Dispositif "écophyto" mis en place à la ferme d'exploitation du lycée agricole de Saint-Paul de La Réunion.
© Pascal Xicluna / agriculture.gouv.fr

14 mai 2025 Info +

Les îles françaises dans les coopérations de recherche de l’océan Indien - Analyse n°213

Les notes d’Analyse présentent en quatre pages l’essentiel des réflexions sur un sujet d’actualité relevant des champs d’intervention du ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire. Selon les numéros, elles privilégient une approche prospective, stratégique ou évaluative.

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Les relations des territoires insulaires français avec leur espace régional est une question ancienne. Cette note se concentre sur les coopérations, dans la zone océan Indien, en matière de recherche dans les domaines agricole et agro-alimentaire. Leurs finalités, les parties prenantes impliquées et quelques résultats sont présentés. Ces coopérations conduisent les acteurs locaux à mieux prendre en compte les risques globaux et à adapter leurs productions aux transformations des écosystèmes. La diversité des instruments mobilisés contribue aussi à une meilleure coordination des parties prenantes, à une mutualisation de la recherche de solutions et à des dispositifs d’ingénierie de la connaissance innovants.

Introduction

Dans la zone Océan Indien, les îles de Mayotte et de La Réunion participent à de nombreuses collaborations internationales de recherche appliquée, en matière d’agriculture, d’aquaculture, de forêt et de pêche. Ces collaborations se concentrent sur des thématiques bien définies (par exemple l’évaluation de l’adaptation de différents cheptels à la sécheresse), lui associent des questions précises, des objectifs et des plans de travail souvent pluriannuels. Elles visent à produire des savoirs de référence à destination des acteurs régionaux. Des ateliers de restitution et de formation sont régulièrement organisés, pour conduire les groupes cibles et les bénéficiaires à s’approprier les résultats, pour modifier leurs pratiques à leur avantage.

Du côté français, le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD), l’Institut de recherche sur le développement (IRD), le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et l’université de La Réunion sont les principaux pilotes de ces projets de recherche. Fin 2024, la Cour des comptes1 notait que 63 % des personnels des organismes de recherche nationaux présents à La Réunion étaient employés par le CIRAD. En 2023, il a alloué plus de 23 millions d’euros à La Réunion et à Mayotte, soit plus de la moitié de ses crédits de paiement consacrés aux territoires ultra-marins. Les recherches impliquant des coopérations régionales, qui ne forment qu’une fraction de celles conduites par les organismes susmentionnés, ont trait au développement des filières agricoles, à la sécurité des systèmes alimentaires, à la mise en place de modes de production végétale et animale plus respectueux des écosystèmes. Parmi les partenaires et bénéficiaires de ces recherches, se trouvent plusieurs pays de la région, insulaires ou continentaux, tels Madagascar, l’Afrique du Sud et le Mozambique.

Cette note cherche à identifier ce que ces coopérations nous apprennent sur le lien entre science et développement territorial. Les deux critères utilisés par E. et K. Charles2 pour caractériser l’articulation entre science et développement territorial sont mobilisés : le rayonnement scientifique international résultant de la recherche et la « fertilisation locale ». Dans quelle mesure les coopérations de recherche dans la région océan Indien-Afrique australe concourent-elles à la modernisation et à la durabilité des systèmes agricoles, à l’identification de nouveaux marchés, en particulier régionaux ? En quoi contribuent-elles à augmenter les capacités de production agricole locales et à répondre aux besoins des populations ?

En réponse à ces questions, la première partie propose un rapide panorama des coopérations : les parties prenantes, les thématiques, les finalités et les contenus des recherches sont passés en revue. La seconde partie présente les principaux résultats de ces coopérations, notamment les impacts sur les métiers, les activités et les productions agricoles et agroalimentaires.

Parties prenantes, finalités et instruments des coopérations

Un échantillon d’une trentaine de projets

La Réunion, Mayotte et leurs voisins sont confrontés à des défis communs et ils mettent en œuvre des recherches appliquées en matière d’agriculture, de forêt, de pêche et d’aquaculture, qui visent à produire des savoirs de référence à destination des acteurs locaux. Des établissements d’enseignement et de recherche de plusieurs pays de la région participent à ces coopérations. À titre d’exemple, le projet Food-Sec Semence (2020-2025), piloté par le CIRAD, vise à installer une filière régionale de semences et de plants certifiés de plusieurs productions, adaptés au changement climatique. Y prennent part le Centre national de la recherche appliquée au développement rural malgache, le Food and Agricutural Research and Extension Institute (Maurice), l’université des Comores et l’ONG Dahari. Les groupes cibles sont les exploitants, les acteurs du secteur semencier, ceux du développement et de la formation agricole, ainsi que les administrations chargées de l’application du cadre réglementaire et de la certification du matériel végétal. Les agriculteurs et leurs familles installés à Madagascar, aux Comores, aux Seychelles et à Maurice sont les bénéficiaires du projet.

