Yann Arthus-Bertrand : "Il faut agir car il est trop tard pour être pessimiste"
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Après la sortie du long métrage "Human", projeté au cinéma et à la télévision sur France 2, Yann Arthus-Bertrand a bien voulu partager son état d’esprit en amont de la conférence climat de Paris. Interview.
Comment un professionnel de l’image comme vous, en vient-il à s’engager?
Les agriculteurs sont extrêmement importants à mes yeux car ils nous nourrissent et façonnent la terre en permanence. En tant que photographe, j’ai toujours trouvé le travail de la terre impressionnant. Partout sur la planète, les paysans dessinent des paysages aux formes incroyables. Ça me semble impossible de faire ce travail d’image autour de la terre sans m’engager.
Quel message voudriez-vous adresser au monde agricole en amont de la conférence de Paris sur le climat ?
Ce n’est pas un message, c’est une constatation, car il ne faut pas être prétentieux et donneur de leçons. Il nous faut regarder le monde tel qu’il est et avec les difficultés des uns et des autres, où chacun a sa part de vérité. Au moment où on avait besoin de nourrir la France, à la fin de la guerre, on avait besoin d’aller vers une agriculture industrielle, mais on s’aperçoit aujourd’hui qu’elle n’est plus rentable : l’agriculture industrielle produit et gaspille trop. Les paysans travaillent énormément, alors qu’ils ont des difficultés pour s’en sortir. Et au final, je ne sais pas si leur travail est réellement valorisant pour eux et pour nous en tant que consommateurs.
Néanmoins, nous sommes aussi un pays de la gastronomie?
Je fais très attention à ce que je mange car je suis proche du terroir. La Fondation GoodPlanet va ouvrir un restaurant dans le bois de Boulogne et je vous garantis qu’on va choisir nos fournisseurs et faire attention à ce qu’on y mangera. Je pense que le contact direct, la relation entre le paysan et le consommateur s’est un peu perdue, ce qui est dommage. Près de chez moi, par exemple il y a de plus en plus de paysans qui font de la vente directe dans un camion, en gare, j’adorerais qu’il ait plus de marchés paysans en France, que les gens vendent directement leur production.
Ne pensez-vous pas qu’on a un potentiel pour produire mieux ?
Il est en effet temps d’avoir une réflexion poussée sur nos modes de production et de consommation. Il faut avoir du respect pour l’alimentation car c’est beaucoup de travail en amont. Respecter l’alimentation, c’est respecter les agriculteurs et respecter aussi la terre. C’est d’ailleurs le thème de mon prochain film : respecter la vie autour de soi. On est dans une course au quotidien à toujours acheter moins cher tout en consommant toujours davantage. On jette ce qu’on achète, 40% de ce qu’on produit, c’est trop. Est-on prêt à payer plus cher ce qu’on consomme? Cette course aux bas prix est ridicule. Redonnons enfin de la valeur à notre alimentation.
Est-ce cette prise de conscience que vous recherchez à travers l’action de votre Fondation GoodPlanet ?
Et c’est à nous pays riches, d’être responsables et de faire le plus d’efforts. Ce qui nous guette, c’est peutêtre le manque de courage pour changer nos réflexes quotidiens, mais je n’ai pas à moi seul la solution. Maintenant, il faut agir car il est trop tard pour être pessimiste. Ce qui importe est d’y croire. Aujourd’hui, on est conscient de ce qui va arriver, j’aimerais qu’il y ait une vraie prise de conscience, sincère et profonde pour se donner les moyens d’agir. Il ne faut pas demander aux hommes politiques de prendre des décisions pour nous, car ce n’est pas eux qui décident, c’est moi, c’est toi, c’est nous qui allons décider, et c’est ça qui importe.