables aux pollinisateurs et à la pollinisation dans un premier temps, puis promouvoir ces bonnes pratiques dans les territoires auprès des agriculteurs.
Cet axe est piloté par l’association Contrat de solutions, qui réunit 45 acteurs du secteur agricole, dont des organisations professionnelles (FNSEA et JA), des chercheurs (ACTA), les chambres d'agriculture et des entreprises.
Financés depuis 2022 par des crédits de la direction de l'eau et de la biodiversité (DEB) et Ecophyto, les travaux de l'association sont suivis par les ministères de l’Agriculture et de la Transition écologique.

Des initiatives en faveur des pollinisateurs

104 initiatives ont été identifiées par un comité d’experts scientifique et technique dans toute la France. Individuelles, collectives, territoriales, nationales, locales ou encore expérimentales, ces initiatives sont issues de toutes les filières agricoles, de la viticulture aux grandes cultures en passant par le maraîchage.

• La protection des pollinisateurs en grandes cultures

Ce projet, initié en 2006, est un outil de diagnostic et de sensibilisation mettant en lumière les avantages agronomiques, économiques et environnementaux des bordures de champs agricoles. Intitulé « Bords de champs », cet outil porté par le réseau Agrifaune s’appuie sur des critères de structure et de composition végétales pour fournir à l’agriculteur des conseils de gestion adaptés (meilleure gestion des mauvaises herbes, favoriser la biodiversité et les écosystèmes). Il existe déjà de nombreuses déclinaisons locales de cette initiative nationale.
En 2019, 68 départements, 150 structures partenaires et 30 lycées agricoles étaient engagés. Cela représente aujourd’hui la mobilisation d’une centaine d’agricultures en grandes cultures.

• La biodiversité au service des vignes d’un lycée agricole

Situé près de Montpellier (Hérault), le domaine Maspiquet est l’exploitation viticole pédagogique du lycée agricole Frédéric Bazille – Agropolis. Il s’étend sur 30 hectares et accueille un rucher école d’une quinzaine de ruches. De nombreuses pratiques sont mises en œuvre depuis 2015 pour favoriser la biodiversité et les pollinisateurs, notamment des infrastructures agroécologiques (haies, bandes fleuries et enherbées, lierre, abris pour les pollinisateurs…).
De plus, l’exploitation viticole étant en agriculture biologique, les pollinisateurs bénéficient d’une exposition réduite aux produits phytosanitaires. Par ses pratiques vertueuses, l’exploitation est une vitrine qui permet de sensibiliser les apprenants du lycée et du territoire aux sujets de la biodiversité et des pollinisateurs.

• En Bretagne, des maraîchers engagés en faveur des pollinisateurs

Agrobio35 est un groupement d’agriculteurs biologiques qui a notamment pour mission de promouvoir, défendre et développer l’agriculture biologique en Ille-et-Vilaine.
Depuis 2022, Agrobio35 accompagne des maraîchers en agriculture biologique du département dans la mise en place de bandes fleuries et de plantes de services, telle la coriandre ou les orties, autour et dans les cultures maraîchères. Une panoplie de mécanismes en biocontrôle est également déployée.
Objectifs : favoriser la biodiversité fonctionnelle et lutter contre les ravageurs comme les pucerons et les acariens.
Ces outils peuvent tout aussi bien se décliner dans l’agriculture conventionnelle.
À ce jour, 12 maraîchers sont engagés dans cette initiative, ce qui représente une vingtaine d’hectares.

• Arboriculteurs et apiculteurs : un partenariat gagnant-gagnant

Depuis 2016, la coopérative Limdor, qui regroupe une cinquantaine de producteurs de pommes du Limousin, en Nouvelle-Aquitaine, a engagé la transition agroécologique avec un objectif précis : des vergers durables et en faveur des pollinisateurs. Dès 2017, Limdor installe des ruches sur son territoire, noue des partenariats avec des apiculteurs et intègre la production de miel à ses activités. En 2023, l’initiative concernait 570 hectares de vergers et 2 000 ruches gérées par cinq apiculteurs.
En plus de réduire l’usage des intrants chimiques (en privilégiant celui du biocontrôle) et de l’eau, les arboriculteurs mettent en place des pratiques agricoles en faveur des pollinisateurs et de la biodiversité. Ainsi, chaque année, plusieurs kilomètres de haies sont ainsi plantés aux abords des vergers afin d’assurer aux pollinisateurs un habitat naturel et des ressources alimentaires tout au long de l’année. Résultats : un renforcement des liens entre arboriculteurs et apiculteurs, et une filière de production de miel locale certifiée Beefriendly.

Promouvoir les bonnes pratiques

Si l’Axe 6 du Plan national a pour objectif de mettre en lumière les initiatives positives, il vise également à assurer la diffusion et la promotion effective des projets identifiés sur le terrain.

La carte interactive mise en place par l’association Contrat de solutions est un catalogue d’exemples qui permet aux acteurs de toutes les filières agricoles de prendre connaissance des bonnes pratiques qu’ils pourraient reproduire sur leur exploitation pour protéger et favoriser la présence des pollinisateurs. Elles constituent une véritable boîte à outils à exploiter afin d’accroître les ressources alimentaires des pollinisateurs, favoriser leur reproduction, diminuer leur exposition aux produits phytosanitaires et assurer une pollinisation stable.

L’appropriation de ces initiatives par les agriculteurs est facilitée car la plupart des 104 initiatives comportent un volet dédié au partage de leurs expérimentations, à leur diffusion ou leur promotion.

Afin de diversifier les canaux et sensibiliser davantage à la cause des pollinisateurs, l’association a lancé la production d’une websérie intitulée Cultivons la pollinisation sur Youtube. Cette websérie permet de comprendre les enjeux de la protection des pollinisateurs à travers des exemples concrets de bonnes pratiques agricoles.