Interview de Marc Mortureux sur la réglementation sur les produits polluants
Partager la page
Marc Mortureux, directeur général de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation (Anses), de l’environnement et du travail, rappelle, au travers d’un entretien que la réglementation sur les produits polluants s’est considérablement améliorée.
Etes-vous surpris des résultats de l’enquête réalisée par l’association Générations futures, publiée mercredi, montrant qu’un enfant de 10 ans est susceptible d’ingérer en une journée plus de 80 substances chimiques différentes, en premier lieu des résidus de pesticides ?
MARC MORTUREUX : Non, ces résultats ne nous surprennent pas. Ce que montre l’enquête réalisée par Générations futures est conforme aux données dont nous disposons sur les résidus de pesticides dans l’alimentation et que nous avons rendu public. Mais je ne peux pas laisser dire que la présence d’une substance chimique dans un aliment sous forme de traces implique nécessairement un risque pour la santé du consommateur.
Comme l’indique elle-même l’association, les quantités trouvées sont inférieures aux seuils réglementaires. Comment ces seuils sont-ils fixés ?
MARC MORTUREUX : Les « limites maximales de résidus » définies au niveau européen sont justement calculées pour éviter les risques concernant la santé des consommateurs. Pour chaque substance visée sont définies des doses journalières tolérables, calculées à partir d’essais cliniques sur des animaux, en prenant de grandes marges de sécurité. On divise ainsi par 100 les quantités de produit maximales autorisées pour les humains, à partir des premiers effets observés chez l’animal notamment...Il faut bien voir que la réglementation s’est considérablement améliorée ces dernières années. De vrais progrès sont enregistrés. Ainsi, alors que 28 %des consommateurs étaient encore exposés en 2005 à des doses de PCB - DL [1] supérieures aux recommandations, ils sont aujourd’hui moins de 1 % . De même, le niveau de concentration des organochlorés dans les eaux littorales a été divisé par cinq entre 1979-1993 et 2001- 2004. Ces dernières années, plus de 75 %des substances actives présentes dans les pesticides ont été interdites.
Donc, tout va bien ?
MARC MORTUREUX : Des contrôles réalisés par la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRE) portant sur 4750 échantillons d’aliments montrent que 94 %d’entre eux sont conformes à la réglementation. Ce taux s’élève à 99 %en ce qui concerne les contrôles réalisés par la Direction générale de l’Alimentation sur la viande, les œufs et le lait. Enfin, dans le domaine de l’eau, qui est très contrôlée, le taux de conformité s’élève à 95 % . Dans les 5 %restants n’ont été constatés que de légers dépassements, sur de courtes périodes.Cela dit, nous restons très mobilisés. Nous avons en cours une grande étude sur l’alimentation. Un peu comme ce qu’a fait Générations futures, mais à très grande échelle. Nous allons étudier la présence de 300 contaminants potentiels dans 20 000 produits alimentaires et les croiser avec les habitudes alimentaires des consommateurs. Nous pourrons dès lors avoir une photographie précise du degré d’exposition des consommateurs aux différents types de contaminants. Les résultats de cette étude seront publiés en juin prochain.
Générations futures reconnaît que les doses trouvées sont très faibles, mais souligne le risque d’un effet cocktail. Qu’en pensez-vous ?
MARC MORTUREUX : C’est une vraie question. Les effets de synergie possible entre de faibles doses de polluants nécessite encore des travaux de recherche. Nous menons des analyses toxicologiques sur les combinaisons des 72 substances les plus couramment trouvées dans l’alimentation. Ce sont des travaux très complexes. Il s’agit non seulement de traces, mais d’effets éventuellement combinés entre ces traces...
Les aliments « bio » contiennent-ils moins de résidus ?
MARC MORTUREUX : Effectivement. Des études spécifiques ont montré que les produits bio n’étaient pas totalement vierges de toute trace de pesticides, mais on en trouve moins que dans les produits « non bio ».
[1] les polychlorobiphényles