Notes et études socio-économiques n°37
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Le précédent numéro de la revue Notes et Études Socio-Économiques, consacré à l’évaluation des politiques publiques, était volontairement transversal. Pour cette nouvelle livraison, nous avons au contraire choisi une approche sectorielle, autour de l’élevage, des filières et des produits animaux. L’importance de ces secteurs est une évidence pour tous : la moitié de la SAU française est dédiée aux prairies et cultures fourragères, qui représentent plus du quart du territoire métropolitain. Plus de 200 000 exploitations, en France, ont des bovins, et si les autres espèces (ovins, caprins, porcs, volailles, etc.) sont souvent plus localisées, elles constituent une source d’emploi majeure au niveau des différents bassins de production. Enfin, si l’on importe plus de viande que l’on en exporte, la balance commerciale totale des productions animales (incluant le lait et les animaux vivants), reste largement bénéficiaire.
Le nombre d’enjeux économiques, sociaux et environnementaux autour de ces filières est tel que nous avons privilégié, conformément à la ligne éditoriale de NESE, une succession d’éclairages experts sur quelques sujets clés.
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Christophe Perrot, Dominique Caillaud, Hélène Chambaut
L’analyse statistique des coûts de production du lait met en évidence l’existence d’économies d’échelle en production laitière mais aussi d’économies de gamme dans les exploitations de polyculture-élevage laitier essentiellement dues à un meilleur emploi du facteur travail. Une analyse comparative multicritère environnementale conclut à un impact plutôt plus fort (émissions nettes de GES, eutrophisation, consommation d’énergie fossile) des ateliers laitiers des exploitations de polyculture-élevage du fait de leur caractère généralement intensif et moins herbager. L’analyse des résultats de quelques fermes de référence des Réseaux d’élevage de l’Est de la France au fonctionnement remarquable permet de montrer que des alternatives à la trajectoire dominante existent et peuvent être profitables aux agriculteurs qui les suivent et à l’environnement. Différents stades, de plus en plus économes puis autonomes, parfois recherchés successivement par une même exploitation, sont identifiés.
Nadège Garambois, Sophie Devienne
À rebours d’une évolution générale des systèmes de production bovins laitiers vers l’accroissement de la part du maïs fourrage dans l’alimentation des troupeaux, certains éleveurs de l’Ouest de la France ont développé depuis plusieurs décennies des systèmes de production dont le fonctionnement, centré sur le pâturage de prairies temporaires associant graminées et légumineuses, permet une réduction importante des dépenses dans les intrants et les équipements. Cet article s’intéresse aux modalités de mise en œuvre de ces systèmes herbagers économes depuis 1990 dans le Bocage poitevin, ainsi qu’à la mesure de leur impact économique pour les éleveurs concernés. Ces travaux d’évaluation montrent que le passage en système herbager a permis à ces éleveurs de dégager des revenus disponibles supérieurs malgré de moindres soutiens publics.
Philippe Puydarrieux, Jérémy Devaux
Les prairies constituent un élément clé du paysage agricole de la plupart des régions françaises et contribuent au bien-être de la population par la fourniture d’une gamme variée de services écosystémiques : alimentation des ruminants et par conséquent qualité des productions animales, support de biodiversité, pollinisation, régulation climatique, régulation de la qualité de l’eau, qualité des paysages, etc. L’évaluation économique de ces différents services révèle l’importance de certains enjeux associés à ces agro-écosystèmes. Pourtant on déplore la tendance régulière à la réduction des surfaces en prairies depuis cinquante ans au profit du maïs fourrage et de cultures de vente financièrement plus attractives. Une meilleure connaissance technique et scientifique de la valeur agronomique et des services écosystémiques rendus par ces agro-écosystèmes permettrait d’éclairer une meilleure orientation des soutiens publics en leur faveur. Cet article fait état de valeurs de référence de certains services écosystémiques rendus par les prairies, en montre les limites et ouvre les perspectives de réflexions à poursuivre.
Philippe Boyer, Jean-Joseph Cadilhon, Jean-Noël Depeyrot, Myriam Ennifar, Louis-Georges Soler
Dans un contexte de volatilité des prix agroalimentaires et de tensions entre opérateurs des filières de commercialisation des produits alimentaires, de nombreux pays cherchent à mettre en place des observatoires de suivi des prix et des marges, dispositifs visant à fournir une information publique sur la transmission des prix depuis l’amont agricole jusqu’au commerce de détail. La France possède son « Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires », institué par la Loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche de juillet 2010. L’Espagne développe un dispositif comparable. Le département de l’agriculture des États-Unis d’Amérique procède également, depuis longtemps, à l’analyse du « dollar alimentaire ». Cet article situe l’expérience française dans son contexte institutionnel et socio-économique, fait état des différents travaux de recherche menés en France sur la formation des prix dans les filières agroalimentaires, et détaille la méthode de calcul et les premiers résultats pour la viande bovine et les produits laitiers. Les résultats de l’Observatoire français sont également comparés à ceux de son équivalent espagnol et de la démarche américaine.
