
Discours introductif de la ministre lors de la conférence sur la PAC post 2027
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Discours d’ouverture de la conférence sur la future PAC post 2027 - 15 avril 2025
Seul le prononcé fait foi.
Mesdames et Messieurs les Parlementaires, français et européens,
Monsieur le président CHESNAIS-GIRARD,
Mesdames et Messieurs les présidents d’organisations professionnelles et d’établissements publics,
Mesdames et Messieurs,
Je tiens tout d’abord à vous remercier de votre participation à cette conférence sur la future PAC post 2027.
J’ai souhaité organiser cette rencontre car il me semble essentiel que nous ayons un échange, tous ensemble, sur les grands enjeux, les orientations et les priorités pour la prochaine politique agricole commune, en amont de la proposition que va faire la Commission, attendue à l’automne.
J’accorde en effet une grande importance à notre dialogue pour définir les grandes orientations que la France portera lors des négociations qui débuteront prochainement.
Mon objectif est donc que nous commencions aujourd’hui à réfléchir tous ensemble – sans préjugé, dans le respect de nos différences et des positions de chacun – sur les priorités stratégiques pour l’avenir de notre agriculture et de la principale politique qui soutient cette agriculture en Europe, la PAC.
Vous le savez, nous ne partons pas de rien.
Au niveau européen, trois jalons importants ont marqué ces derniers mois.
Tout d’abord, la publication, en septembre 2024, du rapport du dialogue stratégique intitulé : « Une perspective commune pour l’agriculture et l’alimentation en Europe ».
La contribution de ce dialogue est intéressante : il permet de nourrir les réflexions des institutions européennes sur les diverses politiques et leurs outils, et sur le renforcement de leur cohérence.
Ce dialogue a également identifié, de manière pertinente, plusieurs enjeux prioritaires, qu’il s’agisse du revenu des agriculteurs, du renouvellement des générations, de la gestion des risques et des crises, ou encore de l’accompagnement dans la transition environnementale – j’y reviendrai.
Le Conseil des ministres de l’agriculture de l’Union européenne a ensuite adopté, en décembre 2024, ses conclusions sur l’avenir de la PAC.
La France a soutenu ces conclusions, fruits du travail de la Présidence hongroise, qui reflétaient nos priorités. Les discussions ont permis d’aboutir à un équilibre pertinent entre trois enjeux majeurs : la compétitivité du secteur ; la prise en compte de l’environnement ; et la nécessité d’une simplification.
Ce texte exprime sans ambiguïté l’attachement de l’ensemble des ministres de l’agriculture de l’Union à une politique agricole qui soit commune, construite sur deux piliers complémentaires, et qui serve en priorité les grands objectifs du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.
L’adoption de ce texte à l’unanimité lui confère une force particulière, dans un moment clef où il est nécessaire de signifier à la Commission la position forte et consensuelle du Conseil pour notre future politique agricole.
Le contexte géopolitique et les tensions budgétaires (que vous n’ignorez pas) me conduisent en effet, comme nombre de mes homologues européens, à réaffirmer la nécessité d’une PAC qui permette d’accroître la compétitivité durable de l’agriculture, d’assurer un niveau de vie équitable aux agriculteurs, de stabiliser les marchés, de garantir la sécurité des approvisionnements alimentaires, tout en assurant des prix accessibles aux consommateurs.
Enfin, la Commission a publié, le 19 février 2025, sa vision pour l’agriculture et l’alimentation européenne.
J’ai eu l’occasion de le dire : les priorités stratégiques de cette vision rejoignent les orientations portées par la France. Je m’autorise d’ailleurs à penser que les échanges que j’ai eus avec le commissaire HANSEN y ont contribué.
En effet, le renforcement de la souveraineté alimentaire et l’autonomie stratégique de notre agriculture irriguent cette stratégie européenne renouvelée, et je m’en réjouis.
L’enjeu consiste désormais à garantir les moyens permettant de traduire ces orientations en actes ; et c’est bien le rôle que devra avoir cette nouvelle PAC que de concrétiser ces priorités.
De son côté, le Parlement européen a également débuté ses travaux avec un premier projet de rapport d’initiative dont l’adoption est prévue en septembre.
