18 décembre 2015 Publication

La directive nitrates dans six États membres de l'Union européenne

  • Jean Gault
  • Muriel Guillet
  • François Paulin

En juin 2013 et septembre 2014, la France a été condamnée par la cour de justice européenne pour une application insuffisante de la directive nitrates. Les ministres de l’écologie et de l’agriculture ont chargé le CGAAER et le CGEDD d'étudier la mise en œuvre de la directive nitrates dans six grands pays agricoles de l'Union européenne...

Eutrophisation des rivières par les nitrates et les phosphates - ©cpepesc.org

Rapport de mission interministérielle de conseil n°14123 CGAAER - CGEDD

Novembre 2015

Mots clés : Nitrates, phosphates, Allemagne, Belgique (Flandres), Danemark, Espagne (Catalogne), Irlande, Pays-Bas, directive cadre eau, effluents d'élevage, fertilisation, épandage

Enjeux

En juin 2013 et septembre 2014, la France a été condamnée par la cour de justice européenne pour une application insuffisante de la directive nitrates.

Alors que la France a déjà apporté des modifications à la délimitation des zones vulnérables et à son programme d'action, les ministres en charge de l'écologie et de l'agriculture ont confié au CGAAER et au CGEDD le soin d'étudier la situation dans six grands pays agricoles de l'Union européenne.

À la lumière des informations recueillies, la France a-t-elle avantage à apporter des modifications complémentaires à son propre dispositif ? Les informations rapportées par la mission peuvent-elles enrichir les discussions avec la Commission européenne ? Est-il souhaitable de proposer une nouvelle évolution de la directive nitrates ? Dans le concert communautaire, les négociateurs français peuvent-ils trouver de nouveaux éléments de partenariat ou de tactique ?

Méthodologie

La mission était composée de trois membres du CGEDD (François Guerber, Claire Hubert et Marie-Christine Soulié) et de trois membres du CGAAER (Jean Gault, Muriel Guillet, François Paulin).

Elle a d'abord recensé les informations existantes, en particulier auprès de nos ambassades.

Ensuite elle s'est déplacée dans six pays : Allemagne, Belgique (Flandres), Danemark, Espagne (Catalogne), Irlande et Pays-Bas. Elle y a rencontré les ministères en charge de l'agriculture et de l'environnement, des professionnels agricoles, les services français. L'accueil fut partout constructif, documenté, ouvert, voire demandeur.

Enfin la mission a procédé à des analyses, comparaisons et synthèses en fonction des thématiques suivantes :
- conception générale des zones vulnérables et des programmes d’action,
- contenu des programmes d’action (périodes d’interdiction d’épandage, calcul des capacités de stockage, limitations d’épandage, calcul de l’équilibre de la fertilisation, mesures complémentaires),
- accompagnement technique et financier,
- appréciation de l’efficacité des programmes,
- cohérence avec d’autres directives européennes.

Résumé

Tous les pays visités, sauf le Danemark, ont subi des contentieux parfois sévères avec la Commission, désormais résolus. En Allemagne, le programme d’action 2015-2018 est toujours en discussion difficile.

Les objectifs de qualité des eaux, les méthodes d’évaluation et la mesure des progrès diffèrent notablement d’un pays à l’autre.

Partout, les progrès dans la réduction de la pollution par les nitrates sont désormais plus lents.

Les différents pays ont pris des réglementations dont les objectifs dépassent la seule directive nitrates. Sauf en Espagne, ils traitent à la fois du phosphore et de l’azote dans les mêmes textes, et intègrent souvent des préoccupations de qualité des eaux, de l’air, des sols et de recyclage d'éléments minéraux. Même lorsqu’ils ont classé l'ensemble de leur territoire en zone vulnérable, ils sont conduits à nuancer les mesures prises et à cibler les zones les plus sensibles. Les choix à travers l'Union européenne ont tendance à se rapprocher.

Les obligations sont renforcées en cas de dérogation au plafond de 170 kg/ha/an d’azote d’origine animale épandus (cinq États). Elles s'alourdissent au fil des renouvellements.

Les mesures sont systématiquement adaptées, non pas dans leur règle générale mais dans leur mise en œuvre locale ou conjoncturelle. Des exceptions notables peuvent être faites pour des cultures couvrant de faibles surfaces ou pour des pratiques peu fréquentes… Dans un contexte tendu, notamment par suite de l’exiguïté des territoires, dans chaque pays des solutions inédites voient le jour. La sortie des quotas laitiers pose des défis nouveaux, pour lesquels certains pays souhaitent négocier des dispositions nouvelles.

Au Danemark, aux Pays-Bas, en Belgique (Flandres), le calcul et le contrôle de la fertilisation sont fondés sur des systèmes d’information intégrés. Ils sont parfois directement renseignés en ligne par les acteurs.

Des programmes de recherche-développement sont mis en œuvre dans presque tous les pays. Ils sont souvent évalués par des experts indépendants. L’existence d’un comité scientifique indépendant a pu favoriser un climat de confiance avec la Commission. Également, il existe des dispositifs remarquables de conseil aux agriculteurs, sachant recourir aux fonds européens, anticipant les évolutions réglementaires.

La situation semble mûre dans tous les États pour simuler l’impact des programmes d’action et estimer le temps de retour au bon état chimique et biologique (au sens de la directive cadre sur l’eau).

En conclusion, la mission propose d’organiser en France une journée de travail multilingue avec nos partenaires et d'approfondir les connaissances mutuelles dans une vision prospective de la mise en œuvre de la directive nitrates.

Lien vers le rapport


S'abonner à La lettre du CGAAER