Ne pouvant étudier l’ensemble des partenariats de recherche agricole et agroalimentaire, nous avons constitué un échantillon représentatif de 29 projets, conçus ou lancés entre 2010 et 2024, impliquant au moins La Réunion ou Mayotte et un autre pays de la région. Pour ce faire, nous avons adressé des demandes écrites aux directions du CIRAD et de l’IRD, qui nous ont transmis un inventaire de 30 projets. 23 ont été retenus, qui répondaient à nos critères. Par ailleurs, l’Agence nationale de la recherche a été sollicitée et a réalisé une extraction des projets de recherche financés dans la région et pilotés par le CNRS. Des 17 projets recensés, nous en avons sélectionné six, écartant ceux relevant de la pêche et de l’aquaculture (IRD) ou dont la dimension agricole n’était pas affirmée. Les informations relatives à ces projets ont été collectées par analyse documentaire (notes de cadrage des travaux, comptes rendus d’exécution, internet, etc.) et grâce à des entretiens avec les directions du CIRAD et de l’IRD de l’océan Indien.

Géographie des acteurs et des coopérations

L’analyse des 29 projets montre que la proximité géographique et le partage du fait insulaire favorisent la coopération. Sur la centaine de partenaires impliqués, plus de la moitié sont malgaches, comoriens, mauriciens et seychellois. Les acteurs français de la recherche animent aussi des coopérations avec l’Afrique australe. L’International Institute of Tropical Agriculture et l’International Potato Center (Kenya et Tanzanie) sont par exemple parties prenantes des projets Ralstotracing (2015-2018) et Biodiversité et Santé végétale (2015-2021).
Le graphe en réseau des parties prenantes françaises et étrangères des projets de recherche comporte 100 nœuds et 712 liens (figure 1). Les nœuds les plus importants (magenta) sont l’Institut national de recherche pour l’agriculture, la pêche et l’environnement (INRAPE 41 voisins) et le Centre national de recherche appliquée au développement rural/FOFIFA (30), ce qui traduit le fait que ce sont les deux acteurs centraux des coopérations de la région. L’INRAPE est le sommet le plus connecté aux autres hubs. Les universités des Comores et de Madagascar, qui ne figurent pas parmi les nœuds les plus significatifs, voient leur centralité rehaussée en raison de leurs relations avec l’INRAPE.

Figure1 - Graphique des relations entre les partenaires régionaux montrant les nœuds les plus connectés

Graphique des relations entre les partenaires régionaux montrant les nœuds les plus connectés

Il s’agit d’un graphique, réalisé par l’auteure, représentant les relations entre partenaires régionaux. Chaque partenaire correspond à un cercle (appelé nœud) dont la circonférence est d’autant plus grande que ses partenariats avec d’autres acteurs sont nombreux. Les nœuds sont reliés entre eux par un trait dès lors qu’il existe un partenariat de recherche entre les deux acteurs associés à ces nœuds. Les deux principaux nœuds correspondent à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, la pêche et l’environnement et au Centre national de recherche appliquée au développement rural. Viennent ensuite l’université des Comores et le Food and Agricultural Research and Extension Institute.

Source : auteure

On note aussi une réelle pluralité des parties prenantes, dominées néanmoins par les universités et les instituts techniques, qui représentent ensemble plus de 55 % des partenaires. Les centres techniques généralistes en côtoient d’autres, plus spécialisés, comme le Centre de recherche sur la canne à sucre indien, son équivalent mauricien, ou encore ceux spécialisés dans la production de fruits et de légumes et dans la pomme de terre.

Les administrations locales représentent 22 % des partenaires, avec une particularité : elles sont en grande majorité issues des îles voisines, tandis que les gouvernements continentaux prennent peu part aux coopérations. Dans les îles, presque toutes les parties prenantes de l’agriculture locale sont présentes dans les projets, de l’agriculteur à l’administration centrale, ce qui favorise la dissémination des résultats tout au long du projet. En Afrique australe, seul le ministère de l’agriculture tanzanien est impliqué, qui plus est dans un unique projet. Quant aux administrations nationales ou locales mozambicaines, sud-africaines, kenyanes ou ougandaises, elles sont absentes des projets de recherches dans l’échantillon étudié.

