Pascal Xicluna / agriculture.gouv.fr

19 juin 2023 Info +

Tout comprendre de la loi « Équilibre dans les relations commerciales »

La loi n° 2023-221 tendant à renforcer l'équilibre dans les relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs dite loi « Équilibre dans les relations commerciales (ERC) » a été promulguée le 30 mars 2023.

Garantir l’application de la loi française aux relations commerciales portant sur les produits agricoles et alimentaires destinés au marché français

L’article 1er de la loi précise que les dispositions du code de commerce relatives aux négociations commerciales s’appliquent, dès lors que les produits ou services concernés sont vendus sur le territoire français. Concernant la juridiction compétente, l’article précise que les tribunaux français sont compétents, sous réserve de l’application du droit de l’Union européenne ou du droit international et sans préjudice de la possibilité de recourir à arbitrage.

Prolonger le dispositif expérimental « SRP+10 / promo » pour les produits agricoles et alimentaires

En 2017, à l’issue des États Généraux de l’Alimentation, a été mise en place une série de dispositions pour rééquilibrer les relations commerciales et améliorer la rémunération des agriculteurs, en prévoyant notamment le relèvement du seuil de revente à perte de 10 % (« SRP + 10 ») et un encadrement des promotions sur les denrées alimentaires à titre expérimental. Ces mesures ont été prolongées jusqu’au 15 avril 2023 par la loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 d’accélération et de simplification de l’action publique (ASAP).

Le « SRP+10 » s’inscrit dans un ensemble de mesures destinées à revaloriser le prix des productions agricoles et alimentaires, en évitant d’en faire des produits d’appel et les variables d’ajustement des prix pratiqués par la grande distribution. L’encadrement des promotions, en valeur et en volume, également introduit dans l’expérimentation, poursuivait l’objectif de lutte contre la déflation des prix des produits agricoles, dont certains étaient vendus comme « produits d’appels » en grande surface avec une marge nulle ou très faible. Il visait par ailleurs à lutter contre le gaspillage alimentaire et à rendre plus lisibles pour les consommateurs les prix pratiqués, cette lisibilité ayant été compromise par les très nombreuses promotions.

Deux rapports du Gouvernement ont été rendus au Parlement – le premier en septembre 2020 et le second en février 2022 – sur l’évaluation des effets de cette expérimentation. Ces rapports montrent que l’impact inflationniste de ces mesures est globalement faible sur les produits alimentaires. Ces rapports soulignent la difficile évaluation des effets des mesures sur la création de valeur dans la chaîne alimentaire et la revalorisation du revenu agricole, a fortiori dans un contexte marqué par la crise sanitaire puis par les conséquences de la guerre en Ukraine. Il apparaissait donc nécessaire de poursuivre l’expérimentation et les analyses en cours.

L’article 2 de la loi prolonge ainsi le « SRP+10 » jusqu’au 15 avril 2025 et l’encadrement des promotions jusqu’au 15 avril 2026. Un dispositif dérogatoire au « SRP+10 » est prévu pour les fruits et légumes, ainsi que les bananes, en raison de leurs spécificités. Le dispositif de suivi et d’évaluation est renforcé. Ainsi, chaque distributeur de produits de grande consommation devra transmettre aux ministres chargés de l’économie et de l’agriculture, avant le 1er septembre de chaque année, un document présentant la part du surplus de chiffre d’affaires enregistré à la suite de la mise en œuvre du SRP+10 qui s’est traduite par une revalorisation des prix d’achat des produits alimentaires et agricoles auprès de leurs fournisseurs. Par ailleurs, l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires (OFPM) est associé aux travaux d’évaluation.

