La pépinière expérimentale de Cadarache
Xavier Remongin / agriculture.gouv.fr

26 février 2025 Info +

À Cadarache, la recherche française prépare la forêt de demain

À 30 km d’Aix-en-Provence, dans l’un des trois pôles de ressources génétiques forestières gérés par l’Office national des forêts (ONF) se joue une partie de l’avenir de la forêt française. Une équipe de chercheurs de la pépinière de Cadarache mène des expérimentations visant à préparer les essences forestières au climat du futur.

En France, sous l’effet du changement climatique, 670 000 hectares de forêt montrent des signes de dépérissement. Leur intensité varie selon les essences et les régions, mais cette estimation est trois fois supérieure à celle réalisée en 2017. Dans la forêt domaniale de Cadarache, à Saint-Paul-lez-Durance, les stigmates des sécheresses récurrentes se révèlent sur les cimes des chênes pubescents. Progressivement, cette espèce cède sa place au chêne vert, une essence locale plus résistante à la sécheresse grâce à ses feuilles épaisses et soyeuses qui réduisent l'évapotranspiration de l’arbre. Dans le même temps, d'autres espèces s'installent naturellement, comme le pin d'Alep ou le cèdre de l'Atlas. « 50 % des espèces devraient s'adapter, précise Julien Panchout, directeur de l’agence territoriale Bouches-du-Rhône et Vaucluse de l’ONF, mais pour l’autre moitié, il faudra les accompagner ».

Anticiper l'adaptation des forêts

À Cadarache, l’adaptation de la forêt passe par les expériences de l’équipe de la pépinière, créée en 2017. « Notre mission est d'étudier diverses essences forestières afin de trouver celles qui résisteront le mieux aux conditions climatiques futures », explique Jérôme Reilhan, responsable de ce pôle expérimental. Sous les vastes serres, des rangées de bacs accueillent de jeunes pousses, issues de différentes provenances et soumises à des niveaux variés de manque d’eau. « L’objectif est de voir comment chaque plante réagit et quelles sont les plus résistantes », précise Jérôme Reilhan, en montrant les différences visibles sur la taille des plants et la couleur de leurs aiguilles, entre un plant stressé et un plant « témoin » arrosé normalement. En collaboration avec le CNRS et le BIAM (Institut de biosciences et biotechnologies d’Aix-Marseille), les chercheurs testent également une nouvelle technique : l’inoculation d’hormones et de bactéries pour simuler le manque d’eau, dans le but de renforcer la mémoire adaptative des essences. « L’idée est d’habituer les jeunes plants à la sécheresse dès leur plus jeune âge », explique Jérôme Reilhan. Les traitements seront ensuite reproduits en forêt pour tester la survie des plants dans leur environnement naturel.

Sauvegarder la biodiversité

Au-delà des expérimentations sur les espèces locales et du sud méditerranéen, la pépinière de Cadarache a pour mission de préserver le patrimoine génétique du pin de Salzmann, une essence endémique et particulièrement résistante à la sécheresse. 695 génotypes différents ont d’ores et déjà été répertoriés et un verger à graines a été créé pour conserver cette diversité génétique et produire des graines pour les futures plantations. Cette mission de préservation est cruciale dans un contexte où la biodiversité des forêts peut être menacée par les incendies et les pathogènes.

Des données au service de la modélisation climatique

Ces expériences alimentent des modèles prédictifs d’adaptation des forêts au changement climatique. ClimEssence, un outil d’aide à la décision pour la gestion forestière, se base entre autres sur les données récoltées dans la pépinière pour évaluer quelles essences forestières seront encore adaptées d’ici à 2080. Julien Panchout insiste sur l’importance de ces données pour anticiper l’avenir des forêts en fonction des scénarios climatiques dressés par le GIEC. « Prenons l’exemple du pin d’Alep : même dans les scénarios les plus pessimistes, il demeure bien adapté à notre climat. En revanche, le chêne pubescent pourrait disparaître de certaines forêts en Provence d'ici la fin du siècle. » La pépinière de Cadarache est donc le premier maillon de la stratégie d’adaptation des forêts au climat de demain. Mais il faudra une centaine d’années avant que les résultats en forêt soient visibles. « Ce que nous faisons aujourd’hui déterminera la santé et la résilience des forêts dans les siècles à venir », conclut Julien Panchout.

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La pépinière expérimentale de Cadarache
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