Plus de 20 000 ha de terres agricoles abandonnés chaque année, un angle mort des politiques foncières. Prospective relative aux terres agricoles délaissées à l’horizon 2050
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Alors que le flux net de terres abandonnées chaque année par l’agriculture représente au moins 20 000 ha, le sujet reste un parent pauvre des politiques foncières agricoles et forestières. Bâtis dans le cadre d’un travail de prospective exploratoire portant sur le devenir de ces espaces, quatre scénarios à l’horizon 2050 apportent un éclairage renouvelé sur le phénomène et interrogent les choix d’aménagement du territoire à venir.
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Rapport de mission de conseil n°21131-P
Novembre 2023
Enjeux
La problématique des terres agricoles abandonnées, délaissées ou en friche mobilise peu les politiques agricoles et foncières au niveau national, même si certaines régions s’y sont intéressées. Pourtant, les superficies dont l’exploitation agricole cesse sans autre usage identifié sont au moins équivalentes aux surfaces agricoles artificialisées. L’arrêt de la mise en valeur d’une partie des terres agricoles se trouve au cœur d’enjeux économiques, sociaux, environnementaux et politiques nombreux, aux intérêts souvent contradictoires, qui posent la question de l’avenir des activités agricoles et des arbitrages fonciers dans de nombreux territoires.
Méthodologie
Le rapport présente un travail de prospective exploratoire réalisé avec l’appui d’un comité de pilotage composé d’experts d’horizons et de sensibilités très divers (agricoles, forestiers, naturalistes, spécialistes du foncier…). Après avoir défini, tenté de mesurer le phénomène de l’abandon des terres agricoles et analysé ses causes, le groupe de travail, avec sa dynamique propre, s’est attaché à bâtir quatre scénarios à l’horizon 2050 où la manière dont est géré l’abandon des terres agricoles joue un rôle majeur. Une analyse multicritère a ensuite permis d’étudier les impacts de ces différents scénarios sur les politiques publiques et d’en tirer des enseignements.
Résumé
Les travaux font apparaître des flux d’abandon équivalents à ceux de l’artificialisation (plus de 20 000 ha chaque année), une étendue de surfaces en friche ou sous-exploitées évaluée à près de 10 % de la SAU (2,5 Mha selon le Conseil supérieur du notariat), en dépit d’un large éventail d’outils juridiques de récupération des terres abandonnées.
La manière dont l’abandon des terres agricoles est géré joue un rôle majeur dans les quatre scénarii à 2050 proposés :
- La "Bataille de l’eau" a pour fil directeur de fortes tensions sur la ressource en eau, pénuries et conflits d’usage, qui deviennent des déterminants majeurs. Se dessinent alors une sociologie rurale et un usage des terres en profonde mutation, même si des avancées scientifiques et technologiques permettent une certaine résilience.
- Les "Mosaïques territoriales" misent sur la diversité des productions et usages comme facteur de réduction des risques et de résilience. Le choix de priorités s’organise sur une base territorialisée, qui oblige à des arbitrages fonciers diversifiés.
- "Vive la renaturation", en ligne avec une demande de naturalité, propose une planification volontariste des usages fonciers, donnant priorité à la nature : restauration de la biodiversité, réduction des émissions de gaz à effet de serre, activité agricole contingente mais profitant des progrès technologiques.
- Le "Pacte productif" prône l’optimisation du potentiel productif (alimentaire, énergétique, matériaux) sur tous les espaces agricoles et forestiers, et en ayant recours à toutes les technologies. Les questions environnementales sont intégrées de manière rationnelle et la levée des contraintes réglementaires se combine avec une fiscalité incitative.
Sur la base d’une analyse multicritère des impacts de ces différents scénarios sur les politiques publiques, la mission étudie les mesures de politique foncière et formule deux recommandations plus générales en vue de mieux connaître les flux fonciers – notamment ceux concernant les changements d’usage des terres agricoles – pour agir en connaissance de cause sur les mécanismes d’abandon/reconquête. L’exercice de prospective conclut d’abord à l’urgence de mettre explicitement cette question des terres abandonnées (et demain peut-être convoitées) à l’agenda des politiques publiques.