Transmission d'exploitation : chronique d’un passage de relais réussi
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Vidéo de Guy à Simon, la transmission d'une exploitation :
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On est partis plutôt sur les fruits...
En 1981, Guy Verguin s’installe sur l’exploitation Le Pavillon à Mornant, au cœur de la région Auvergne-Rhône-Alpes. 40 ans plus tard, en 2021, il transmet sa ferme arboricole et maraîchère à Simon Mermet.
Je m'étais associé avec mon beau-frère qui, à l'époque, était associé avec son père. Au fil du temps, on a spécialisé les fruits. On ne voulait pas s'occuper de la commercialisation et sachant qu'on avait une coopérative qui était à 300 mètres de chez nous, donc ça a été l'occasion de développer toute la partie fruits. Donc depuis 1981, jusqu'à 2021, quand Simon a repris l’exploitation.
- J'ai voulu un petit peu me mettre à mon compte et je suis tombé sur les coteaux du Lyonnais. Et là, j'avais eu écho qu'il y avait une coopérative qui tenait la route. J'ai appelé la coopérative Sicoly en leur demandant : « Est-ce qu’il n’y aurait pas des fermes à reprendre ? »
C’est comme ça que j'ai été mis en contact avec M. Verguin, qui est le cédant de l'exploitation.- Avec mon épouse, on avait tendance à se dire qu’il faudrait bien qu’on arrête à un moment. On a répondu à ce mail et de fil en aiguille, on a eu des contacts, il est venu voir à une époque. Je m’en rappelle bien parce qu'il est venu au mois d'avril et moi sachant qu’il venait, il faisait un temps magnifique, pas le même temps qu’aujourd’hui, un ciel bleu...
Et donc j'avais tout bien tondu pour que ça fasse un peu du tape-à-l'œil et je considère que ça a bien marché !- Ça, il ne me l’avait pas dit !
J’ai gardé le même statut juridique, et donc aucune négociation avec les propriétaires de terrain, tout ça.
- L’EARL avait des parts sociales au niveau de la coopérative, elles sont restées, et il a repris les parts qui étaient existantes, donc rien n’a changé.
- C’est tout simplement changer le nom du gérant et faire un petit chèque... Et voilà !
- Quand Simon a repris l'exploitation, le deal c'était que je reste au moins un an avec lui, à travailler à temps plein avec lui.
- Je travaillais déjà dans le milieu agricole, donc l’approche on va dire intellectuelle de l'agriculture, on va dire que je la maîtrisais. Par contre, tout ce qui était questions pratiques, tout ce qui est mécanisation, ça c’est quelque chose que je maîtrisais très peu, et c'est ce que Guy m'a beaucoup apporté.
- Je reconnais qu’il s’y est vite mis quand même.
- Heureusement que Guy était là, parce que c'est lui qui a permis de me faire relativiser. Par exemple, en 2021, j'ai tout gelé.
Je m'étais installé, donc installé en novembre, et le 6 avril, grand coup de gel, -8 °C, plus de cerises.- Je lui ai dit : « Ce n’est pas grave. Parce que moi, en 1981, quand je me suis installé, le 1ᵉʳ avril et le 9 avril, on a pris -7 °C, donc je sais ce que c'était. »
- Quand j'ai gelé, il m’a dit : « Ne t'inquiète pas, ça va le faire. »
Ils avaient une entreprise qui était résiliente, capable de subir des gros coups de gel. Oui, on avait gelé la cerise, on a gelé la pêche, mais derrière il y avait le cassis, la groseille et on a fait des très jolis chiffres d'affaires.
C'est surtout gérer de l'émotion.- Étant donné que je suis auto-entrepreneur, je peux aller aider. Les trois quarts du temps, il sait que je suis disponible, il le sait et il a intérêt à s’en servir !
- Mais on fait en sorte de lui donner du bon boulot !
- Moi je viens l'aider, mais je le laisse faire. Par moments, il me demande mon avis, je lui donne mon avis mais c'est lui qui prend ses décisions, moi je n’ai pas à intervenir là-dessus. Et ça c'est important.
Il faut savoir décrocher, et c'est souvent le problème d'une transmission de père-fils ou de père-fille, souvent l'ancien veut toujours mettre son grain de sel.
Là, c'est presque mon fils, parce qu'il a l'âge déjà, il pourrait l’être, mais c’est à lui de prendre ses décisions, moi je n’interfère pas là-dedans.- Non mais c'est vrai que c’est une bonne remarque. Parce que la première année, sachant que je ne connaissais pas le milieu de l'arboriculture, je me suis dit : « Simon, tu fais comme Guy faisait. »
Parce que j'ai acheté quand même une rentabilité économique basée sur les pratiques de Guy. Donc la première année, même si je n’étais pas forcément d'accord, j'ai fait quand même. J'ai remarqué qu'il y avait des choses que je pouvais améliorer, et des choses que non, il faut rester sur les pratiques qui étaient pratiquées par l’EARL du Pavillon par le passé, parce que ça marche, c’est performant, pas tout remettre en question.- Nous, on va dire que c'est une transmission qui s’est très bien passée, aussi bien pour nous que pour lui je pense, puisqu'il continue et que tout va bien.
Originaire de l’Ain, Simon Mermet a repris en 2020 les rênes de l’EARL du Pavillon, une ferme arboricole et maraîchère perchée sur les Monts du Lyonnais. Cette installation hors cadre familial a été facilitée par la bonne entente entre Simon et l’ancien exploitant, Guy Verguin.
