13 février 2025 Publication

Retour d’expérience sur les dernières vagues d’adhésion à l’Union européenne. Enseignements pour les futurs élargissements

  • Véronique Bellemain
  • Fabrice Marty

En 2024, la politique d’élargissement de l’Union européenne concerne directement neuf pays, dont l’Ukraine, puissance agricole de premier plan. L’agriculture française appréhende des bouleversements majeurs. Quel sera le devenir de la PAC, dans un cadre budgétaire nécessairement contraint ? Comment préparer la reprise de l’acquis de l’Union dans le domaine sanitaire ? Quels enseignements tirer des précédentes vagues d’adhésions ?

Lettre du CGAAER n°192 - février 2025

Rapport de mission de conseil n°24022

Juillet 2024

Enjeux

L’Union européenne se prépare à accueillir de nouveaux États membres, dans un contexte de crises et de tensions budgétaires exacerbées. Lors de la grande vague d’adhésion des années 2000, la France avait joué un rôle clé dans l’élaboration et la négociation de compromis techniques et budgétaires favorables à sa vision de la PAC et des questions sanitaires. Un retour sur les travaux conduits alors, ainsi que sur les stratégies déployées à différents niveaux, pourrait fournir des éléments utiles pour préparer les négociations en cours et à venir.

Méthodologie

L’étude repose sur un important travail documentaire, notamment la consultation d’archives datant, pour certaines, d’une trentaine d’années : documents de la Commission, du Conseil et du Parlement européens, archives papier du Secrétariat général des affaires européennes, archives électroniques du ministère chargé de l’agriculture. Une bibliographie plus classique a également été mobilisée. Des entretiens ont été conduits avec des acteurs impliqués, à l’époque, dans la préparation et le suivi de l’élargissement.

Résumé

En 2004, l’Union européenne a accueilli, en une seule vague, dix nouveaux États membres, dont huit pays d’Europe centrale et orientale, suivis de la Bulgarie et la Roumanie en 2007, puis de la Croatie en 2013.

En pratique, l’essentiel s’est joué lors du grand élargissement de 2004, qui a jeté les fondations pour les processus ultérieurs (outils de pré-adhésion, critères d’adhésion, méthode de négociation, etc.).

Les négociations de la décennie 1994-2004 se sont déroulées dans un contexte tendu, où la PAC était remise en cause. La France s’est organisée de façon proactive et efficace, au service d’un objectif stratégique clair (maintien d’un statu quo, essentiellement budgétaire, sur la PAC), en coordonnant ses différents niveaux d’intervention, en mobilisant en mode projet des équipes dédiées au sein du ministère chargé de l’agriculture, en développant un outil de simulation performant. Une stratégie d’influence offensive a été déployée, que ce soit au niveau de la Présidence de la République, du Gouvernement ou des services. Les jumelages ont permis de créer un réseau d’alliés favorables à la PAC, et partageant l’approche française des questions sanitaires.

Ces efforts ont été couronnés de succès : la France a largement contribué à construire le compromis établi fin 2002 qui a permis l’élargissement aux nouveaux États membres, tout en leur appliquant la PAC, et en maintenant le budget et les équilibres existants. Dans le domaine vétérinaire, plus consensuel, la reprise de l’acquis par les pays candidats a fait l’objet d’un suivi très rigoureux par la France.

La France semble avoir porté moins d’attention à la négociation des aides structurelles, réformées pour répondre aux besoins prioritaires des 13 nouveaux entrants.

Pour tous les sujets agricoles, au-delà de la pertinence des arguments de négociation, la faible compétitivité des pays candidats explique que les compromis budgétaires retenus aient suffi pour absorber les élargissements de la décennie 2000. Les négociations d’adhésion actuelles s’inscrivent dans un contexte différent et concernent notamment l’Ukraine, puissance agricole majeure très compétitive.

Aussi, la mission recommande notamment de déployer une organisation et une stratégie d’influence performantes, au service d’objectifs clairs et partagés. Elle souligne l’intérêt, pour la France, de porter davantage attention aux fonds structurels et de poursuivre son implication dans les jumelages institutionnels.

À télécharger