26 avril 2018 Publication

Préfiguration d'un fonds d'aide aux victimes de produits phytopharmaceutiques

  • Xavier Toussaint

Une mission interministérielle a été chargée d'étudier l’opportunité et la mise en place d'un fonds d'indemnisation pour les agriculteurs et leurs familles atteints de maladies graves liées à l'emploi de produits phytosanitaires

Rapport de mission interministérielle de conseil n° 17069 CGAAER - IGAS - IGF

Janvier 2018

Mots clés : agriculture, produits phytopharmaceutiques, fonds d'indemnisation

Enjeux

La France se place au second rang des pays consommateurs de produits phytopharmaceutiques (PPP) de l’Union européenne et au huitième rang en quantité par hectare.

Les risques pour la santé humaine de certaines molécules chimiques contenues dans ces produits n'ont été mis en évidence que depuis le milieu du XXème siècle et les recherches sur leur nocivité, à ce jour non exhaustives, se poursuivent. L’interdiction des produits les plus nocifs date des directives communautaires de 1979 et 1991 et de la mise en œuvre concrète des politiques de prévention de 2009.

Une proposition de loi a été déposée au Sénat en juillet 2016 portant création d'un fonds d'indemnisation des victimes de produits phytopharmaceutiques. Cette proposition fait suite à une mission sénatoriale d'information sur l'impact des pesticides sur la santé et l’environnement qui fait état « d’une urgence sanitaire pour les utilisateurs de pesticides, produits dangereux dont l’usage est insuffisamment encadré ».

Une mission interministérielle du CGAAER, de l'IGAS et de l'IGF a été chargée d'étudier l'opportunité de mettre en place un fonds d'indemnisation pour les agriculteurs et leurs familles atteints de maladies graves liées à l'emploi de PPP et d'identifier les modalités de son financement et de sa gestion.

Méthodologie

La mission était composée de Pierre Deprost (IGF), Laurence Eslous (IGAS) et Xavier Toussaint (CGAAER).

S'inspirant des modalités de gestion et d'alimentation des différents fonds d'indemnisation de victimes mis en place en France pour gérer les suites d’événements dommageables de grande ampleur (le FITH pour les victimes de transfusion sanguine atteintes du SIDA, le FIVA pour les victimes de l'amiante, l'ONIAM pour celles du Médiator, le CIVEN pour celles des essais nucléaires et le FGTI pour celles du terrorisme), la mission a élaboré plusieurs scénarios en faisant varier la population cible et les montants individuels d'indemnisation.

Résumé

Le régime « accidents du travail et maladies professionnelles agricoles » (AT-MP), géré par la MSA, ne permet de prendre que partiellement en charge les victimes de produits phytopharmaceutiques.

La reconnaissance de maladies professionnelles liées à l’usage de PPP, enregistrée depuis dix ans (moins de 1 000 cas), n’est pas à la hauteur de la réalité du nombre estimé de victimes potentielles. Cela peut s'expliquer par la difficulté à établir un lien de causalité entre la maladie et l'exposition à des substances nocives. Une estimation du nombre de victimes potentielles pour lesquelles il existe une présomption forte de causalité entre la maladie et l'exposition a été réalisée. Elle s'élève à environ 10 000 personnes sur dix ans dont les deux tiers pour la maladie de Parkinson (tableau 58 du régime AT-MP) et un tiers pour les hémopathies malignes (tableau 59).

Des adaptations du régime AT-MP sont nécessaires pour mieux prendre en charge les victimes présumées de maladies liées aux PPP. Toutefois, ces adaptations ne suffiraient pas pour indemniser l’ensemble des victimes présumées, notamment les retraités et les membres des familles agricoles exposés qui ne relèvent pas du régime agricole. La mission a étudié les conditions de mise en place d'un fonds spécifique d'indemnisation qui pourrait s’avérer alors pertinent.

L'impact budgétaire de la mise en place d'un tel fonds a été décliné selon sept scénarios prenant en compte les pathologies prises en charge, les populations concernées et le niveau d’indemnisation. Le coût estimé sur dix ans varierait de 280 à 930 millions d'euros, soit de 28 à 93 millions d'euros par an.

Une meilleure sensibilisation de la population agricole à la dangerosité des PPP et aux mesures individuelles de protection, l’encouragement à l'emploi de produits et de procédés plus respectueux de la santé des personnes restent toutefois d’une grande pertinence.

Lien vers le rapport :


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