De nombreux travaux sur les filières végétales

Une partie significative des recherches cible les productions végétales (21 projets), dans une double perspective : augmenter leur valeur commerciale ; les développer à des fins de plus grande sécurité alimentaire. Dans tous les cas, des « végétaux à enjeux » sont au cœur des travaux, parce qu’ils contribuent à augmenter le revenu des agriculteurs (agrumes, vanille, mangue, avocat, etc.), et parce que leur progression dans les denrées locales renforcerait la qualité nutritionnelle des prises alimentaires (légumineuses, etc.).

Un premier sous-axe des recherches sur les productions végétales est relatif au biocontrôle. L’éventail des agresseurs des plantes est large dans les milieux tropicaux, induisant une pression sanitaire plus importante qu’en climats tempérés3. Ce contexte agronomique spécifique justifie la conduite de recherches sur la protection des végétaux, comme par exemple les projets Protea (2015-2020) et Indicants (2022-2024). En outre, les pathologies des plantes entraînent des pertes agricoles et sont une menace pour la sécurité alimentaire des populations, la démographie régionale dynamique augmentant encore les besoins.

Un deuxième sous-axe de recherche concerne la caractérisation des végétaux et leur amélioration, dans l’objectif d’accroître leur valeur commerciale, raison pour laquelle ces études se rapprochent du secteur agroalimentaire. Ainsi, pour accroître la typicité des productions de vanille, en vue d’obtenir des signes officiels de qualité, le projet VARM2 (2019-2023) visait à mieux comprendre les marqueurs biochimiques et organoleptiques de la qualité aromatique de ce végétal, ainsi que l’effet de différents facteurs (sol, climat, matrice microbienne, impacts environnementaux) favorisant ou non la présence d’endophytes, par exemple.

Dans un troisième sous-axe, l’objectif des recherches est de réduire la dépendance des territoires locaux aux fournitures agricoles importées, deux d’entre elles visant en particulier les semences et les ressources génétiques végétales. Le projet Germination (2015-2021) se concentre sur le recensement, la collecte et la conservation des ressources végétales alimentaires, pour accroître l’agrodiversité existante, partant de l’idée que l’alimentation mondiale repose sur un trop petit nombre de plantes de grande culture.

Quelques projets sur les productions animales

Quatre projets de recherche seulement concernent la production animale. La surveillance des risques sanitaires a été érigée en priorité par la Commission de l’océan Indien, après que l’épidémie de Chikungunya, la fièvre de la vallée du Rift et la peste des petits ruminants aient mis en évidence le manque de partage des données épidémiologiques entre les territoires insulaires. En 2013 a été mis en place le réseau SEGA One Health, chargé de la surveillance des maladies infectieuses humaines et animales.

Les filières animales jouent un rôle important dans la sécurité alimentaire de la région, mais elles sont menacées par la sécheresse croissante des zones de pâturage. Pour formuler des stratégies d’adaptation permettant de maintenir ou de renforcer la performance de ces productions, la recherche Eclipse (2018-2022) a diagnostiqué les impacts du changement climatique sur les ressources fourragères : baisse de leur valeur nutritive, réduction de l’autonomie des exploitations, accentuation des différences d’approvisionnement selon les saisons. Dans ces conditions, l’identification de nouvelles ressources est priorisée.

Opérationnaliser la recherche publique : les instruments

La traduction des résultats de recherches en modes opératoires se fait au moyen d’instruments. Ceux-ci ne sont pas neutres : ils sont porteurs de valeurs, de représentations des réalités sur lesquelles l’administration souhaite agir, et de significations de ce que doit être l’intervention publique4. Quatre catégories d’instruments dominent.

La première, relevant plutôt d’un régime scientifique et technique, regroupe les évaluations, tests et expérimentations. Ils ont vocation à transformer les résultats de la recherche en solutions, dans la perspective d’une association du « savoir » et du « faire » qui caractérise les sciences de l’ingénierie. Entre dans cette catégorie le projet d’harmonisation des procédures d’analyse des mycotoxines dans les aliments produits et commercialisés dans la région (Qualinnov, 2015-2021).

D’autres instruments relèvent de l’expertise et de la montée en compétences. Entrent dans cette catégorie l’aide à l’ingénierie des dispositifs de formation technique agricole et le transfert technologique. L’élaboration et le partage d’outils d’aide à la décision, pour cartographier la vulnérabilité des troupeaux face aux aléas climatiques, relèvent aussi de ce registre.

