Mise en place d’une liste d’espèces animales non domestiques pouvant être détenues à des fins de compagnie et d’agrément et définition d’un « élevage de conservation »
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Des vidéos de servals se prélassant comme des chats sur un canapé de particuliers circulent. Pour lutter contre les acquisitions coup de cœur de tels animaux, la loi sur le bien-être animal de 2021 prévoit l’établissement d’une liste des espèces non domestiques autorisées à la détention sans formalité pour la compagnie ou l’agrément. Afin de proposer une méthode pour l’élaborer, une mission du CGAAER et de l’IGEDD a été mobilisée.

Rapport de mission de conseil n°24054
Avril 2025
Enjeux
- Le principal enjeu est l’acceptabilité de la méthode proposée pour l’élaboration de listes d’espèces autorisées, que ce soit :
sur le plan juridique, en s’assurant que les dispositions nationales déclinant la loi de 2021 soient compatibles avec le droit européen ; - sur le plan scientifique, en promouvant une approche basée sur les risques et reposant sur des critères couvrant l’ensemble des atteintes potentielles à la santé humaine et animale, au bien-être animal, à la biodiversité et à l’environnement, et mobilisant des expertises indépendantes et reconnues ;
- sur le plan administratif, en veillant à instaurer un processus basé sur les organisations et modalités existantes ;
- sur le plan sociétal enfin, en s’assurant de l’approbation à la fois des détenteurs, des représentants des éleveurs (en particulier les éleveurs amateurs participant à des programmes de conservation), des services de contrôle et des associations de protection animale.
Méthodologie
La mission s’est appuyée sur un parangonnage conduit auprès de pays européens engagés dans des exercices d’élaboration de listes positives de mammifères, reptiles voire poissons, ainsi que sur la consultation de représentants de l’ensemble des parties prenantes. Pour mener à bien ses travaux, elle a traduit et analysé une large bibliographie. Elle a rencontré des représentants de la Commission européenne, des institutionnels de plusieurs États membres les principaux interlocuteurs nationaux et têtes de réseau. Elle s’est rendue sur deux sites d’élevage, choisis pour être représentatifs de la diversité des activités des élevages amateurs d’animaux d’espèces non domestiques.
Résumé
Les listes d’espèces non domestiques, autorisées à être détenues sans formalité administrative dites « positives », introduisent un changement de paradigme sans précédent dans la détention d’animaux de ces espèces pour la compagnie ou l’agrément. Elles vont nécessairement réduire le nombre d’espèces dont la possession est autorisée aux particuliers. La mise en place du dispositif d’élaboration de ces listes ouvre un chantier tout à fait conséquent pour les services du ministère en charge de la biodiversité, et nécessite la mobilisation de ressources financières et humaines sur le temps long.
Ce chantier revêt également une dimension européenne. Il pourra s’appuyer sur les travaux conduits en Belgique et aux Pays-Bas et prendre en compte les études européennes, dont plusieurs lancées à l’initiative de la Commission sont en cours au moment de l’écriture du rapport. La France peut jouer un rôle moteur au sein de l’UE sur cette démarche, qui ouvre la voie à des partenariats scientifiques entre États membres.
Le rapport propose un dispositif pour la mise en œuvre de listes « positives » en France s’appuyant sur une gouvernance interministérielle et des opérateurs publics détenteurs d'une expertise en matière d'évaluation des risques, de santé publique, de bien-être animal et de biodiversité : Anses, OFB, INRAe, écoles vétérinaires notamment. Il est essentiel que le processus d'élaboration soit transparent et accessible, permettant aux parties prenantes d’y participer activement. Le rapport recommande de développer un solide plan de communication et de formation afin d’accompagner la mise en œuvre de ce dispositif et d’assurer l’acceptation et l’appropriation des nouvelles règles.
Un des défis de cette évolution sera de ne pas décourager les amateurs compétents qui ont développé une expertise et concourent à la connaissance et à la conservation de la biodiversité, dans une proximité avec les professionnels. Dans un contexte de déclin de la biodiversité et de risques pandémiques et épizootiques latents, la liste positive peut être vue comme une opportunité d’apaiser les tensions entre protection de la nature, bien-être animal et pratiques culturelles, et de réconcilier les attentes diverses des parties prenantes dans le cadre d’une approche « Une seule santé ».
La mission s’est enfin penchée sur le cas du sanglier recueilli dans la nature, dont la détention par un particulier est, en France comme ailleurs en Europe, toujours assujettie à l’obtention d’une autorisation administrative. Elle n’a pas proposé de renforcer la réglementation en vigueur, considérant son application comme prioritaire.