La prescription vétérinaire de médicaments hors examen clinique
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Le CGAAER et l'IGAS ont été chargés de déterminer dans quelle mesure la prescription vétérinaire de médicaments, hors examen clinique préalable des animaux auxquels ils sont destinés, pourrait constituer un risque en termes de santé publique
Rapport de mission interministérielle de conseil n°15040 CGAAER - IGAS
Décembre 2015
Mots clés : Prescription vétérinaire ; examen clinique ; bilan sanitaire d’élevage ; protocole de soins ; suivi sanitaire permanent ; antibiorésistance ; sécurité sanitaire
Enjeux
La prescription de médicaments par un vétérinaire, sans examen clinique préalable des animaux auxquels ils sont destinés, est encadrée par le code de la santé publique. Il s’agit d’une pratique qui concerne largement les antibiotiques et qui, à ce titre, est prise en compte dans le plan national de réduction des risques d’antibiorésistance en médecine vétérinaire (plan Écoantibio 2012-2017).
La mission a été chargée de réaliser un état des lieux de l’application de la réglementation pour évaluer dans quelle mesure la prescription de médicaments hors examen clinique pourrait constituer une pratique à risque en termes de santé publique.
Méthodologie
La mission était composée de Pascale Briand et Catherine Dupuy du CGAAER, de Patricia Vienne et Charles Barbin de l’IGAS. Elle a étudié la pratique de prescription sans examen clinique de médicaments par les vétérinaires en centrant particulièrement ses observations sur la délivrance des antibiotiques. Les conditions de réalisation du suivi sanitaire permanent ont été plus spécifiquement analysées à partir des avis des éleveurs et parties prenantes.
Résumé
Pour pouvoir prescrire des médicaments sans examiner un ou des animaux dont la chair ou les produits sont destinés à la consommation humaine ou élevés à des fins commerciales, le décret n°2007-596 du 24 avril 2007 prévoit que le vétérinaire assure un suivi permanent de l’élevage qui comporte :
- la réalisation d’un bilan sanitaire d’élevage ;
- l’établissement et la mise en œuvre d’un protocole de soins ;
- la réalisation de visites régulières de suivi ;
- la dispensation régulière de soins, d’actes de médecine ou de chirurgie.
Cependant, dès l’origine, le cadre réglementaire n’a pas réussi à s’imposer à la prescription sans examen clinique, y compris lorsqu’elle concerne les antibiotiques. Si les supports documentaires requis, que ce soit le bilan sanitaire d’élevage ou le protocole de soins, sont aujourd’hui quasiment toujours présents, en revanche, la mise en place de visites de suivi et de soins réguliers assurées par le vétérinaire et, de façon plus générale, les échanges d'informations entre éleveur et vétérinaire qui constituent l'ossature du dispositif de suivi permanent, semblent avoir été perdus de vue.
Les recommandations formulées par la mission visent globalement à simplifier les dispositions réglementaires afin de les recentrer sur leur objectif premier : lier la prescription sans examen clinique à l’existence d’un suivi sanitaire permanent assuré en partenariat par le vétérinaire et l’éleveur.
Certaines recommandations tendent à renforcer le caractère contractuel de ce partenariat indispensable entre l’éleveur et le vétérinaire : limitation stricte à un vétérinaire unique désigné par l’éleveur pour le suivi sanitaire permanent d’une espèce et d’un type de production, fixation dans le protocole de soins du nombre de visites de suivi et des critères d’alerte les mieux adaptés à l’élevage et à l’éleveur, matérialisation des engagements respectifs du vétérinaire et de l’éleveur.
D’autres recommandations prennent en compte la question de l’antibiorésistance.
La mission préconise d’exclure de la prescription sans examen clinique les antibiotiques utilisés à titre préventif, en ménageant des délais d’entrée en application de la disposition adaptés aux différentes filières.
Elle recommande par ailleurs de lier la prescription sans examen clinique d’un second antibiotique après un échec thérapeutique ou une rechute, à la réalisation préalable d’une identification du germe responsable et d’un test de sensibilité aux antibiotiques.
Elle estime qu’un des critères d’alerte incontournable doit concerner la quantité d’antibiotiques prescrits sans examen clinique : le dépassement d’un seuil adapté au type de production et fixé dans le protocole de soins devra déclencher la visite du vétérinaire.
Elle recommande la rédaction d’une nouvelle ordonnance pour la réutilisation d’antibiotiques présents dans la pharmacie d’élevage afin d’assurer la traçabilité du traitement.
Enfin elle insiste pour que le renouvellement de la délivrance d’antibiotiques prescrits sans examen clinique soit prohibé.
La mission suggère par ailleurs l’établissement pour chaque élevage d’un bilan annuel de la prescription d’antibiotiques sans examen clinique, qui permettrait à l’éleveur et au vétérinaire d’en apprécier l’évolution et, le cas échéant, de développer le recours aux mesures sanitaires alternatives à l’usage des antibiotiques.
Dans un contexte de réduction des moyens consacrés à l’inspection, la mission recommande enfin de mettre à profit la complémentarité des corps de contrôle (pharmaciens inspecteurs et inspecteurs de santé publique vétérinaire) en remettant en vigueur la pratique de contrôles ciblés sur la sécurité sanitaire et réalisés à partir d’analyses de risque partagées.