Les instruments de la troisième catégorie visent à orienter les conduites des acteurs. Ils ont, plus que les autres, une dimension incitative et d’enrôlement. On pense par exemple à un dispositif de suivi de la situation alimentaire et de l’état nutritionnel des ménages, reposant sur de l’observation à domicile et des entretiens, afin que les familles se tournent vers des régimes plus sains (CARI, 2023-2027).

Enfin, les derniers instruments, moins nombreux, permettent des interventions sur les marchés. Figurent ici les partenariats avec des entreprises agro-alimentaires engagées en faveur d’une offre de denrées durable (santé, environnement), de l’évolution des normes appliquées à l’alimentation (production, transformation, distribution, etc.) et de la labellisation des produits.

Débouchés et résultats des coopérations

Le premier résultat constaté est la constitution de réseaux régionaux de collaborations, liant différents types d’acteurs des systèmes alimentaires. À un réseau thématique correspondent trois ou quatre projets de recherche sur des sujets communs, conduits successivement, assurant ainsi une pérennité à ces regroupements d’acteurs. Dans le cadre du projet Epibio (2017-2022), un atelier réunissant 25 acteurs a permis de dresser une première liste régionale de 440 espèces envahissantes et de décider de la mise en place d’un système coopératif de veille et d’alerte.

En second lieu, ces partenariats débouchent sur des dispositifs d’ingénierie des connaissances. Il s’agit principalement de bases de données, de logiciels et surtout d’applications web, créés dans le cadre des recherches, soulignant le lien entre « fertilisation locale » et systèmes d’information. Le CIRAD voit les technologies informatiques et web comme un facteur de changement social et organisationnel (encadré).

MASH, une application brevetée et utilisée par une startup

À Madagascar, la canne à sucre est cultivée par de nombreux petits planteurs, ce qui rend difficiles la coordination et l’anticipation des récoltes. L’application inventée par le CIRAD permet de visualiser l’état de coupe des parcelles, au moyen d’images radar et satellitaires. Les usiniers et les transformateurs de la canne peuvent ainsi mieux suivre la progression des récoltes et préparer les actions qui suivent. L’application brevetée a été transférée à la start-up GeoWatchLabs et a rejoint son offre plus globale relative au suivi de la filière canne à sucre. L’entreprise sucrière thaïlandaise Mitr Phol utilise, quant à elle, l’application dans le cadre d’un partenariat public-privé avec clause de confidentialité. La recherche du CIRAD dans l’océan Indien a abouti à huit brevets actifs et 12 marques.

Quatre objectifs principaux sont associés aux applications : a) visualiser les potentialités de séquestration de carbone à l’échelle des territoires en fonction des sols, des climats et des usages des terres ; b) élaborer des scénarios prospectifs reposant sur d’éventuels changements d’utilisations des terres ; c) en matière de santé animale ou végétale, surveiller l’actualité du risque et alerter un utilisateur à partir de flux RSS ; d) simuler des itinéraires techniques, sur une même parcelle, afin de prévoir les dates de récolte et les volumes produits.

Les recherches débouchent enfin sur des innovations agronomiques, agroalimentaires et zootechniques qui favorisent la labellisation des produits locaux. Par exemple, le projet Qualinnov a identifié les produits (liquide de frein, huile de coco, etc.), parfois toxiques, introduits dans l’huile d’ylang-ylang par certains collecteurs et distillateurs afin d’augmenter sa densité. Un dispositif portable permet aujourd’hui de détecter les fraudes, ce qui soutient les entreprises de certification et de labellisation des produits régionaux.

Une dernière catégorie de produits issue de la recherche, est le matériel végétal amélioré. À partir de vitroplants, l’équipe de Foodsecsemence a produit des graines, des boutures et d’autres organes de propagation végétative sains issus de différentes variétés de manioc, de pomme de terre et de légumineuses (figure 2).

Figure 2 - Résultats d’essais paysans sur la variété de pomme de terre Vigora (droite) plus résistante au mildiou que la Spunta (gauche) avec une quantité de fongicide réduite

Résultats d’essais paysans sur la variété de pomme de terre Vigora (droite) plus résistante au mildiou que la Spunta (gauche) avec une quantité de fongicide réduite

Deux photos montrent les résultats d’essais paysans sur deux variétés de pomme de terre. Dans la photo de gauche, il s’agit de la variété Spunta, à laquelle une quantité réduite de fongicide a été appliquée, et dans celle de droite de la variété Vigora, plus résistante au mildiou. Dans la photo de gauche, les plants de pommes de terre sont clairsemés et peu touffus, tandis qu’ils sont denses et bien plus développés dans la photo de droite.

