03 novembre 2025 Publication

L'agriculture de conservation des sols : n'est-il pas temps de s'y mettre ?

  • Dominique TREMBLAY
  • Olivier DENAIS

L'agriculture de conservation des sols (ACS) présente des atouts indéniables, tant sur le plan environnemental que pour l'économie des exploitations agricoles. C'est pourquoi une mission conduite par le CGAAER formule des propositions en vue de favoriser son développement. Elle préconise en particulier d'affirmer, par une communication claire, le caractère patrimonial du sol et les effets positifs de l'ACS, afin de faire émerger une prise de conscience et susciter une mobilisation dans l’ensemble du monde agricole.

Rapport de mission de conseil n°24064

Février 2025

Enjeux

Alors qu'elle a connu dans d'autres pays un essor important, l’ACS reste en France relativement peu développée. De multiples bénéfices sont pourtant portés à son crédit : augmentation de la réserve utile en eau, stockage de la matière organique, amélioration de la biodiversité, meilleure résistance des sols à l'érosion. Mais elle ne parvient pas à dépasser le stade du succès d'estime et à se développer au-delà du cercle des seuls initiés.
La Ministre chargée de l'agriculture a demandé au CGAAER d'analyser cette situation, d'identifier les freins au développement de l'ACS, notamment sur le plan économique, et de formuler des propositions.

Méthodologie

La mission a rencontré des agriculteurs, leurs associations et leurs conseillers. Elle a auditionné des organismes de recherche, des instituts techniques et des entreprises de transformation et de distribution.
Elle s'est attachée à cerner la définition de l'ACS, à objectiver la réalité et la diversité de sa mise en œuvre en France, et à analyser les politiques publiques en lien avec ce mode d'agriculture.
Elle a examiné l'ACS au prisme des problématiques actuelles liées au carbone, à la fertilité des sols, à la biodiversité, à la préservation des sols et à l'adaptation aux évolutions du climat. Elle a spécialement porté son attention sur le volet économique, notamment lors de la phase de transition entre pratiques "conventionnelles" et ACS.

Résumé

Lorsqu'elle est maîtrisée, l'ACS comporte des avantages comparatifs au regard des pratiques plus conventionnelles : diminution du temps de travail, maintien des rendements, amélioration globale des revenus, aménités environnementales positives (pour l’eau, la matière organique, la biodiversité, la résistance à l'érosion). Avec la gestion des couverts et la diversité des assolements, elle peut aussi conduire à une réduction des intrants de synthèse. Elle présente ainsi des atouts pour l'adaptation aux effets du changement climatique.
L'ACS reconnecte l'agriculteur à son cœur de métier, l'agronomie, et lui permet de disposer à nouveau de marges de manœuvre en termes d'autonomie de décision.
Ainsi, le passage à l'ACS est source de valeur ajoutée, pour les agriculteurs comme pour l'ensemble de la collectivité, et constitue une voie non décroissante de la transition vers plus de durabilité et de souveraineté.
Pour la mission, le frein principal au développement de l'ACS est d'ordre culturel. Elle préconise donc d'affirmer, par une communication institutionnelle claire, le caractère patrimonial du sol et les effets positifs de l'ACS, afin de susciter une prise de conscience et une mobilisation dans l’ensemble du monde agricole.
Elle estime que l'ACS n'appelle pas nécessairement de soutien financier lorsque le régime de croisière est atteint, ce qui n'empêche pas une reconnaissance par la valorisation du produit au sein des filières. En revanche, la phase de transition est délicate sur le plan technique et porteuse de risque. L'accompagnement des agriculteurs par tous les réseaux professionnels est donc essentiel.
En parallèle, la mise en place d'un filet de sécurité serait de nature à rassurer pour couvrir le "risque transition".
La mission recommande que la formation initiale et continue des agriculteurs et des techniciens aborde systématiquement l'ACS.
La recherche et l'expérimentation doivent se poursuivre et prendre en compte la diversité des conditions pédoclimatiques, ainsi que des structures et orientations d'exploitation. La mise au point de références techniques et économiques doit s'intensifier Les connaissances sur l'ACS devraient être consolidées dans un observatoire dédié.
Enfin, pour favoriser les échanges, la structuration des filières et le pilotage des politiques publiques, la mission estime indispensable d’instaurer un indicateur simple, unique et reconnu sur la qualité et la santé des sols.

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