11 mai 2015 Info +

Notes et études socio-économiques n°39

Ce 39e numéro de Notes et études socio-économiques met en valeur la diversité des travaux réalisés dans le cadre du programme d’études du ministère. Au-delà de la variété des sujets et des disciplines sollicitées, qui témoigne de la diversité des domaines d’intervention du MAAF, les articles réunis ici relèvent de deux catégories : des approches directement inscrites dans un champ disciplinaire ou une tradition d’analyse, qui servent de cadre théorique pour comprendre le fonctionnement de l’action publique et penser une meilleure organisation administrative ; des approches plus hybrides, reposant sur des données et des modèles parfois ad hoc, mixant les sources et les disciplines.

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L’objectif de la collection NESE est de diffuser des expertises et de valoriser des travaux internes ou externes, sur les domaines de compétence du ministère tout en développant davantage les réflexions prospectives et évaluatives.

Dans le dernier demi-siècle, les territoires et les exploitations agricoles se sont de plus en plus spécialisés. Or, on sait aujourd’hui qu’une diversification des cultures serait nécessaire pour réduire l’usage des intrants (pesticides, engrais azotés, eau d’irrigation) et les nuisances environnementales associées. Cet article tente de mettre au jour les freins à la diversification des cultures, qui se manifestent à différents niveaux des filières agro-industrielles, afin de dégager des pistes d’action pour les politiques publiques. Nous mettons en évidence un verrouillage technologique autour des espèces dominantes, qui bloque ou tout au moins handicape fortement le développement des espèces mineures. Ce verrouillage est caractérisé par un grand nombre de freins interconnectés, depuis la disponibilité de variétés améliorées et de méthodes de protection phytosanitaire, la rareté des références quantifiées sur les successions incluant ces cultures, la difficulté des apprentissages à acquérir, jusqu’aux contraintes logistiques au niveau de la collecte et aux difficultés de coordination au niveau des filières émergentes, dont les acteurs se connaissent souvent mal. Le verrouillage technologique autour des grandes espèces n’est cependant pas une fatalité. L’article dégage une série de leviers d’action mobilisables pour inciter les acteurs à insérer, dans leur système productif, une plus grande diversité d’espèces cultivées. Il adresse un ensemble de recommandations aux pouvoirs publics en matière de politique agricole, d’orientation de la recherche et d’appareil statistique.

Jean-Marc Meynard, Aude Charlier, François Charrier, M’hand Fares, Marianne Le Bail, Marie-Benoît Magrini et Antoine Messéan

L’insécurité alimentaire concerne, en France, des populations aux profils divers. Afin d’approfondir les connaissances sur leurs pratiques, représentations et parcours de vie, le ministère de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt et FranceAgriMer ont confié en 2013 à FORS-Recherche sociale la réalisation d’une étude2 visant à analyser les besoins et les attentes des personnes en situation d’insécurité alimentaire, bénéficiaires ou non de l’aide alimentaire. Il importait également d’identifier des pistes d’amélioration et d’ouvrir des perspectives pour les dispositifs d’aide actuels et futurs. Basée sur une méthodologie d’enquête qualitative incluant la réalisation d’entretiens auprès de ménages aux ressources modestes, cette étude explore la réalité des contraintes vécues par les ménages au regard de l’alimentation, ainsi que les stratégies qu’ils mobilisent et les leviers qu’ils activent pour y faire face. Le ressenti des ménages à l’égard de leur situation alimentaire n’est pas systématiquement corrélé au degré d’insécurité alimentaire déclaré et varie en fonction de plusieurs facteurs ; il en est de même pour le recours à l’aide alimentaire. Cette étude a permis de faire dégager quatre modes de gestion différenciés de la contrainte alimentaire : le type des « autogestionnaires », celui des « gestionnaires indirects », les profils « multiactivateurs » et enfin, « mono-gestionnaires ».

Florence Brunet, Pauline Kertudo, Benjamin Badia, Audrey Carrera et Florence Tith

Cet article présente la méthode et les résultats d’une étude sur l’adaptation de l’agriculture à la disponibilité de la ressource en eau dans la Drôme des Collines. Cette étude visait à répondre aux questions suivantes : 1) Quel serait l’impact économique d’une réduction du volume prélevable pour l’irrigation agricole sur les exploitations et les filières ? 2) Quelles solutions d’adaptation et mesures d’accompagnement pourraient être mises en place pour atténuer cet impact économique ? Afin de comprendre au mieux les enjeux locaux liés à la réforme des volumes prélevables, une démarche participative a été mise en oeuvre, avec une forte implication de l’équipe prestataire sur le terrain et une mobilisation des acteurs locaux, notamment de la profession agricole. Cette approche a permis d’élaborer un diagnostic partagé de l’agriculture en Drôme des Collines, à l’échelle des exploitations et des filières. L’impact d’une réduction des autorisations de prélèvements en eau (– 40 %) a été simulé sur les indicateurs-clefs (EBE, production et volume d’eau consommé). Sur proposition des acteurs du territoire, des mesures d’adaptation ont aussi été envisagées et analysées en termes d’impacts. Au-delà du cas de la Drôme des Collines, l’article dégage des éléments de méthode transposables sur d’autres territoires et met en perspective l’approche choisie avec celles de travaux similaires.

