Évolution de la lutte anti-vectorielle en santé animale
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Quelles sont les méthodes de lutte contre les vecteurs d’épizooties ? Pourrait-on s’inspirer des acquis en santé humaine comme en santé des végétaux et mieux prendre en compte la santé environnementale ? Dans le contexte de crises liées aux fièvres catarrhales et à la maladie hémorragique épizootique, une mission dresse l’état des connaissances sur la lutte anti-vectorielle (LAV) en santé animale et ses perspectives, selon les familles de vecteurs.

Rapport de mission de conseil n°24034
Décembre 2024
Enjeux
La répétition de maladies vectorielles entraînant des pertes notables dans les élevages implique d’optimiser la lutte contre les insectes et acariens vecteurs. De plus, certains agents pathogènes concernés contaminent aussi les humains.
Les mesures classiques de biosécurité ont une efficacité limitée sur ces vecteurs qui connaissent des modifications de populations liées au changement climatique. En conséquence, en l’attente d’une vaccination efficace, sous réserve qu’elle soit possible, la LAV est la seule méthode de lutte envisageable. Or, la lutte chimique individuelle, actuellement employée, est limitée par l’apparition de résistances aux molécules autorisées et par l’impact potentiel de celles-ci sur l’environnement.
Méthodologie
Une revue documentaire des avancées des 15 dernières années et des entretiens avec des acteurs-clefs faisant référence dans leur domaine d’expertise ont été conduits. En parallèle, une consultation d’experts de pays à la situation épidémiologique proche de la France a été effectuée et largement complétée par la capitalisation de l’expérience des territoires ultra-marins en matière de LAV. En sus de ce parangonnage géographique, une étude comparative avec les luttes menées en santé humaine et santé des végétaux a été conduite.
Résumé
La recrudescence chez les ruminants de la fièvre catarrhale du sérotype 8 et l’apparition, puis l’explosion, du sérotype 3 et de la maladie hémorragique épizootique en 2023 et 2024 ont provoqué une nouvelle crise sanitaire liée à des arboviroses transmises par des culicoïdes. D’autres maladies vectorielles zoonotiques (fièvre catarrhale de sérotype 12, fièvre du Nil occidental et fièvre hémorragique Crimée-Congo) menacent les cheptels français continentaux qui, jusqu’en 2006, n’avaient jamais connu d’épizootie vectorielle.
Si la sensibilité des culicoïdes aux insecticides classiques reste globalement bonne, la nécessité de réitérer des traitements et le nombre réduit de substances autorisées impliquent de viser une lutte intégrée, d’autant que d’autres vecteurs, notamment en Outre-mer, développent des résistances.
Aux luttes environnementales ciblant les gîtes larvaires et aux luttes mécaniques (piégeage, confinement etc.), déjà utilisées contre certains vecteurs, s’ajoutent notamment des techniques de lutte biologique, d’incompatibilité cytoplasmique, de stérilisation par ionisation, voire de sélection par ciseaux moléculaires ou recourant à des produits de biocontrôle et, pour certaines tiques, de vaccination. Toutefois, pour les culicoïdes, aucune évolution des méthodes employées ne semble envisageable à moyen terme.
Pour tous les vecteurs potentiels, des connaissances scientifiques supplémentaires sont nécessaires afin d’améliorer ces différentes méthodes. La recherche conduite en France sur le sujet foisonne, bien que sous-financée et encore trop cloisonnée et sectorisée. Tant en santé humaine qu’animale ou végétale, les problématiques scientifiques, techniques et juridiques, sont proches. Il convient en outre de protéger la biodiversité. À ces fins, une coordination de l’appui scientifique et de la diffusion des connaissances, placée sous l’égide des ministères concernés, serait utile, de même pour l’encadrement de nouvelles méthodes de lutte. L’arrivée récente de ces maladies vectorielles animales en Allemagne et dans plusieurs pays d’Europe centrale et orientale devrait aussi favoriser une réflexion de l’Union européenne (UE) sur ces recherches.
Il semble également nécessaire que le ministère chargé de l’agriculture confie un mandat sur ce sujet de santé animale, prenant en compte l’Outre-mer, à des structures de recherche. En effet, les mandats actuels concernent exclusivement les agents pathogènes et non leurs vecteurs. D’autre part, les crédits de recherche sur les maladies vectorielles sont essentiellement orientés sur les maladies humaines, à l’exception de crédits pluriannuels conséquents accordés, dans le cadre du plan d’action stratégique pour l’anticipation du potentiel retrait européen des substances actives et le développement de techniques alternatives pour la protection des cultures (PARSADA), à la lutte contre les insectes pour protéger les végétaux. Un tel engagement serait utile pour ce sujet de santé animale. Une surveillance entomologique par réseaux de piégeage devrait permettre de détecter rapidement la circulation d’une nouvelle souche dans l’UE et d’agir en conséquence.
La lutte anti-vectorielle, les mesures de biosécurité, peu utilisables pour les ruminants ou pour lutter contre les culicoïdes et les restrictions de mouvement d’animaux sont les seuls moyens de lutte contre la diffusion des maladies vectorielles jusqu’à la réalisation d’une vaccination efficace qui nécessite de disposer d’un vaccin et de vacciner un pourcentage élevé d’animaux sensibles le plus souvent en deux injections.