14 mars 2019 Publication

Mesures d'accompagnement des éleveurs confrontés à la prédation de l'ours dans les Pyrénées

  • François Colas et José Ruiz.

Une mission interministérielle a été chargée de proposer des mesures pour soutenir le pastoralisme face aux prédations croissantes de l'ours brun dans les Pyrénées centrales.

oncfs Rapport de mission interministérielle d'expertise n°18059

Septembre 2018

Mots-clés : pastoralisme, Pyrénées, grand prédateur, ours, prédation, protection des troupeaux, mesure de soutien

Enjeux

La cohabitation entre l’activité pastorale en estives et la population d’ours bruns est une réalité historique à l’échelle du massif pyrénéen et un impératif à l’égard des engagements internationaux de la France pour une espèce dotée d’un statut de protection.
Depuis les premières réintroductions d’ours il y a 20 ans, la cohabitation fait l’objet de tensions fortes, particulièrement en Ariège.

Le développement des prédations conduit les éleveurs à revenir aux pratiques qui prévalaient avant les années 50-60, mobilisant bergers et chien de protection. Ces pratiques sont vécues comme une régression au regard des techniques d’élevage très extensives en vigueur ces dernières années et sont mal vécues dans un contexte économique par ailleurs difficile.

Une mission du CGAAER et du CGEDD, a été chargée de proposer des mesures pour soutenir le pastoralisme face à ces prédations.

Méthodologie

La mission interministérielle a été réalisée par deux membres du CGAAER, François Colas et José Ruiz, et deux membres du CGEDD,Hugues Ayphassorho et Odile Stefanini-Meyrignac.

La mission s’est intéressée en priorité au département de l'Ariège qui concentre la majorité de la population d'ours et des prédations. Elle a rencontré plus de 100 personnes parmi les éleveurs, les bergers, les instances professionnelles agricoles, les élus, les chasseurs, les associations de protection de la nature et l'administration.

Elle a également fait quatre visites d’estives avec des éleveurs et des bergers afin de mieux appréhender les difficultés du pastoralisme pyrénéen.

Résumé

La mission a pour origine une augmentation importante en 2017 de la prédation due à l’ours sur les troupeaux d’ovins en estive, plus particulièrement en Ariège.

La présence de l’ours est très ancienne dans les Pyrénées mais, au déut des années 1980, l’espèce a été réduite à une quinzaine d’individus. La réduction de la population ursine a été concomitante à une évolution profonde des pratiques d’élevage, au profit d’un élevage extensif et transhumant l’été, avec peu ou pas de gardiennage en montagne. Du fait de la responsabilité de la France vis à vis de cette espèce dotée d’un statut de protection, deux campagnes de réintroduction ont été conduites en 1996-97 puis en 2006. Depuis, le développement de la population ursine (doublement de la population en 6 ans avec 43 ours en 2018) s’est traduit par une augmentation du taux de prédation sur les troupeaux en estive.

La politique agricole commune réformée en 2015 a fortement soutenu le pastoralisme, entraînant une croissance des troupeaux transhumants.

En cohérence avec les objectifs du plan d’action ours brun, signé en mai 2018 par le ministre de la transition écologique et solidaire, il est nécessaire d’arriver à concilier la présence de l’ours et l’activité de pastoralisme. Cette dernière joue à la fois un rôle économique de maintien et de création d’emplois, de production de services environnementaux et de conservation d’activités traditionnelles et culturelles.

La mission s'est attachée à trouver un nouvel équilibre au profit de la préservation des activités pastorales.

Le développement des prédations par l’ours oblige les éleveurs à mettre en œuvre un dispositif de protection reposant sur le triptyque gardiennage par des bergers, chiens de protection et regroupement nocturne. Ils bénéficient dans ce cadre d’un système de mesures de protection soutenues notamment par l’État et le FEADER, jugé pertinent et cohérent dans ses principes par la mission. Ce dispositif n’est toutefois que partiellement mis en œuvre notamment du fait de l’opposition de principe de certains éleveurs qui y voient une régression.

La mission recommande donc de réaliser un diagnostic pastoral estive par estive, couplé à un diagnostic de vulnérabilité. La formation des professionnels à la gestion des troupeaux face aux prédateurs est à construire.

Par ailleurs, l’État doit renouer une relation d’appui aux éleveurs face à la prédation en privilégiant la transparence dans la diffusion de l’information sur la population ursine et en mettant en place l’auto-constat déclaratif par les éleveurs et non plus par l’ONCFS qui, lui, se concentrera sur l'appui à l'élevage : effarouchement, diagnostics de vulnérabilité, veilles technologiques, recherche…

Sur la base de ces recommandations, des initiatives pour une gouvernance collégiale du pastoralisme sont à lancer. Le soutien financier au pastoralisme, à la prévention des prédations, à la formation et à la communication est à renforcer.

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