Toutes les institutions européennes sont donc en ordre de marche pour travailler à cette réforme de la PAC, alors même que l’actualité européenne sur la PAC est déjà chargée avec :
la révision ciblée du règlement sur l’organisation commune des marchés, pour renforcer la place des agriculteurs dans la chaîne de valeur ;
la proposition législative destinée à traduire les engagements pris dans le cadre du groupe à haut niveau sur la viticulture et répondre à la crise que traversent certains bassins de production ;
un nouveau paquet de simplification, attendu mi-mai, pour améliorer dès à présent ce qui peut l’être.
S’agissant de la future PAC, la prochaine échéance majeure est prévue en juillet, avec la proposition de la Commission pour le cadre financier pluriannuel (le CFP) qui déterminera l’architecture budgétaire dans laquelle s’inscrira la PAC.
Il s’agit d’une étape fondamentale pour garantir que les moyens alloués à la PAC soient à la hauteur des ambitions et des enjeux, et que la PAC conserve un budget dédié, reposant sur ses deux piliers (FEAGA et FEADER), au service d’une agriculture forte, compétitive et résiliente.
J’y serai donc très attentive et je vous invite tous à la plus grande vigilance sur ce cadre budgétaire.
La France, jusqu’aux plus hautes autorités de l’État, porte une position claire et déterminée, qui refuse le projet d’intégrer la PAC dans un « fonds unique » ; or, nous sommes tous acteurs de ce débat, et pouvez, vous aussi, faire entendre votre voix dans le cadre de la consultation publique sur le futur cadre financier, lancée par la Commission européenne et qui est ouverte jusqu’au 6 mai.
En ce qui concerne la proposition législative pour la prochaine PAC, c’est à partir de septembre que la Commission devrait la rendre publique, ce qui ouvrira la phase de négociation sectorielle au niveau européen.
Ces échéances interviennent dans un contexte où nous devons faire face à plusieurs grands défis :
Le premier d’entre eux concerne le renforcement de notre souveraineté alimentaire et de l’autonomie stratégique européenne.
La réduction de nos dépendances stratégiques constitue une nécessité vitale pour l’Europe ; elle revêt une urgence particulière dans le moment charnière que nous sommes en train de vivre, en lien avec les crises multiples que nous traversons.
La France fait de ce sujet une priorité depuis la « déclaration de Versailles », adoptée en mars 2022 pendant la présidence française de l’Union européenne, et qui avait permis aux Chefs d’État et de Gouvernement des États membres de s’accorder sur la nécessité de renforcer notre souveraineté et d’améliorer notre sécurité alimentaire.
À l’époque, les enseignements de la pandémie de COVID-19 et la guerre d’agression russe contre l’Ukraine nous incitaient à travailler dans cette direction.
Or, les motifs qui avaient conduit à cette déclaration n’ont pas disparu, loin de là : l’Ukraine s’enfonce dans l’horreur de la guerre et un nouveau risque de désordre géopolitique menace depuis les États-Unis, qui vient s’ajouter aux déséquilibres déjà créés par la Chine.
Dans ce tumulte, l’Europe doit reprendre en main son destin et ne pas céder sur son indépendance, dans le domaine alimentaire comme dans d’autres secteurs stratégiques.
En effet, il ne saurait y avoir de sécurité ni pour notre pays, ni pour l’Europe, sans que notre souveraineté alimentaire ne soit garantie. C’est d’ailleurs le message que souhaite envoyer l’actuelle présidence polonaise, et je la rejoins, à l’instar de la plupart des ministres de l’agriculture des États membres.
C’est pourquoi nous devons redoubler d’efforts pour renforcer la compétitivité de nos filières agricoles et agroalimentaires, ainsi que notre capacité à accompagner dans la durée celles et ceux qui assurent la production de notre alimentation et le dynamisme de nos territoires ruraux.
À cet égard, la question du renouvellement des générations est primordiale.
Or, plusieurs menaces pèsent sur la pérennité de l’activité agricole, qui sont liées notamment à un manque d’attractivité du métier, dont l’insuffisance de revenus qui persiste dans certaines filières est en grande partie responsable.
Face à cette situation, le rôle essentiel des agriculteurs européens pour assurer une alimentation suffisante et de qualité doit être rappelé et valorisé, et un revenu suffisant et juste doit leur être assuré.