Enfin, la cinquième catégorie regroupe les équipements mis en place ou réhabilités via les projets de recherche et laissés à la disposition des bénéficiaires : serres d’expérimentation et de production ; laboratoires de microbiologie, etc.

Effets locaux des partenariats

Trois effets des partenariats de recherche se dégagent. Tout d’abord, la recherche appliquée vient en appui à l’exercice des métiers agricoles, d’agrotransformation et de protection des animaux ou des végétaux. Par exemple, dans le cadre du projet Foodsec, les producteurs de semences de haricots ont été formés à la reconnaissance et à la gestion des bioagresseurs, ce qui les sensibilise et les prépare aux exigences de la certification. L’étude TROI (2015-2021) a conduit à la conception d’une mallette pédagogique visant à renforcer la surveillance de l’épidémiologie animale à l’échelle régionale. Elle contenait des préconisations en cas de foyer et des méthodes de diagnostic. Ainsi les résultats de la recherche tendent à consolider les référentiels et protocoles métiers dans le sens d’une durabilité améliorée, et en les adaptant aux nouveaux risques.

La diffusion des résultats de recherche aide aussi à soutenir le revenu agricole, via la sécurisation des productions (protection des animaux et des végétaux) et l’aide apportée à la mise en marché qui tend à augmenter la valeur des produits (transformation, labellisation). L’informatique connectée tend également à favoriser la création de valeur. Grâce à l’application Pixfruits, qui dénombre les mangues et extrapole les résultats au verger, les agriculteurs, transformateurs et fournisseurs accèdent au rendement moyen de la zone, à des données sur l’hétérogénéité intraparcellaire de la production et sur la disponibilité des fruits.

Conclusion

Le rapide panorama des coopérations de recherche impliquant Mayotte et La Réunion, dans la zone Océan Indien-Afrique australe, met en évidence quatre finalités principales des projets : améliorer la valeur commerciale de l’agrodiversité locale et des produits transformés qui en sont issus ; soutenir la structuration, l’organisation et la viabilité des filières agricoles ; préserver, augmenter et développer le capital productif, animal ou végétal ; agir sur les menaces pesant sur la santé globale. La lutte contre le changement climatique, la santé des écosystèmes et la préservation de la biodiversité sont des thèmes présents dans l’ensemble des recherches.

Au-delà de ces résultats encourageants, deux interrogations subsistent. La première tient à la place des entreprises agroalimentaires locales parmi les partenaires des projets. Elles sont absentes de la plupart des projets, y compris ceux qui incluent l’amélioration de procédés de transformation et la mise en marchés. La faible association de ces partenaires explique leur discrétion parmi les bénéficiaires de la recherche appliquée.

Une seconde interrogation concerne les effets de ces coopérations régionales sur les systèmes agroalimentaires de Mayotte et de La Réunion. La Réunion a du mal à exporter ses denrées (mis à part en métropole), mais certains de ses voisins réussissent bien mieux. Les résultats des recherches inter-partenariales pourraient l’aider à mieux se positionner et lui fournir des ressources stratégiques : connaissance fine des marchés de la région, création d’entreprises agroalimentaires locales, partenariats d’affaires entre acteurs marchands, amélioration du positionnement des produits français dans la région, recrutement de jeunes français comme ambassadeurs régionaux etc.

Nathalie Kakpo
Centre d’études et de prospective5


Notes

1. Cour des comptes, 2024, L’enseignement supérieur et la recherche dans les outre-mer, novembre.
2. Charles K., Charles E., 2020, « Quels rôles pour les activités de recherche scientifique dans une stratégie de développement territorial », Revue d’économie régionale & urbaine, pp. 409-436 : https://doi.org/10.3917/reru.203.0409
3. Andrieu J., 2023, « L’agriculture des départements et régions d’outre-mer : à la croisée des chemins », Cahiers français, 433, pp. 72-83 : https://doi.org/10.3917/cafr.433.0072
4. Patrick Le Galès et al., 2007, « Understanding Public Policy through Its Instruments - From the Nature of Instruments to the Sociology of Public Policy Instrumentation », Governance: An International Journal of Policy, Administration, and Institutions, Vol. 20, No. 1, pp. 1-21.
5. Au moment de la rédaction de cette note.