22 novembre 2023 Publication

Tirer les leçons des crises d’influenza aviaire - Quelle organisation de l’État pour gérer les crises de santé animale à l’époque de la globalisation des échanges et du changement climatique ?

  • Caroline MEDOUS
  • François MOREAU

Face à des risques accrus d’introduction de maladies animales connues ou émergentes du fait du changement climatique, renforcer la capacité des services de l’État est un enjeu majeur pour l’économie des filières, la souveraineté alimentaire et la santé publique.

Premières opérations de vaccination de canards dans les Landes et le Gers
© Xavier Remongin/Min.agri.fr

Enjeux

La crise de COVID 19 a provoqué une prise de conscience générale des effets des activités humaines et du changement climatique sur la santé des êtres vivants, ainsi que des interactions fortes entre la santé des êtres humains, des animaux et des écosystèmes (concept « one health »). Les animaux d’élevage seront confrontés avec une fréquence accrue à de nouvelles maladies infectieuses à fort impact sur la santé animale, l’économie et la souveraineté alimentaire, voire sur la santé humaine, 60% des maladies humaines infectieuses ayant une origine animale.

L’influenza aviaire hautement pathogène (IAHP) est un modèle intéressant en ce que cette maladie infectieuse semble être devenue endémique en France et que son virus présente un fort potentiel zoonotique. La répétition et la gravité des crises récentes d’IAHP invite à repenser l’organisation de l’État pour gagner en efficacité et en résilience dans la gestion de crise en santé animale.

Méthodologie

La mission a analysé la préparation aux crises en santé animale et la gestion des épisodes d’influenza aviaire de 2020 à 2023 par les services de l’État. Elle s’est appuyée sur le retour d’expérience de la crise 2020/2021, sur des déplacements de terrain, sur des questionnaires adressés aux directions départementales et sur de nombreux entretiens avec les services impliqués dans la gestion de crise à tous les niveaux.

Elle a aussi rencontré les organisations syndicales, des acteurs de l’appui scientifique et technique, et des responsables de la gestion de crise au sein des ministères chargés de l’intérieur, de la santé et de la transition écologique.

Résumé

L’analyse de la gestion des crises récentes d’IAHP montre les limites du dispositif actuel de gestion face à des crises d’ampleur : préparation inégale et généralement insuffisante ; organisation inadaptée, variable dans l’espace et dans le temps et non stabilisée ; compétences et moyens des services fragilisés par un défaut d’attractivité renforcé par la succession des crises. La gestion de crise a ainsi principalement reposé sur le très fort engagement des équipes à tous les niveaux hiérarchiques, jusqu’à l’épuisement.

Un changement de paradigme s’impose pour passer d’une logique de gestion de crises ponctuelles à une organisation capable en permanence de faire face à des crises répétées à une fréquence élevée ou de nature nouvelle.

Ainsi, la mission recommande de prioriser clairement la planification et la préparation de crise en « temps de paix », de s’inscrire pleinement dans le dispositif interministériel de gestion de crise, aux niveaux national, zonal et départemental, et de s’assurer de la bonne articulation avec les plans relatifs à la santé humaine.

Elle estime indispensable la constitution d’un réseau d’appui à la gestion de crise pérenne, constitué d’agents des services opérationnels et animé pour garantir dans la durée sa réactivité et la compétence de ses membres.

L’attention particulière qui doit être portée sur la compétence des services en charge des politiques de santé animale, justifie la mise en place de parcours qualifiants reconnus par les régimes indemnitaires et les cotations de poste.

Pendant la crise, les responsables hiérarchiques devront être particulièrement attentifs à limiter l’impact sur les agents et sur eux-mêmes de conditions de travail très difficiles. Le suivi des heures réalisées, la formalisation des astreintes et la mise en place de dispositifs de soutien sont incontournables.

La compensation par récupération de toutes les heures supplémentaires effectuées pendant la crise déstabiliserait profondément les structures, il est donc nécessaire de pouvoir en indemniser une partie.

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