Évaluation du dispositif de défense des forêts contre l'incendie
Partager la page
La guerre contre le feu ne se gagne jamais définitivement. Interrogée sur l'évaluation de la stratégie de défense des forêts contre l'incendie (DFCI) déployée depuis 2003, la mission interministérielle composée du CGAAER, du CGEDD et de l'IGA recommande de ne surtout pas « baisser la garde »
Rapport de mission interministérielle d'évaluation n°15102 CGAAER - CGEDD - IGA
Avril 2016
Mots clés : Feux de forêt, DFCI, risque incendie, prévision, prévention, lutte, changement climatique, débroussaillement, OLD, PPRIf, porter à connaissance, carte d'aléa
Enjeux
La stratégie d'attaque des feux naissants à l’œuvre depuis ces dernières années a donné de réels résultats : le nombre de départs de feux n'a pas véritablement baissé, mais les statistiques annuelles traduisent une réduction significative des superficies brûlées et de la surface moyenne parcourue par le feu.
Pour autant, les causes structurelles des feux de forêt n'ont pas été éradiquées. Conséquence des baisses de surfaces incendiées mais aussi d'une insuffisance de la gestion forestière dans le massif méditerranéen, la biomasse forestière est plus importante. La déprise agricole ajoute à ce phénomène en abandonnant à une friche forestière très inflammable des terres qui contribuaient auparavant au cloisonnement des massifs. La pression foncière reste toujours très forte, le mitage de la forêt se poursuit et le linéaire de zones d'interface habitat-forêt continue de s'accroître. Malgré les retours d'expériences très probants, les débroussaillements autour des maisons, pourtant obligatoires, ne sont réalisés qu'à un taux inférieur à 50 %.
Le changement climatique accroît le risque d'incendie et élargit à des régions plus septentrionales les zones exposées.
Au moment où des inondations meurtrières et dévastatrices encore tout récemment dans les départements du Var, de l'Hérault ou des Alpes-Maritimes ont mis l'accent sur un autre risque naturel appelant vigilance et mobilisation, et dans un contexte général de réduction des effectifs et des compétences, il ne faudrait pas que la DFCI soit « victime de son succès » et connaisse une réduction des moyens qui lui sont alloués.
Les ministères en charge de l'écologie, de l'intérieur et de l'agriculture ont sollicité le CGEDD, l'IGA et le CGAAER pour effectuer une évaluation globale des stratégies DFCI mises en œuvre à partir des recommandations des rapports interministériels de 2003 et de 2010 et pour présenter, sur la forêt méditerranéenne, sur le massif d'Aquitaine et sur l'ensemble du territoire métropolitain, des propositions d'amélioration des dispositifs.
Méthodologie
La mission était composée d'Annick Makala et Alain Brandeis (CGEDD), Alexandre Gohier del Re et Marie Grandjean (IGA), Charles Dereix et Yves Granger (CGAAER).
Elle a conduit près de 200 entretiens au niveau national et lors de ses déplacements dans quatre départements (Hérault, Var, Vaucluse, Landes), trois régions (Provence-Alpes-Côte d'Azur, Languedoc-Rousssillon Midi-Pyrénées, Aquitaine) et deux zones de défense et de sécurité (Sud et Sud-Ouest).
Elle a adressé un questionnaire sur « la DFCI face au changement climatique » aux préfets des 63 départements non compris dans la liste actuelle du code forestier et en a analysé les 48 réponses.
Elle a procédé à une analyse systématique de la mise en œuvre des recommandations des rapports interministériels précités et à un examen de la pertinence des propositions du « Cahier blanc » de la Délégation à la protection de la forêt méditerranéenne.
Résumé
Ne pas baisser la garde ! Tel est le message principal que délivre la mission. La guerre du feu ne se gagne jamais définitivement, et la perspective d'un incendie dramatique ne peut être écartée.
Ne pas baisser la garde, cela veut dire :
- assurer l'adéquation objectifs-moyens en effectifs et compétences,
- améliorer la prévision et la connaissance de l'aléa, la qualité du recensement des feux et la recherche des causes,
- prioriser les équipements DFCI et, sur la base d'un niveau constant de financement, assurer leur maintien opérationnel et sécuriser leur statut juridique,
- maintenir les dispositifs de prévention et renforcer, sous l'autorité du préfet, la coordination des acteurs de la surveillance, de la première intervention et de la lutte,
- entreprendre le renouvellement de la flotte aérienne.
Menant son analyse sur l'ensemble du continuum d'actions de la DFCI, connaissance du risque, prévision, sensibilisation, prévention, surveillance, première intervention, lutte et reconstitution des peuplements, la mission formule 62 recommandations, dont 21 particulièrement prioritaires, ainsi que 29 suggestions.
Sur deux registres-clés de la prévention, l'interface habitat-forêt et le débroussaillement, la mission a constaté que les recommandations des missions interministérielles précédentes ont été très insuffisamment appliquées. Elle en appelle à une action ferme et déterminée.
Sur la base d'un examen mené par les DREAL, les plans de prévention des risques incendies de forêt (PPRIf) prescrits depuis plus de dix ans et qui portent sur des territoires à enjeux forts, devront être mis en place dans le délai d'une année. L'établissement de cartes d'aléa et la pratique du porter à connaissance devront être généralisés. Les défrichements devront être systématiquement refusés dès lors qu'ils seraient porteurs d'un risque d'incendie de forêt, et un programme annuel de démolition d'office de constructions illégales en zones à risque devra être mis en œuvre et fortement médiatisé.
Les obligations légales de débroussaillement (OLD) autour des habitations doivent être strictement respectées. Un programme d'application des OLD devra être établi dans le cadre des plans de protection des forêts contre l'incendie (PPFCI) et réalisé à l'échelle du massif selon un calendrier concerté et à travers un processus en quatre étapes : l'information, la sensibilisation et les rappels réglementaires ; les conseils personnalisés avec remise à chaque propriétaire d'un plan individuel explicitant les travaux à faire ; un contrôle en deux temps ; puis, si nécessaire, l'exécution d'office des travaux.
Enfin, la mission présente plusieurs propositions en vue de rationaliser et de renforcer la gouvernance, en conciliant subsidiarité et cohérence zonale. Dans le contexte du changement climatique, elle trace le schéma d'une stratégie nationale de DFCI proportionnée aux enjeux et évolutive.
Afin que son rapport ne soit pas un millésime supplémentaire dans une liste déjà longue, la mission recommande que la réalisation de l'ensemble de ses propositions fasse l'objet d'un suivi interministériel et de comptes rendus réguliers.
Lien vers les recommandations du rapport
Lien vers les annexes du rapport