Synthèse sur la qualité de l'eau en agriculture
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Le CGAAER s'est chargé de faire la synthèse des rapports publiés en une décennie sur la qualité de l'eau en agriculture, pour en dégager des lignes d’action et de progrès
Rapport de synthèse de missions d'expertise n°14061-2 CGAAER
Mars 2016
Mots clés : Eau, qualité, nitrates, produits phytosanitaires, PAC
Enjeux
Peut-on réduire efficacement les effets indésirables des engrais et des pesticides, utilisés en agriculture, sur la qualité des ressources en eau ?
Alors que la demande sociétale se fait de plus en plus pressante, les échéances fixées par la directive cadre sur l'eau pour atteindre le bon état des masses d’eau se rapprochent rapidement.
Depuis 25 ans, les politiques publiques redoublent de mesures incitatives et coercitives destinées à juguler les pollutions diffuses d’origine agricole. Pourtant les améliorations constatées sur le terrain sont très lentes. Moins de la moitié des masses d’eau superficielles et seulement 67 % des eaux souterraines atteignent le bon état chimique. Sur le réseau des points de contrôle pour les nitrates et les pesticides, la tendance majoritaire est à la dégradation. Les liens entre agriculture et qualité de l’eau sont complexes. Il ne semble possible de réduire significativement l’usage des intrants chimiques qu’en agissant sur l’ensemble du système de culture pour diminuer simultanément les besoins. Mais le revenu des exploitations agricoles doit être maintenu et sécurisé face aux aléas climatiques et sanitaires. De tels changements de pratiques doivent être accompagnés.
Méthodologie
La mission était composée de trois membres du CGAAER : François Colas-Belcour, Roland Renoult et Michel Vallance.
Elle a essentiellement effectué un travail bibliographique. Alors qu’une riche actualité se développait sur ces sujets (contentieux et nouveau plan d’action nitrates, 2ème version du plan Écophyto...), la mission a pris du recul par rapport aux constats récurrents des rapports analysés et a dégagé une quinzaine de recommandations.
Résumé
La surface cumulée des terres agricoles qui concernent les aires d’alimentation des 1 000 captages prioritaires des SDAGE 2016-2021 serait d’environ 6 millions d’hectares. Les succès ponctuels obtenus localement pour réduire ces pollutions ne suffisent pas à infléchir la tendance globale à la dégradation. La généralisation des changements de pratiques agricoles (systèmes de culture innovants ou nouvelles techniques innovantes de protection des cultures et de maîtrise de la fertilité) s'impose.
Premier type de levier de l'action publique, des mesures volontaires ont d’abord été privilégiées. Mais elles n’ont suscité qu’une adhésion limitée de la profession [moins de 20 % des surfaces agricoles utiles (SAU) concernées] face au risque de préjudice économique insuffisamment compensé par des incitations financières qui n’avaient qu’un caractère transitoire et n'ont eu, dès lors, qu'une efficacité modeste. Un mode d'occupation agricole adéquat des aires d'alimentation des captages constitue, de fait, une forme de service environnemental qu'apporte l'agriculture aux collectivités responsables de la distribution d'eau potable ou aux sociétés vendeuses d'eau en bouteille. Un tel service pourrait donner lieu à contractualisation entre les parties. De plus, un mécanisme d’assurance soutenu par la Politique agricole commune (PAC), pour perte de récolte suite à une réduction d’intrants, pourrait être développé.
Deuxième levier, un renforcement des contraintes réglementaires et des conditionnalités de la PAC a aussi été mis en place et poursuivi jusque très récemment avec le 5ème programme d’action « nitrates » et la nouvelle version d’Écophyto. Cependant, l’État hésite à imposer des contraintes plus importantes, telles que la conditionnalité des successions culturales ou l’extension du caractère obligatoire des mesures du plan d’action sur la totalité des Zones soumises à contraintes environnementales (ZSCE). Il en découle une perte d’efficacité. Politique agricole et politique environnementale doivent être mieux coordonnées pour gagner en cohérence au plan national et surtout au niveau européen.
Enfin, une évolution de la réglementation ne peut être envisagée que si la profession agricole peut s’approprier des référentiels agronomiques validés. Le progrès technique constitue le troisième levier. Les changements de pratiques ne peuvent se généraliser que si des référentiels techniques économes en intrants et performants sur les plans de la production et du revenu sont mis au point par la recherche, expérimentés en vraie grandeur et diffusés. Les secteurs-clés de l’innovation à privilégier sont la création variétale, l’agriculture de précision, le bio-contrôle et la gestion durable des adventices. Le conseil aux agriculteurs pour le changement de pratiques doit impliquer les filières aval (coopératives, organismes de collecte) et peut passer par une certification des pratiques agro-écologiques.
Si les politiques suivies jusqu’à présent vont dans le bon sens, elles ne vont pas assez loin pour atteindre les objectifs de qualité de l’eau tout en maintenant la performance économique. Une nouvelle intensification de l’agriculture est indispensable, non pas dans sa consommation d’intrants mais dans sa composante « ressource humaine » qui sera plus sollicitée en unités d’œuvre et en compétence. L'agro-écologie répond à cet enjeu mais elle doit être très largement mise en œuvre.