Gabrielle Rucheton, Sylvie Morardet, Pierre Ruelle, Jean-Louis Fusillier et Jacques Fabre

Cet article porte sur les innovations technologiques pouvant être mises en oeuvre par les industries agroalimentaires pour agir sur le gaspillage dans la distribution, la restauration et la consommation finale par les ménages. Dans le cadre d’une étude commanditée par le ministère de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt, et par le ministère de l’Économie, de l’Industrie et du Numérique, vingt-six innovations dans le domaine des emballages et des technologies de conservation des aliments ont été évaluées. Une analyse de la perception de ces innovations par les consommateurs et des conditions de leur adoption par les différents acteurs de la chaîne alimentaire a permis de mesurer leur attractivité, en prenant en compte les possibilités d’évolution des technologies à dix ans. Accompagner le développement de ces innovations pourrait contribuer à réduire le gaspillage alimentaire.

Hélène Bourgade, Olivier Chartier, Elodie Cluzel, Nicolas Hémon, Patrice Dole et François Zuber

Face à l’émergence de nouveaux dangers en santé environnementale, l’optimisation des dispositifs de surveillance constitue un enjeu prioritaire pour les institutions françaises. Ces dispositifs font appel à des concepts hétérogènes, nombreux et spécifiques et sont souvent fragmentés entre les différents acteurs. L’article apporte une contribution à la maîtrise de la complexité inhérente à la gestion du risque sanitaire en proposant l’analyse orientée objet (AOO) et le langage de modélisation UML (Universal Modeling Language) comme outils pour synthétiser les connaissances des experts et organiser l’information. La situation d’exposition et les activités liées à la surveillance ont été analysées selon cette approche et représentées par des diagrammes de classes et objets pour quatre enjeux prioritaires pour la santé humaine et animale : la fièvre catarrhale ovine et l’intoxication par des phycotoxines marines d’origine microalgale, par le chlordécone et par les salmonelles. La généralisation, à partir de ces quatre menaces, de la situation d’exposition et de celle de leur surveillance, conduit à décrire l’exposition comme un contact entre un système épidémiogène et un groupe homogène d’exposition, et les dispositifs de surveillance comme des systèmes à rétroaction. L’intégration de ces différentes thématiques dans un modèle générique unifié permet d’envisager un angle d’approche unique de la surveillance et de l’alerte en termes conceptuels et institutionnels.

Ricardo de Gainza, Christine A. Romana et Julien Fosse

Au début des années 2000, le développement de la production de biocarburants s’est accéléré, soutenue par des politiques publiques ambitieuses. Les flambées des prix agricoles et l’augmentation de leur volatilité ont alors suscité un débat sur les effets collatéraux supposés de ces politiques de soutien. Le caractère relativement rigide des politiques d’incorporations (mandats ou équivalents) a ainsi engendré de nombreuses critiques. Les Etats-Unis ont cependant mis en place différents éléments de flexibilité : la dérogation aux objectifs initialement fixés (waiver), le stockage (banking) et les échanges (trading) de crédits d’incorporation (RIN). L’article décrit ces mécanismes et précise quelles sont les limites à leur efficacité dans le contexte actuel (contrainte du blend wall). Il explicite les mécanismes économiques qui sous-tendent ces dispositifs. S’il existe une abondante littérature sur les effets des biocarburants sur les prix agricoles, les effets des mécanismes de flexibilité des politiques de soutien sont moins étudiés. Mais quelques études récentes apportent de premières réponses.

Pierre Claquin, Alexis Lemeillet, Elise Delgoulet

D’après le suivi de l’indicateur NODU, la consommation française de produits phytosanitaires a peu évolué entre 2008 et 2012 avec cependant des variations interannuelles relativement importantes. Dans cet article, nous estimons puis analysons l’effet des changements d’usage des terres sur l’évolution du NODU de 1989 à 2012. À cette fin, nous avons développé une méthode d’estimation visant à relier le NODU aux changements d’usage des terres. Les résultats montrent que ces derniers ont eu peu d’impact sur le NODU de 2008 à 2012, les changements ayant eu principalement lieu à travers des substitutions entre cultures à intensité de consommation de pesticides voisine. Sur une plus longue période, les substitutions ont été différentes et leur impact sur l’utilisation globale des pesticides, plus important.

Nicolas Urruty, Jean Boiffin, Hervé Guyomard, Tanguy Deveaud

La découverte des techniques d’insémination artificielle a constitué, dans les années soixante, une révolution pour les filières d’amélioration génétique. Pendant quarante ans, la loi sur l’élevage de 1966 a organisé le dispositif collectif de sélection animale et permis de hisser le potentiel génétique français au meilleur niveau international. En 2006, la loi d’orientation agricole a marqué une inflexion dans l’organisation institutionnelle de la filière avec la fin des monopoles de zone des centres d’insémination et le passage d’une cogestion État-profession à une gestion collective professionnelle. Dans le même temps, les progrès en bioinformatique et en génie génétique ont permis le développement d’une nouvelle technique d’amélioration génétique : la sélection génomique. Cet article, centré sur le cas des races bovines en France, s’intéresse à cette révolution technologique et à ses impacts institutionnels. Comment les filières et les acteurs s’organisent-ils et s’adaptent-ils à ce nouveau contexte ? Quels sont les défis et risques pour le secteur de l’amélioration génétique ?

Mourad Hannachi

SOURISSEAU Jean-Michel (dir)
Agricultures familiales et mondes à venir

BANOS Vincent, CANDAU Jacqueline
Sociabilités rurales à l’épreuve de la diversité sociale

SÉRONIE Jean-Marie
L’agriculture française : une diva à réveiller ?

BONJEAN Alain, SCHWOOB Marie-Hélène,
LY Carole, BOINET Delphine
Nourrir 1,5 milliard de Chinois en 2030