27 juin 2024 Publication

Mission interministérielle sur la lutte contre l’importation illégale de produits carnés et d’espèces protégées

  • Marie-Hélène Le Henaff

Les contrôles exercés dans les aéroports ne dissuadent pas les voyageurs de transporter dans leurs bagages des produits carnés ou des animaux vivants, d’espèces protégées ou non, alors que ces importations sont prohibées. Une mission CGAAER, IGEDD, IS-DGDDI formule des propositions pour remédier à cette situation et contribuer à protéger la santé de la population et des élevages ainsi que la biodiversité.

La Lettre du Conseil général de l'alimentation de l'alimentation et des espace ruraux n°185 juin 2024 Ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire

Rapport de mission interministérielle de conseil n° 23070

Décembre 2023

Enjeux

Les importations dans les bagages des voyageurs de produits carnés et d’animaux vivants d’espèces protégées sont formellement interdites. En dépit des contrôles exercés aux frontières, le trafic perdure et les aéroports parisiens sont particulièrement concernés.

Ces importations font courir des risques sanitaires aux populations européennes, aux animaux d’élevage et à la faune sauvage et menacent la biodiversité. Il convient de mieux caractériser les flux ainsi que les risques réels. Par ailleurs, la problématique est complexe car relevant de plusieurs départements ministériels mais aussi d’acteurs privés.

Méthodologie

La mission s’est appuyée sur une abondante bibliographie (rapports d’inspections et d’ONG, articles scientifiques, etc.). Elle s’est attachée à rencontrer tous les acteurs concernés, en France, au plan européen et international : administrations françaises (douane, aviation civile, agriculture, environnement, justice, affaires étrangères), ANSES, CIRAD, organisations non gouvernementales, ADP, Air France, Commission européenne, douane belge, IATA, OMSA, etc.
Elle s’est rendue à Roissy pour rencontrer les douaniers et observer le contrôle à 100% d’un vol Abidjan – Paris.
La mission a également participé aux réunions du groupe de travail interministériel mis en place par la DGDDI à partir de février 2023.

Résumé

Les services de l’État ne parviennent pas à empêcher l’entrée de produits carnés ou d’animaux vivants, d’espèces protégées ou non, importés illégalement dans les bagages de passagers arrivant dans les aéroports, en particulier parisiens. La réglementation européenne sanitaire et phytosanitaire, fondée sur des analyses de risques, prohibe strictement ces importations afin de restreindre l’entrée sur le territoire de pathogènes. Les contrôles, ponctuels, exercés par les seuls services de la douane ne suffisent pas à enrayer cet afflux qui donne rarement lieu à des suites judiciaires. De plus, la politique tarifaire des compagnies desservant les pays d’origine facilite le trafic en offrant un doublement du poids des bagages pour une somme dérisoire comparée aux prix du billet et de revente des marchandises.

S’agissant de produits animaux ou d’animaux vivants issus d’espèces protégées, ce trafic porte atteinte à la biodiversité. La littérature scientifique a aussi montré que les risques sanitaires sont loin d’être négligeables pour la santé humaine comme animale.

Idéalement, c’est au niveau européen, voire international, que cette question devrait être traitée, particulièrement dans un contexte post-Covid 19. Toutefois, le temps long exigé pour de telles négociations a conduit la mission à privilégier une réflexion nationale.

De nombreuses recommandations ont été émises par des missions d’inspection, des parlementaires ou des organisations non gouvernementales. Force est de constater que ces recommandations n’ont pas été suivies d’effet ou n’ont pas donné les résultats attendus. La mission estime que cet échec est en partie dû à l’absence d’action coordonnée des nombreux ministères impliqués. Le groupe de travail interministériel constitué en 2023 pourrait permettre de commencer à lever cet obstacle en élaborant une feuille de route pilotée par un délégué interministériel dûment mandaté.

La coopération des compagnies aériennes est une condition nécessaire pour renforcer l’information des voyageurs depuis l’achat du billet jusqu’à l’arrivée à destination, et pour mettre en place une obligation de déclaration sur l’honneur de non-transport des denrées interdites ou d’animaux vivants. En outre, elles devraient être incitées à revoir leurs tarifs concernant l’emport de bagages, aujourd’hui peu compatibles avec leur engagement RSE en termes de carbone, d’enjeux sanitaires et de biodiversité.

L’efficacité des contrôles douaniers devrait être renforcée en combinant la responsabilisation des passagers, l’utilisation de chiens, l’aménagement de locaux adaptés et l’emploi de l’intelligence artificielle. Ces contrôles, accrus, seraient aussi accompagnés d’une véritable stratégie pénale concertée entre la douane et les procureurs des tribunaux compétents afin de définir une procédure de traitement pénal gradué en fonction du type d’infraction et du degré de récidive.

Enfin, la mission recommande de lancer des programmes de recherche afin de mieux caractériser le trafic de viande de brousse et les risques sanitaires dans le cadre de l’initiative PREZODE.

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