03 novembre 2025 Publication

Expertiser la baisse du cheptel bovin laitier et ses incidences sur les outils économiques aval des filières

  • Caroline MEDOUS
  • Yves TREGARO

On observe depuis plusieurs années une baisse continue du cheptel laitier, ainsi que ses effets à court et moyen termes sur les outils industriels de l’aval des filières, laiteries et abattoirs. Une mission du CGAAER a analysé les causes de cette situation, les stratégies mises en place par les acteurs et les impacts sur les territoires.

Rapport de mission de conseil n°24085

Mai 2025

Enjeux

La fin des quotas laitiers et la crise de 2016 marquent le début d’une décapitalisation sans interruption du cheptel laitier français, qui s’est accélérée à partir de 2018. Lors des six dernières années, les effectifs ont reculé de 15 % et la collecte de lait de 3 %. La plupart des bassins de production sont touchés. Dans certaines zones, la baisse est telle qu’elle menace l’existence des sites de collecte et de transformation. Les abattoirs de boucherie sont affectés à la fois par la réduction des troupeaux laitiers et allaitants. Sans inflexion de cette décroissance, les conséquences économiques sur les filières bovines et l’aménagement des territoires seront inévitables.

Méthodologie

La mission a analysé les données officielles et la nombreuse documentation. Elle a mené près de 80 entretiens avec des responsables publics, des élus locaux, des acteurs économiques et leurs représentants, des interprofessions, des instituts techniques, des organismes de conseil, des banques et des scientifiques. Elle s’est déplacée dans trois bassins laitiers : Grand Ouest, première zone de production française y compris biologique, Grand Est, proche d’autres États membres producteurs, et Auvergne, où du lait est valorisé en produits d’appellation d’origine protégée ou en lait de montagne.

Résumé

La décapitalisation du cheptel bovin laitier résulte avant tout du départ massif d’éleveurs âgés et d’un taux de remplacement trop faible. Le déficit d’attractivité du métier est surtout dû au niveau de rémunération, modeste au regard du temps travaillé et du capital investi, aux astreintes spécifiques à cet élevage et à son image dans la société. Face à la baisse de collecte, certains industriels se sont repliés sur le marché domestique. Ils ont globalement perdu en compétitivité face aux concurrents européens, faute d’investissements suffisants pour s’agrandir et innover et ils sont moins présents sur les produits porteurs. Dans leurs réflexions stratégiques, ils anticipent une décroissance continue de la collecte et des tensions accrues sur les prix du lait dans l’Union européenne. Les abatteurs industriels, très dépendants du troupeau laitier pour satisfaire la demande croissante et prépondérante de viande hachée, peinent à saturer leurs outils. En dépit des fermetures de sites, la France reste en surcapacité d’abattage. Dans ce contexte, les soutiens publics à des projets d’abattoirs méritent d’être analysés sous l’angle de la viabilité des outils. Ces dossiers devraient être soumis à l’avis non contraignant d’une commission indépendante.

La mission invite les conseils régionaux et les interprofessions à impulser une réflexion stratégique territoriale des acteurs économiques sur la production de demain. Elle souligne la nécessité de maintenir un bon niveau d’aides dans la future programmation de la politique agricole commune. Le recours plus important au salariat permettrait d’alléger le travail des éleveurs et offrirait une première expérience aux futurs repreneurs. Il est donc recommandé de développer la formation des salariés et des exploitants qui les accueillent. Pour attirer les futures générations, les éleveurs et l’interprofession sont invités à mieux valoriser auprès du public le métier de producteur de lait et les atouts de la filière. La mission préconise de renforcer les dispositifs d’accompagnement financier des laiteries de toute taille et d’analyser les sources de complexité administrative auxquelles elles sont confrontées.

La France est l’un des rares États membres à disposer d’atouts majeurs pour développer sa production laitière et conforter sa place sur son marché et à l’international. Il est donc urgent d’établir des relations apaisées entre les acteurs de l’élevage, de la transformation et de la distribution afin de construire un partenariat indispensable à l’avenir des filières lait et viande.

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