Fabien Champion, Philippe Chotteau, Boris Duflot, Pascale Magdelaine, Hervé Marouby, Michel Rieu, Cécile Riffard
Le Brésil est en 2011 le second exportateur mondial de viandes et fournit respectivement 70 %et 40 %des importations européennes de volailles et de boeuf. Par ailleurs, le Brésil n’exporte pas de viande porcine vers l’Europe mais reste un acteur de premier plan sur le marché mondial du porc. Sa compétitivité se base sur trois piliers : le coût limité des facteurs de production et des intrants, une industrie puissante et concentrée soutenue par les pouvoirs publics, et des réglementations sanitaires « à la carte ». Si certains écarts de compétitivité avec l’Union européenne s’érodent, ils ne sont pas en voie de résorption à moyen terme. Les exportations brésiliennes de viandes devraient ainsi continuer à progresser, toutefois freinées par un marché intérieur en développement. Vers l’Union européenne, marché le plus rémunérateur pour les viandes, elles dépendent exclusivement de l’évolution des barrières tarifaires et non-tarifaires.
Philippe Chotteau, Yves Trégaro, Philippe Faverdin
Florent Vieux, Louis-Georges Soler, Djilali Touazi, Nicole Darmon
L’objectif de l’étude était d’analyser l’impact carbone de l’alimentation en fonction de sa qualité nutritionnelle. Les participants à l’enquête nationale INCA2 ont été répartis en 4 classes selon la qualité nutritionnelle de leur alimentation, celle-ci étant définie par comparaison à la médiane des trois critères suivants : densité énergétique, MAR (Mean Adequacy Ratio, pourcentage moyen des apports nutritionnels conseillés pour 20 nutriments essentiels), et MER (Mean Excess Ratio, pourcentage moyen des valeurs maximales recommandées pour 3 nutriments à limiter). Par ailleurs, l’impact carbone de l’alimentation de chacun des individus a été estimé à partir de l’impact carbone de 73 aliments couramment consommés. La part des produits végétaux (fruits et légumes notamment) était d’autant plus forte et celle des produits sucrés et salés d’autant plus faible, que la qualité nutritionnelle de l’alimentation était élevée. Après ajustement pour les apports énergétiques, l’impact carbone de l’alimentation était d’autant plus élevé que la qualité nutritionnelle était élevée également (+ 4 %et + 17 %de CO2 e/j entre classe 1 et classe 4, chez les hommes et les femmes respectivement).
Contrairement à ce qui est couramment admis, nos résultats suggèrent qu’une alimentation en accord avec les recommandations nutritionnelles n’a pas nécessairement un faible impact carbone. Ceci ne signifie pas qu’il soit impossible d’avoir une alimentation équilibrée et peu impactante pour l’environnement, mais témoigne qu’aujourd’hui, en France, les personnes qui ont l’alimentation la plus proche des recommandations nutritionnelles ne sont pas nécessairement celles dont l’alimentation a le plus faible impact carbone. Ceci est dû, d’une part au fait que la consommation totale de viande ne varie pas entre les 4 classes de qualité nutritionnelle, et d’autre part au fait que ceux qui mangent mieux sur le plan nutritionnel, ingèrent des quantités d’aliments plus importantes, bien que leurs apports énergétiques soient plus faibles que ceux qui ont une alimentation déséquilibrée, et bien qu’ils consomment des aliments de plus faible impact carbone par unité de poids.
Jean-Paul Caille, Laurette Cretin
Ces vingt dernières années, les scolarités des enfants d’agriculteurs se sont profondément transformées. La proportion de bacheliers s’est nettement accrue : alors qu’un peu plus du tiers des enfants d’agriculteurs entrés en sixième en 1980 avaient obtenu ce diplôme, près de sept jeunes de cette origine sociale sur dix sont devenus bacheliers parmi les élèves ayant commencé leurs études secondaires à la rentrée scolaire 1995. Cette élévation du niveau de diplôme en fin de scolarité secondaire est l’aboutissement d’un processus de rattrapage scolaire qui marque tous les niveaux du système éducatif et apparaît dès le début de la scolarité. Néanmoins, les enfants d’agriculteurs se distinguent des autres élèves par des orientations en fin de troisième accordant encore une grande place à l’enseignement professionnel. Ces stratégies scolaires particulières peuvent être reliées à la prégnance de l’appartenance au milieu rural sur les choix d’orientation et à des projets professionnels spécifiques, encore fortement orientés, dans le cas des garçons, vers l’agriculture. Mais cette attitude n’est pas partagée par l’ensemble des familles d’agriculteurs. Lorsqu’elles sont diplômées de l’enseignement supérieur ou exercent une profession qualifiée, les mères jouent un rôle moteur dans la définition de stratégies scolaires plus ambitieuses.
Anne-Françoise Thierry
Au sortir d’une période de crise de plus de dix ans, le Burundi reste confronté à un accroissement rapide de sa population. Les prévisions démographiques sont ainsi préoccupantes en termes de couverture des besoins de base, de sécurité alimentaire, de stabilité foncière et de réduction de la pauvreté. Aucune mesure précise du potentiel optimal de production agricole au niveau national n’est disponible sur les moyen et long termes. Et malgré la croissance économique actuelle, la capacité du pays à nourrir sa population ne semble pas assurée. Bien que la problématique soit de plus en plus présente dans les discours politiques et se concrétise progressivement à travers des programmes nationaux, l’État doit prendre la mesure réelle des défis à relever et apporter des réponses adaptées. Au-delà des programmes de relance agricole, une des stratégies apparemment les plus pertinentes semble donc être le contrôle des naissances à travers des politiques antinatalistes d’envergure.
ROBIN Marie-Monique
Les moissons du futur. Comment l’agroécologie peut nourrir le monde
THIS Hervé
La cuisine note à note
Les cahiers du CLIP, n° 21
Modes de vie et empreinte carbone
OPPERMAN Rainer, BEAUFOY Guy, JONES Gwyn (eds)
High Nature Value Farming in Europe. 35 European countries, experiences and perspectives