« Ce paysage vallonné, c’est l’une des raisons de mon arrivée ici. » À une demi-heure de Lyon, l’exploitation de Simon Mermet s’étend sur 39 hectares, dont 25 de vergers et plantations de fruits rouges. Cerisiers, pêchers, cassissiers, framboisiers… Cette diversité de cultures est chose commune dans le terroir rhodanien. Avec 19 % des surfaces nationales, l’Auvergne-Rhône-Alpes est le 3e verger de France, et la 1re région en production de cerises, d’abricots et de framboises (Agreste, 2024).
Simon Mermet n'est pas arrivé à Mornant par hasard. Après l’obtention de son diplôme d’ingénieur horticole, il a rejoint une coopérative bretonne comme responsable de production dans les semences. Il y est resté plusieurs années avant de vouloir se mettre à son compte. À défaut de pouvoir s’installer dans sa région natale, il a contacté une coopérative de la région lyonnaise, identifiée lors d’un stage… à Mornant.
Un projet de transmission qui a trouvé (re)preneur
La coopérative a envoyé son portrait aux adhérents ; trois d’entre eux lui ont répondu. Mais en raison de plantations vieillissantes et d’une rentabilité insuffisante, Simon Mermet a écarté deux propositions. La troisième correspondait davantage à son projet d’installation. « L’exploitation se situait sur les Monts du Lyonnais, à proximité d’une coopérative qui tenait la route, avec de l’irrigation et un véritable potentiel de développement ». C’était le premier contact entre le futur repreneur et son cédant, Guy Verguin, gérant de l’EARL du Pavillon.
L’EARL du Pavillon en chiffres
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39 hectares en fermage, dont 25 hectares dédiés à l’arboriculture et au maraîchage (cerises, pêches, cassis, groseilles, melons, pastèques…) ;
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4 tonnes de pommes de terre primeur produites en 2025 ;
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450 000 € de chiffre d’affaires annuel ;
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1 salarié permanent et jusqu'à 45 saisonniers en pleine saison.
Leur bonne entente a été immédiate. La décision n’a donc pas tardé à être prise. Ensemble, ils ont préparé le passage de relais. « Ça a été une transmission facile. Quand les deux parties prenantes jouent le jeu, les démarches se passent bien », confie Guy Verguin. Deux ans après, en novembre 2020, Simon Mermet s’installait.
« La première année, je n’ai rien changé. »
Tout juste installé, le jeune agriculteur a décidé de suivre le système de son prédécesseur, bien qu’en désaccord avec certaines pratiques. « L’erreur, c’est de vouloir tout changer d’un coup. Il faut être progressif. » Cette première année lui a permis d’apprendre les techniques de l’arboriculture, qu’il ne maîtrisait pas, comme la mécanisation. Pour l’accompagner, il a pu compter sur Guy Verguin : cédant et repreneur avaient convenu d’une période de transition lors de la transmission.
Mettre en place son propre système : le temps de l’expérimentation
Simon Mermet a proposé progressivement de nouvelles pratiques. Il a optimisé l’utilisation des produits phytosanitaires. Les techniques d’intervention ont été automatisées. Il a notamment modernisé les systèmes d’irrigation, essentiels pour gagner en temps et en précision, et développé la fertirrigation pour améliorer la gestion de l’eau et les apports en nutriments.
Aujourd’hui, le travail de sécurisation et de modernisation se poursuit. De diversification aussi : Simon Mermet expérimente de nouvelles productions, en introduisant d’autres fruits comme les framboises sous serre, les melons, les pastèques… et légumes, avec les petits pois et les pommes de terre primeur. Diversifier les cultures lui permet de sécuriser les revenus mais aussi d’étendre les récoltes sur l’année : il emploie désormais des saisonniers de mars à novembre. Son ambition pour demain ? Il souhaite stabiliser l’activité afin d’avoir une entreprise performante et durable. Pérenniser sans tout bouleverser, car, pour lui, le plus important est là : « Garder l’essence de la ferme. »
Guy Verguin : « J’ai eu une chance inouïe de rencontrer Simon »
Transmettre, il y pensait sans s’en préoccuper. C’est la rencontre avec Simon Mermet qui a été le déclencheur de sa démarche. Aujourd’hui, Guy Verguin se réjouit de cette décision, et continue de travailler sur l’exploitation en tant qu’auto-entrepreneur.
Guy Verguin est devenu gérant de l’EARL du Pavillon en 1986, à la suite de son beau-père. C’est en 2018 qu’il a reçu, par l’intermédiaire de sa coopérative, le portrait de Simon Mermet, qui souhaitait s’installer dans la région. Le rendez-vous était donné. Après avoir partagé avec Simon les documents nécessaires à sa prise de décision – bilans comptables de l’entreprise, plan d’exploitation, systèmes de production et de commercialisation – la reprise s’est concrétisée, facilitée par la bonne entente entre les deux hommes. Ils ont effectué les démarches sans solliciter de l’aide : « Nous savions que nous pouvions être accompagnés mais nous n’en avons pas ressenti le besoin. »
En novembre 2020, Guy Verguin passait finalement le relais. Il travaille toujours à l’EARL du Pavillon, mais de manière ponctuelle, avec un statut d’auto-entrepreneur. Il tient à continuer de « donner un coup de main » sur l’exploitation. « Quand on a travaillé pendant quarante ans, on ne s’arrête pas du jour au lendemain ! » Il mesure la chance qu’il a eue de réaliser une transmission aussi harmonieuse. « J’ai eu une chance inouïe de rencontrer Simon, beaucoup de collègues agriculteurs me le disent », confie-t-il. « Aujourd’hui, peu de jeunes veulent s'installer en arboriculture. C'est dommage, car en France, la demande en fruits est importante. »
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