S’ajoutent à ces défis des vulnérabilités croissantes liées aux conséquences du changement climatique, tant sur la biodiversité que sur la raréfaction de ressources clés pour la production agricole, notamment l’eau, en première ligne face aux bouleversements météorologiques.
La multiplication des phénomènes climatiques extrêmes menace les rendements agricoles. Le changement climatique est également source de risques sanitaires – je pense aux maladies vectorielles, comme l’IAHP, la FCO ou encore la MHE.
Dans ce contexte, les enjeux de prévention et de gestion des risques et des crises, et ceux de l’accompagnement des agriculteurs dans la transition de nos systèmes agricoles et alimentaires, pour les rendre à la fois plus compétitifs, plus durables et plus résilients, sont majeurs.
Cela ne se fera pas sans un accompagnement efficace des acteurs, et au premier chef des exploitants agricoles, car toute transition implique des efforts importants d’adaptation ; ainsi, les agriculteurs ne doivent pas être laissés seuls, ni sans solutions, car ce sont eux qui assurent la puissance agricole du pays et donc, garantissent sa souveraineté.
Enfin, nous devons – et ce, dès le début des réflexions sur les outils dont nous voulons disposer demain – garder à l’esprit l’impératif de la simplification qui doit irriguer notre action.
Ce chantier de l’allégement de la charge administrative est une priorité partagée par l’ensemble des acteurs.
Au-delà des chantiers qui nous mobilisent au niveau national, la simplification doit porter, selon moi, à la fois sur les objectifs (qui doivent gagner en lisibilité), sur les outils (dès leur conception), et sur les règles d’application, de suivi et de contrôle.
Nous devons, tous ensemble, revoir nos processus. L’adaptation des dispositifs au plus grand nombre de situations particulières, pour légitime qu’elle soit, contribue aussi à nourrir une certaine complexité. Nous avons donc un effort collectif de simplification à mener car cette complexité n’est aujourd’hui plus comprise ni acceptée sur le terrain.
Il en va de l’acceptabilité et de la réussite des objectifs communs que nous nous fixerons pour la future PAC, qui devra permettre d’améliorer les réponses aux enjeux multiples que je viens d’aborder, tout en simplifiant la mise en œuvre de ces réponses et le travail quotidien des paysans qui est de produire pour nous nourrir.
Le temps de la réflexion collective sur les outils et sur les instruments à notre disposition au niveau européen est donc venu.
C’est donc logiquement autour de ces grands enjeux que je vous propose d’organiser nos échanges aujourd’hui, autour de trois tables rondes.
- la première sera consacrée à l’amélioration de la compétitivité des filières et de la souveraineté agricole à l’échelle européenne ainsi que, de manière liée, à la garantie d’un revenu juste pour les agriculteurs ;
- la seconde abordera les enjeux de prévention, de maîtrise et de gestion des risques et des crises, face au changement climatique et à la multiplication de ses conséquences.
- enfin, la troisième nous permettra d’échanger sur les moyens d’accélérer et de réussir les transitions à l’échelle des exploitations, des filières et des territoires ; y sera également abordée la question, qui me semble cruciale, des moyens pour mieux reconnaître les services écosystémiques rendus par l’agriculture.
À l’issue de chaque table ronde, vous serez invité à approfondir les réflexions par des questions aux intervenants sur ces sujets.
Avant de laisser la place au président CHESNAIS-GIRARD, je souhaiterais insister sur le fait que le contexte international nous oblige aujourd’hui, et que l’agriculture française et européenne se trouve à un tournant.
Je souhaite vous dire que, quoiqu’il arrive dans ce climat préoccupant et incertain, vous pourrez compter sur ma détermination pour œuvrer à la défense de nos producteurs et à travers eux, de la capacité productive ancrée dans nos territoires.
Je remercie à nouveau chacun de sa participation, et je salue en particulier les intervenants qui se sont rendus disponibles pour animer nos débats et qui représentent bien la diversité de notre agriculture et de ceux qui contribuent à son développement.
Voir aussi
Conférence « Pour une agriculture forte et résiliente : la future politique agricole commune post 2027 »
15 avril 2025Politique agricole commune

Dossier du participant à la conférence sur la PAC post 2027
15 avril 2025Politique agricole commune
