26 octobre 2015 Publication

Le régime forestier mis en œuvre par l’ONF dans les forêts des collectivités locales

  • Max Magrum

En vue du prochain contrat d’objectifs et de performance 2016 - 2020 de l’Office national des forêts (ONF), conclu entre l’État, l’ONF et la FNCOFOR (Fédération nationale des communes forestières), les ministres en charge des forêts, de l’écologie et des finances confié au CGAAER, au CGEDD et à l’IGF (Inspection générale des finances) une mission d’analyse du coût de la mise en œuvre du régime forestier dans les forêts des collectivités locales…

Forêt communale de Villards sur Thônes (74) - © Panaramio.com

Rapport de mission interministérielle d’expertise n° 15025 - CGAAER - CGEDD - IGF

Mai 2015

Mots clés : Gestion forestière, régime forestier, commune forestière, ONF, frais de garderie, versement compensateur

Forêt communale de Villards sur Thônes (74)

Enjeux

En application du code forestier, l’Office national des forêts (ONF) met en œuvre le régime forestier dans les forêts des collectivités locales. Il y assure la conservation des forêts, la planification de la gestion forestière et sa mise en œuvre (coupes et travaux).

Son financement est assuré par les « frais de garderie » payés par les communes à l’ONF, soit 15 % environ du coût total, et par un « versement compensateur » pris en charge par l’État et directement versé à l’ONF.

En 2013, sur la base de la comptabilité analytique de l’ONF, le coût net du régime forestier s’établissait à 175 millions €. Les frais de garderie en représentant 26 millions € et le versement compensateur 120 millions €, l’ONF enregistrait un solde négatif de près de 30 millions €.

Pour éclairer la négociation du futur contrat d’objectifs et de performance 2016-2020, les ministres chargés de l’écologie, des finances et de l’agriculture ont demandé au CGEDD, à l’IGF et au CGAAER de mener une mission sur la mise en œuvre du régime forestier dans les forêts des collectivités.

Méthodologie

La mission était composée d’Hélène Pelosse et Marie-Astrid Ravon-Berenguer, inspectrices des finances, de Claire Hubert, ingénieur général des ponts, des eaux et des forêts au CGEDD, et de Max Magrum, ingénieur général des ponts, des eaux et des forêts au CGAAER.

La mission s’est appuyée sur la comptabilité analytique de l’ONF, sur des experts de l’ONF en matière de temps de travail et sur des données issues du secteur forestier privé.

Résumé

La mission a d’abord analysé les trois grands domaines d’activités que sont la conservation du domaine forestier, la planification de la gestion forestière, les coupes et travaux, dans la comptabilité analytique de l’ONF.

Même si l’affectation des temps de travail des personnels de terrain n’est pas toujours fiable, la mission considère qu’au niveau national, la comptabilité analytique de l’ONF peut être considérée comme représentant bien le coût de la mise en œuvre du régime forestier.

Pour s’en assurer, elle a défini une méthode alternative à la comptabilité analytique pour chiffrer ce coût.

Elle s’est appuyée sur une typologie des unités territoriales (UT) qui mettent en œuvre le régime forestier, en sélectionnant celles qui ont principalement en charge des forêts communales, tout en distinguant les forêts communales de plaine ou de colline plus ou moins productives, les forêts communales de montagne et les forêts situées en zone méditerranéenne.

Parallèlement, la mission a fait valider par un groupe d’experts de l’ONF les temps standards d’agents pour réaliser chacune des activités du régime forestier en fonction de la typologie retenue.

L’application des temps standards à chaque composante du régime forestier sur un échantillon de 82 des 322 unités territoriales, représentatives des différents types de forêts, puis étendue à l’ensemble des forêts communales, a permis à la mission de conclure que le coût net du régime forestier, tel qu’il ressort de la comptabilité analytique, est globalement fiable.

La mission a ensuite comparé ce coût avec celui obtenu à partir des tarifs pratiqués par les prestataires de la gestion forestière privée (experts, coopératives). Dans le cas des forêts productives, la mission a constaté que ce coût était de l’ordre du tiers du coût de l’ONF.

Même si les prestations offertes par les acteurs privés sont loin de recouvrir l’ensemble des composantes du régime forestier, la mission a conclu que des marges de manœuvre existaient, tant pour la réduction du coût du régime forestier que dans la participation financière des communes.

Forte de ces constats, la mission a identifié plusieurs leviers de réduction des coûts :
- Regrouper la gestion des forêts des collectivités pour réduire le nombre d’interlocuteurs de l’ONF. Trois hypothèses ont été avancées selon le seuil de regroupement (25, 200 ou 500 ha).
- Faire adopter aux communes forestières un programme non plus annuel mais triennal de coupes et de travaux dans le cadre du plan de gestion approuvé.
- Adapter le contenu des aménagements forestiers aux enjeux des forêts des collectivités.
- Faire évoluer l’affouage et les petites cessions de bois aux particuliers, prestations très consommatrices de temps et donc très coûteuses.
- Réduire les coûts indirects de l’ONF, en particulier en ce qui concerne la formation, les instances représentatives des personnels et la GRH.

Sur ces bases, la mission a proposé quatre scénarios caractérisés par des modalités différenciées dans la répartition des efforts entre les acteurs concernés : l’État, l’ONF et les communes forestières.

- Un scénario dit « open bar », ou scénario tendanciel, ne génère aucune évolution structurelle, tant pour l’ONF que pour les communes et présente le risque qu’au final l’État ait à jouer le rôle de financeur.

- Le scénario dit « amélioration » prévoit un regroupement limité aux forêts de moins de 25 ha. Dans ce cas, l’ONF adapte significativement le contenu des aménagements. L’ensemble des économies associées à ce scénario sont estimées à 45 millions €, intégrant la réduction de 350 ETP, et sont supportées essentiellement par l’ONF, les communes voyant leurs frais de garderie augmenter de 10 millions € pour assurer l’équilibre. Ce scénario est peu structurant du point de vue de l’approvisionnement des industries de la filière.

- Le scénario dit « éclaircie » prévoit un regroupement des forêts de moins de 200 ha. Les économies associées à ce scénario sont de 44 millions €, dont une réduction de 400 ETP. Ce scénario est meilleur que le précédent du point de vue des approvisionnements de la filière et de la préservation de la biodiversité. L’augmentation de la participation des communes n’est plus que de 5 millions €.

- Le dernier scénario dit « conversion » est le plus structurant et porteur d’avenir même si les économies ne sont estimées qu’à 35 millions €, dont la suppression de 360 ETP. La contribution des communes reste inchangée. Il prévoit le regroupement de la gestion des forêts de moins de 500 ha dans des syndicats d’au moins 1 000 ha, avec un effort conséquent de l’ONF pour ramener le coût des aménagements à celui constaté en forêt domaniale. L’accroissement des unités de gestion devrait faciliter l’approvisionnement de la filière et encore mieux préserver la biodiversité. C’est celui que la mission recommande.

Le futur contrat 2016-2020 État-ONF-COFOR était au cœur du congrès annuel de la fédération des communes forestières qui s’est tenu le 2 octobre dernier à Nancy.

L’esquisse présentée a repris bon nombre des recommandations formulées par la mission.

Sur ces bases, la négociation s’engage afin de fixer, pour ces cinq prochaines années, les efforts réciproques que devront consentir l’ONF et les COFOR pour maintenir le régime forestier tout en en réduisant les coûts et en arrêter les financements par les COFOR (frais de garderie) et l’État (versement compensateur).

Lien vers le rapport


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