10 décembre 2025 Publication

Crise de l’agriculture biologique française : conjoncturelle ou structurelle ? L'enjeu de la compétitivité

  • Thierry Berlizot
  • Claude Ronceray

Tirée par une demande croissante et soutenue par les pouvoirs publics, l’agriculture biologique (AB) a connu un développement important pendant plus de dix ans jusqu’à dépasser 10% de la surface agricole utile. Mais, bien qu’en partie masqués par la pandémie de COVID, certains symptômes d’une crise de l’AB sont apparus en France avant 2019 et se manifestent encore en 2025.
Dans le cadre du Programme Ambition bio, le CGAAER a réalisé une mission de conseil pour décrire et analyser cette crise et formuler des recommandations.

Lettre du CGAAER - Novembre-décembre 2025

Rapport de mission de conseil n°24091

Juin 2025

Enjeux

L’AB est un mode de production qui s’interdit notamment l’emploi d’intrants de synthèse et qui s’appuie davantage que l’agriculture conventionnelle sur les processus biologiques inspirés de la nature. La réglementation européenne prévoit que le respect du cahier des charges fait l’objet d’une certification externe pour les producteurs et les entreprises de l’aval.
Les bénéfices de l’AB pour les producteurs, les consommateurs ainsi que les aménités de ce mode de production justifient que les pouvoirs publics souhaitent son développement et se préoccupent de l’interruption de la trajectoire qu’ils ont définie.

Méthodologie

La mission a auditionné les principaux acteurs de l’AB en France à l’échelle nationale. Elle a complété cette approche par deux déplacements en région et a consulté les travaux institutionnels et scientifiques relatifs à la crise de de ce mode de production.
Elle a bénéficié du concours de l’Agence bio et de ses ressources statistiques.

Résumé

Bien qu’en partie masqués par la pandémie COVID, certains symptômes de la crise de l’agriculture biologique sont apparus en France dès la fin de la décennie précédente. Cette crise se poursuit en 2024-2025, alors que la vague d’inflation 2022-2023 est terminée.
Les ventes en grande distribution de produits issus de l’AB, qui ont connu une longue période de croissance jusqu’en 2020, se réduisent en valeur depuis plusieurs années (-5,1% en 2024) et voit leur part dans la consommation de produits AB se réduire à 47,7% en 2024. Après avoir eux aussi subi de fortes baisses avec le choc d’inflation, les autres modes de distribution progressent à nouveau depuis deux ans.
Ce repli des ventes en grande distribution a des conséquences importantes sur la production et la transformation. Certains déséquilibres peinent à se résorber, entraînant le déclassement d’une partie de la production issue de l’AB vers les circuits conventionnels, par exemple pour le lait, et réduisant les écarts de prix avec les produits issus de l’agriculture conventionnelle. Dans le même temps, le rythme des conversions vers l’AB, encouragées par les aides publiques, est resté élevé. Les productions AB françaises ont peiné à conquérir les autres marchés européens et internationaux. La balance commerciale des produits bio reste nettement déficitaire, à la différence de celle de l’Espagne et de l’Italie dont les produits s’exportent bien.
Aussi, la mission considère que les difficultés de l’AB en France sont durables et spécifiques à notre pays, et appellent des actions structurelles pour en renforcer la compétitivité.
Une meilleure répartition des rôles, avec notamment une plus forte implication des organisations professionnelles dans la gouvernance de l’AB, serait susceptible d’améliorer la compétitivité hors-prix, et de mieux réguler les marchés.
L’amélioration de la compétitivité-prix est également nécessaire, notamment par une plus forte sélectivité des aides publiques et par une rémunération hors marché des services additionnels écosystémiques de ce mode de production.

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