Étendre les dispositifs de protection du tarif aux produits de grande consommation (PGC)

Afin de préserver la valeur des produits de grande consommation non-alimentaires, notamment pour soutenir l'emploi, l'investissement et l'innovation dans le secteur non-alimentaire, les parlementaires ont étendu plusieurs dispositions protectrices à l’ensemble des produits de grande consommation (PGC). Désormais, tous les PGC bénéficient du principe de non-discrimination du tarif et du « ligne-à-ligne » visant à contraindre fournisseurs et distributeurs à justifier, ligne par ligne, les obligations réciproques auxquelles ils s'engagent dans la convention écrite. À partir du 1er mars 2024, les PGC bénéficieront de l’encadrement des promotions dans le cadre de l’expérimentation susmentionnée.

Préciser le droit applicable aux situations dans lesquelles au 1er mars, fournisseurs et distributeurs ne sont pas parvenus à un accord

L'article 9 de la loi introduit plusieurs avancées pour rééquilibrer la négociation commerciale. L’exigence de bonne foi pour les parties est ainsi rappelée dans les articles L. 441-4 et L. 442-1 du code de commerce.

De plus, à titre expérimental pour une durée de trois ans, est créé un dispositif d'encadrement des conditions applicables en cas d’échec de la négociation annuelle entre un fournisseur et un distributeur à la date du 1er mars.

Désormais, deux possibilités s’offrent au fournisseur :

  • soit il choisit de mettre fin à la relation commerciale, sans que le distributeur ne puisse invoquer le bénéfice d’un préavis en vertu du II de l’article L. 442-1 du code de commerce ;
  • soit il demande l’application d’un préavis qui tient compte des conditions économiques de marché.

En l'absence d'accord au 1er mars, les parties peuvent de façon facultative, recourir à la médiation pour conclure sous son égide et avant le 1er avril, un accord fixant les conditions d’un préavis, qui tient notamment compte des conditions économiques du marché sur lequel opèrent les parties. En cas d’accord des parties sur les conditions du préavis, le prix convenu s’applique rétroactivement aux commandes passées à compter du 1er mars. En cas de désaccord, le fournisseur peut mettre fin à toute relation commerciale avec le distributeur, sans que ce dernier puisse invoquer l’application d’un préavis.

Par ailleurs, en cas de non-respect de la date butoir du 1er mars, le montant de l’amende administrative pouvant être infligée est augmenté à 1 million d’euros pour les personnes morales. Il peut être doublé en cas en cas de réitération du manquement.

Renforcer l’encadrement de l’application des pénalités logistiques

Dans la lignée des dispositions prévues par la loi EGalim 2, l’encadrement des pénalités logistiques est renforcé. Ainsi, les pénalités infligées au fournisseur par le distributeur doivent être proportionnées au préjudice subi au regard de l’inexécution d’engagements contractuels, dans la limite d’un plafond équivalent à 2% de la valeur des produits commandés relevant de la catégorie de produits au sein de laquelle l’inexécution d’engagements contractuels a été constatée.

En outre, le Gouvernement a désormais le pouvoir, sous certaines conditions, d'imposer un moratoire sur l’application des pénalités logistiques, en cas de crise d'une ampleur exceptionnelle, extérieure aux distributeurs et aux fournisseurs, affectant gravement les chaînes d’approvisionnement dans un ou plusieurs secteurs.

À des fins de transparence accrue, une transmission à l’administration d’informations sur les montants de pénalités logistiques payées ou infligées est demandée aux distributeurs et aux fournisseurs.

Ajuster certaines dispositions introduites par la loi EGalim 2

La loi apporte quelques ajustements à la loi EGalim 2 afin de renforcer l’effectivité de ses dispositions. Le fonctionnement de « l'option 3 » de transparence en ce qui concerne la négociation des produits agricoles et alimentaires entre les fournisseurs et les enseignes de la grande distribution est par exemple davantage précisé.

De même, la loi renforce le cadre applicable aux produits vendus sous marque de distributeurs, qui se voient désormais appliquer, comme les produits vendus sous marques nationales, la non-négociabilité du prix de la matière première agricole.

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