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Marie-Laure Loustau / INRA

02 mai 2017 Info +

Les variations interannuelles de sévérité de l'oïdium du chêne peuvent-elles s'expliquer par un effet du climat de l'hiver sur Erysiphe quercicola ?

De 2008 à 2013, les correspondants-observateurs ont participé à une enquête sur oïdium menée par l'INRA pour mieux comprendre ce pathogène

Marie-Laure Desprez-Loustau, Dominique Piou, Nicolas Feau et Benoît Marçais avec la contribution de nombreux correspondants- observateurs

L'oïdium des chênes est une des maladies forestières parmi les plus communes. Toutefois, sa prévalence et sa sévérité sont très variables selon les années et les localités, comme le montrent bien les données de la base du Département Santé des Forêts (DSF). L’analyse de ces données, fait apparaître un certain nombre de "pics épidémiques" , en particulier dans le sud-ouest (années 1997- 2001).

L’étude a cherché à comprendre si ces pics pouvaient être expliqués par des variables climatiques. De façon plutôt inattendue pour un parasite foliaire, ce ne sont pas les variables climatiques de la saison qui ressortent mais celles de l'hiver précédent. En particulier, on observe que les pics d'oïdium correspondent à des hivers doux.

Pour expliquer cette relation statistique, l’INRA a émis l’hypothèse que les hivers doux favoriseraient la survie hivernale du champignon. Celle-ci peut se faire sous deux formes : soit des chasmothèces (fructifications sexuées du champignon formées à l'automne sur les feuilles sénescentes), soit sous forme de spores asexuées dans les bourgeons. Dans le cas de l'hivernation dans les bourgeons (forme drapeau), les spores sont protégées par les écailles du bourgeon. Dans le cas de l'hivernation sous forme de chasmothèces, une phase cruciale est la synchronisation temporelle au printemps entre débourrement (= production de tissus sensibles au pathogène) et émission des ascospores (= inoculum primaire) permettant l'initiation de l'épidémie.

L’INRA a montré par ailleurs que l'oïdium est causé par un complexe d'espèces morphologiquement très proches, dont les deux plus importantes en France sont Erysiphe alphitoides, l'espèce décrite au moment de l'invasion au début du 20ème siècle et E. quercicola, décrite de façon beaucoup plus récente au Japon et dont la date d'arrivée en Europe est inconnue mais probablement largement antérieure à 2007.

De 2008 à 2013, le réseau de correspondants-observateurs a réalisé des observations et des échantillons dans des placettes de régénération naturelle et des plantations de chênes sessiles et pédonculés pour apporter les éléments nécessaires à l’étude.

Résultats

Analyse de la fréquence locale de formes drapeaux

  1. Cette étude a permis d’associer la forme drapeau à l’espèce Erysiphe quercicola. L'absence de détection de E alphitoides dans les pousses drapeaux est un peu inattendue puisque l'hivernation de l'oïdium dans les bourgeons avait été observée au moment de l'invasion de l'oïdium en Europe au début du 20ème siècle, qui avait conduit à la description de E alphitoides. Des échantillons d'herbiers sont en cours d'analyse pour étudier la chronologie d'apparition de E quercicola en Europe.
  2. Concernant l'impact du climat, l’hypothèse initiale d'un effet de la température de l'hiver sur la survie de l'oïdium dans les bourgeons se vérifie avec la mise en évidence d'un effet inhibiteur des hivers rigoureux (avec des températures minimales inférieures à -12°C). De plus, la hauteur des plants est apparue comme un facteur explicatif majeur de la probabilité de drapeau, ce qui pourrait peut-être s'expliquer par un effet âge, avec une influence positive du polycyclisme sur la probabilité d'infection des bourgeons.
  3. Alors que le chêne pédonculé est généralement considéré comme plus sensible à l’oïdium que le chêne sessile, on observe une fréquence de pousses drapeaux plus forte pour cette dernière espèce.
  4. La meilleure survie dans les bourgeons durant les hivers doux ne semble pas pouvoir expliquer les pics épidémiques d’oïdium. Des niveaux élevés d’infection peuvent être observés pour des situations très contrastées, que ce soit en absence d’E. quercicola ou avec une forte abondance de cette espèce. Il faut souligner que les températures minimales hivernales observées durant l'étude sont inférieures à celles de 1990 ou 2001 dans le piémont pyrénéen, où des niveaux très élevés d'oïdium avaient été observés. Dans une perspective de réchauffement climatique, l'effet d'hivers particulièrement doux reste donc à considérer. Des études de modélisation sont en cours afin d'étudier si un indice de synchronie phénologique chêne-champignon pourrait être utilisé comme indice de risque..